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par Bernard Giossi
Résumé : Zéro est ce qui ne modifie pas une somme, la présence de zéro n'a aucune conséquence sur l'ensemble. L'invention d'un tel concept témoigne de la folle souffrance de ses inventeurs. Réflexion et historique.
Inventer une grandeur nulle, imaginer que l'origine peut être représentée par rien, conceptualiser l'absence ou le vide... Concevoir quelque chose qui n'est rien et sans incidence sur ce qui est ! Ceux qui sont à l'origine de ce concept ont été traités et considérés ainsi par leurs parents. Le dommage pour l'humanité est immense. Zéro est un concept créé hier pour refouler la trop totale négation vécue dans l'enfance. L'usage du zéro perpétue aujourd'hui la négation de l'histoire de l'être et la souffrance de millions d'enfants et d'adultes d'être considérés comme rien. Le parent, l'instituteur dit à l'enfant : - Il y a une pomme dans le panier... Je prends la pomme, il n'y a plus de pommes dans le panier, la pomme n'existe plus... Il y a zéro pomme. L'enfant s'exclame : - Non ! c'est pas vrai ! c'est toi qui l'a prise, elle est dans ta main, derrière ton dos... Bien sûr, l'adulte insiste, l'enfant nomme les actes et les intentions de l'adulte de toute sa conscience, jusqu'à ce que l'adulte se fâche, menace et le fasse lâcher par l'humiliation et la peur. Pourtant l'adulte triche et l'enfant dit la réalité. La pomme a une histoire, les êtres ont une histoire. Infliger le concept de n'existe plus, de zéro, est une atteinte à l'intégrité de l'enfant. C'est nier la réalité de la relation vécue avec l'autre, avec les autres. C'est nier qu'un comportement a des conséquences (souvent très graves) sur la vie de l'enfant. La pomme existe en puissance dans chaque pommier, dans chaque fleur, dans chaque fruit, dans chaque pépin. La pomme vit avant qu'elle soit vue, désirée et cueillie. La pomme existe lorsqu'elle est dans le panier, lorsqu'elle est retirée du panier et cachée derrière le dos... La pomme existe dans son essence lorsqu'elle est mangée et digérée même si elle n'est plus nommée pomme. Nommer le fruit ne nous donne pas le droit de nier son existence, pourtant c'est ce que fait le professeur en disant ou suggérant zéro pomme. C'est un déni de la Vie manifestée en la pomme, manifestée en l'enfant, manifestée en nous tous. Zéro n'est pas une unité de mesure. L'unité n'est pas valorisée par l'antériorité du zéro de la même manière que l'être ne peut se réaliser sur la négation qu'il a subi. La mesure d'une grandeur donnait 2 lieues, 18 coudées, 7 pouces. Chaque unité utilisée correspondait à un type de mesure plus ou moins proche du corps, en fonction de ce qui devait être mesuré : l'homme était celui qui mesure, il le faisait avec son corps qui était la valeur de référence. Un coude est un coude, un pouce est un pouce. On peut leur ajouter quelque chose mais ils restent indivisibles. Telle distance est de 2679,117 mètres. Le mètre est considéré comme l'unité de mesure de zéro à un. Sa valeur est constamment arbitraire. Elle est subdivisée en cm, mm... micromètre et multipliée en dm, hm, km... etc. L'unité n'en est donc pas une puisqu'elle est divisible, réductible. Le centimètre est une autre unité de mesure dont il faut 100 pour faire 1 mètre. Dire que 100 fois la valeur de 1 cm ont la même valeur que 1 m est arithmétiquement juste. Dire qu'une unité est divisible par 100 et qu'elle est égale à une autre plus petite est une perversité conceptuelle. L'unité ne peut être divisée car l'essence de l'unité est d'être indivisible et hors d'un jugement de valeur. Le mètre n'est donc pas une unité, il est le symbole d'une grandeur constante, c'est un étalon. Mélanger ces notions est donc bien une manipulation de la réalité. De cette identification, unité-valeur, qui semble innocente, découle des conséquences immenses pour l'humain: l'acceptation que le corps, l'être, la vie peuvent être divisés, séparés calculés, opérés et retranchés sans mettre en danger &endash; sinon détruire - l'ensemble de l'humanité, de l'univers. Assimiler un point de départ à nul, rien, zéro, c'est nier la potentialité existante à son origine, c'est nier l'essence de ce qui Est et ne considérer que la valeur/mesure qui est la base du pouvoir. La pomme est une création de la vie. «0,5 pomme» n'existe pas plus que «pomme:2». Celui qui pense ainsi exprime inconsciemment sa propre division intérieure. Il s'approprie la nature comme support et opère sur celle-ci un transfert. Rupture, coupure, séparation et division sont l'expression de celui qui a subi cela et qui le rejoue en toute inconscience. Des millénaires de souffrances terribles et de pénurie difficilement imaginable ont laissé de telles traces; l'invention de la division en est une des conséquences : «zéro virgule...» exprime bien de quoi l'homme a dû se contenter pour survivre, qu'il s'agisse de l'amour de ses parents. de sécurité ou de nourriture. Cette violence a une histoire, celui ou celle qui y ont participé ont une histoire. Légitimer zéro c'est participer au laminage de la plénitude de la vie et continuer à nier la conscience de générations d'enfants et ses conséquences. L'utilisation de la création comme support de l'expression de nos souffrances et, faute de prise de conscience libératrice, comme système de refoulement, nous enchaîne à souffrir plus encore. Il faut alors augmenter nos capacités d'expression de la souffrance et ce par tous les moyens. Les outils de destruction, élaborés grâce aux mathématiques, témoignent de notre aveuglement et de ses conséquences : d'incompréhensibles et culpabilisants ravages - P.Z. alias point zero est la projection au sol du point d'éclatement d'une explosion nucléaire, là où toute vie a été détruite. Enfin, plus proche de nous, ground zero est le point le plus bas des déblayements des tours du World Trade Center. Il n'est pas question de diaboliser le progrès, de revenir au passé ou de juger les créations des hommes. Il s'agit de mettre à jour la réalité et la souffrance qui ont présidé et président aujourd'hui encore à ces élaborations. Il s'agit de révéler les dynamiques de refoulement et de compensation de la souffrance qui en sont à l'origine. Il s'agit de se libérer de l'ignorance de notre véritable histoire et de celle des siècles dont nous sommes issus afin de nous restituer notre grandeur humaine ainsi que notre liberté.
