Un vent répressif souffle sur la France. À la veille des législatives, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin multiplie les effets d’annonce et les ministres descendent dans la rue. La création de « centres éducatifs fermés pour délinquants mineurs » est désormais à l’ordre du jour. Selon le sénateur RPR Jean-Pierre Schosteck, ces établissements spécialisés seront destinés « à ce petit nombre d’individus qu’il faut retirer du circuit pour les rééduquer » [1]. Ce programme permettra par exemple de contourner l’interdiction d’emprisonner les jeunes de moins de 13 ans, prévue par le Code pénal. De son côté, la presse grand public fustige « la dictature des ados » qui seraient « de véritables démons domestiques » et certains spécialistes affirment que nous vivons dans une société « adolescentrique » où les jeunes prescriraient la pensée et la conduite des adultes [2].
Dans ce numéro de Regard conscient, vous pourrez lire comment est né ce courant répressif et ce dont il témoigne (page 4). L’émergence de valeurs nouvelles — qui se manifeste d’abord par une anxiété croissante au sein du corps social — engendre l’attente inconsciente d’une répression. Saisis d’une panique qu’ils ne comprennent pas, les adultes se retournent contre leurs propres enfants ou délèguent aux leaders politiques le rôle d’un père autoritaire.
Contrairement à la maltraitance infantile, la violence éducative est en effet parfaitement admise et même revendiquée par une majorité de parents et d’éducateurs qui pensent que l’enfant doit être maté pour grandir (page 3). Cette chaîne de violence se transmet de génération en génération parce que ses partisans ont reçus eux-mêmes des coups, se sont identifiés à leurs parents et ont donc adopté leurs principes.
Pourtant, l’enfant n’est pas préparé à recevoir ces coups donnés par ceux qui représentent sa base de sécurité. Ces violences interfèrent gravement avec ses comportements innés et le développement de sa sensibilité (page 7). Devenu jeune adulte, paralysé dans l’expression de sa souffrance, il court le risque de s’enfermer dans des passages à l’acte qui le condamneront et justifieront la répression exercée contre lui. A contrario, le cas exemplaire de la Suède — où les châtiments corporels sont interdits depuis 1979 — montre que la génération ayant bénéficié d’une éducation moins violente est également moins portée vers la délinquance (page 2).
C’est donc vers les familles et les parents que devraient se tourner les efforts d’information. Or ces derniers portent un fardeau de culpabilité sans pouvoir réaliser qu’ils ont été eux-mêmes condamnés par leurs propres parents (page 6). Il existe pourtant des moyens d’éviter que nos automatismes répressifs ne se reproduisent. Par exemple, le malaise ressenti au moment d’un passage à l’acte sur l’enfant peut être le point de départ d’une réflexion sur sa propre enfance. D’autre part, des outils de communication peuvent être mis en uvre pour favoriser un climat d’écoute et de confiance (page 8). À l’heure où l’on accuse volontiers la jeunesse de tous les maux, il convient de rappeler que nous sommes responsables de l’héritage relationnel que nous lui léguons.
M.Co.
[1] Cité par Jacqueline Coignard, « Mineurs délinquants : fini l’éducation, bonjour la répression », Libération, 10.05.2002.
[2] Lire Claire Chartier, « Pourquoi les ados font la loi », l’Express, 23.05.2002.