La jeunesse nous fait aujourd’hui terriblement peur. Des évènements dramatiques – la récente tuerie du lycée d’Erfurt (Allemagne) ou celle de Nanterre, par exemple – viennent confirmer cette anxiété croissante. Les cibles visées par les jeunes tueurs ne sont pas des figures d’autorité brutale, mais des enseignants, des représentants politiques au service de la vie publique. La stupeur et l’incrédulité font bientôt place à une révolte légitime devant l’horreur.
À Nanterre, Richard Durn a dit vouloir se sentir pour une fois libre et puissant « en donnant la mort et en détruisant psychologiquement [sa] mère et [sa] sur. » [1] Il abattit froidement des collègues militants. À Erfurt, Robert Steinhäuser – masqué comme un guerrier Ninja – prit pour cible le corps professoral du lycée dont il avait été expulsé depuis peu, tuant 13 enseignants qu’il avait côtoyés. Au-delà des pathologies individuelles, est-il possible d’interroger le sens que ces passages à l’acte peuvent avoir pour chacun?
Dans ce second numéro de Regard conscient, nous revenons d’abord sur les dangers d’un discours sécuritaire, qui encourage finalement l’expression des extrêmes (page 2). À l’évidence, les vieilles recettes d’ordre et de discipline montrent aujourd’hui leurs limites, bien qu’elles soient encore plébiscitées largement. En effet, les adultes nient généralement le rôle qu’ils tiennent dans les mises en scène de la vie quotidienne, préférant faire porter la responsabilité de leurs souffrances aux jeunes générations.
Pourtant, et de tout temps, l’enfant s’est offert en miroir des émotions parentales. Une incursion dans notre passé récent nous montre la violence des projections diaboliques faites sur lui, qui justifiaient les moyens répressifs – véritables exorcismes – mis en uvre contre son intégrité physique et psychique (page 3). Aujourd’hui encore, le nouveau-né est considéré comme un tyran potentiel et ses pleurs suscitent des désirs de meurtre sur lesquels les psychologues s’interrogent (page 4).
Par la croyance en l’existence du « bon élève », des parents et des enseignants se sentent légitimes de mettre certains enfants sous amphétamines (page 5). Ce mythe collectif permet aux adultes de contenir les humiliations subies dans leur propre parcours scolaire, mais au prix de l’équilibre psychique de ces enfants. Certains d’entre eux souffriront toute leur vie de désordres psychiques suscités par ces drogues.
Or, l’enfant est le révélateur extraordinairement sensible des émotions et tensions présentes dans son environnement. En cela, il manifeste spontanément – et souvent douloureusement – des souffrances que les adultes sont impuissants à libérer. Nous avons réuni plusieurs témoignages d’ex-enfants qui peuvent dire aujourd’hui comment ils ont vécu le déni de cette réalité.
Finalement, le message de « l’enfant miroir » est celui d’une libération possible de la souffrance humaine. Car derrière l’inévitable confrontation des générations, réside l’espoir d’une reconnaissance de l’amour que chaque enfant porte à la Vie. Et nous avons tous été cet enfant-là.
M.Co.
[1] Cité par Le Monde, 31.03.2002.