Peu d'années après la fin de la première croisade qui fut un énorme mouvement de populations associé à une hécatombe humaine, apparût dans la langue française le mot occident pour désigner l'ouest et ce qui est à l'ouest. Ce terme provenait du latin classique sol occidens, soleil tombant, abattu, et désignait le point cardinal correspondant à celui où le soleil se couche: l'ouest (dans le monde antique, la disparition nocturne du soleil était support de grande terreur et de mort). L'origine en est le verbe occidere, tuer, faire périr, mettre en morceaux. Ceux qui ont participés de près ou de loin à ces terribles évènements se sont peu à peu identifiés à la terreur qu'ils inspiraient et qu'ils vivaient eux-mêmes ; terreur dénommée comme de l'ouest. La relation directe et évidente entre où le soleil meurt et d'où vient la mort fut, à mon sens, déterminente. Entre le XIII ème et le XV ème siècle apparaissent, à travers le latin médiéval cifra, les formes francisées cifre, chifre (1220) puis chiffre, et désignent le signe équivalent à ce que nous nommons aujourd'hui zéro. C'est par les cités industrielles de Picardie et en rapport avec le commerce que cette notion s'est imposée dans le language commun. Le concept est issu du système numérique décimal arabe et le mot vient de sifr', vide. Les Arabes l'ont eux-mêmes emprunté à la mathématique indienne (en sanskrit : sûnya). La notion de zéro n'existait pas dans le système numérique romain, alors que les autres nombres correspondaient. Il est certain que les incessants contacts commerciaux et culturels qui acompagnèrent deux cents ans de croisades guerrières furent déterminants dans le transfert de nombreuses locutions, idées et concepts. Du XIe au XIII siècle, l'Europe et la France sont secouées par les nombreuses croisades et guerres, la répression des hérésies et la peur des invasions mongoles. Au XIV siècle, les ravages inouïs de la guerre dite de Cent-Ans et de la Peste Noire (plus du tiers de la population mourrut) laissent imaginer l'état de terreur et de détresse vécus par les populations. C'est dans ce contexte, qu'apparaît le mot zéro qui va remplacer chiffre dont le sens va s'étendre à tout signe servant à représenter des nombres. Zéro (attesté dès 1485) est directement emprunté à l'italien zero qui est une contraction de zefiro, du latin médiéval zephirus, vent doux et tiède. Ce mot vient du grec zephuros, vent d'ouest ou de nord-ouest et personnification mythique du vent. Zephuros est issu de zophos qui signifie ténèbres, région obscure c'est-à-dire l'ouest... d'où le rapport profond avec l'occident. Pris dans le contexte de cette époque, un vent doux et tiède ne peut dissiper les odeurs des milliers de cadavres et des bûchers; plus encore, il en devient le porteur et le diffuseur. Le lien entre les sens de zéro-zephiro (le vent) et zéro-vide (car la vie des hommes ne vaut plus rien dans la guerre et la mort) m'est alors évident. Vers 1512, les expressions être un (vrai) zéro puis vers 1573 c'est un zéro en chiffre désignent une personne jugée sans valeur. Zéro est attesté comme nombre de valeur nulle dès 1690, puis pour nommer l'origine, d'abord dans la graduation des échelles thermométriques puis sur tous les instruments de mesure (1757). Cet emploi en Sciences banalise des locutions comme réduire à zéro et partir de zéro. Zéro se substitue à chiffre comme symbole remplaçant dans la numérotation les ordres d'unités absentes et désigne une grandeur nulle. Vers 1771, en aviculture, le terme oeuf zéphyrien désigne un oeuf sans germe, qui n'a donc pas de potentiel de vie. Au XIX ème siècle, les scientifiques banalisent les expressions au-dessous de zéro (1813) et zéro absolu (-273,15°C en 1818). En 1832, les zéphyrs est le nom donné aux soldats des bataillons d'infanterie légère coloniale en Afrique. S'il est probable que la référence directe soit la couleur de leurs uniformes, il me semble indéniable que l'odeur de poudre, de mort et de terreur qui les précède et les suit pose le fond inconscient de cette dénomination. L'Instruction Publique introduit le zéro dans les systèmes de notations comme correspondant à la non-valeur absolue, ce qui se retrouve dans zéro de conduite (1911). Après les horreurs de trois guerres, dont deux mondiales, de l'Holocauste et des hécatombes nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki, apparaissent les expressions avoir le moral à zéro (1947) et être à zéro (1953) pour désigner une personne déprimée. Du jugement posé sur les capacités et le travail de l'adulte puis de l'enfant, le concept s'impose à son état psychique et spirituel. Ce passage à l'acte, vieux de plus de cinq cents ans, sur le sens et donc sur la vie des humains est verrouillé par le pouvoir et légitimé par ses agents que sont, entre autres, les académiciens du language. Bernard Giossi
Sources : Dictionnaire Historique de la Langue Française, Le Robert, Paris 1998. Dictionnaire Encyclopédique, Larousse Paris 1994. Atlas Historique Universel, Minerva Genève, Suisse 1997
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