Édito No 4 (juillet 2002)

Des maux pour le dire

par Marc-André Cotton

Une surprenante campagne française antitabac, lancée le 23 juin par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), aura-t-elle fait plus de mal que de bien? La question mérite d’être posée au vu de la panique provoquée par ce mystérieux message de cinq secondes, diffusé avant les journaux télévisés : « Avis aux consommateurs : des traces d’acide cyanhydrique, de mercure, d’acétone et d’ammoniac ont été décelées dans un produit de consommation courante. » Le numéro vert, révélant que le produit était en fait la fumée de cigarette, a été rapidement saturé malgré une capacité prévue de 100’000 appels par heure [1].

D’après l’INPES, il serait « préférable de faire peur plutôt que de déplorer, comme aujourd’hui, 60000 décès annuels à cause du tabac. » Dans cette optique, seule une publicité de choc et un climat de crise destinés à dramatiser le danger pourraient amener une prise de conscience salutaire. En réalité, rien n’est moins sûr parce que la connaissance de la toxicité de la drogue est en elle-même insuffisante pour modifier une conduite addictive. Pire, le message de panique peut constituer un choc dramatique et imprévu qui, s’il est vécu dans l’isolement, conduira certains individus à développer le cancer qu’on voulait leur éviter.

Dans ce numéro de Regard conscient, vous pourrez lire qu’une prévention efficace de la maladie passe par la connaissance des lois de la psychosomatique encore peu accessibles au public. Pour cette discipline, le «mal-a-dit» est un signe dont on peut décoder la syntaxe (page 3). Il nous invite à un autre regard sur l’origine des symptômes, car l’état de notre corps est l’exact reflet de l’état de notre âme. Ainsi, à l’origine d’une pathologie, on trouve toujours un conflit, vécu dans l’isolement (page 7).

En l’occurence, la mise à jour des antécédents familiaux est déterminante dans la compréhension des mécanismes de la dépendance (page 8). En effet, le corps incarne le poids d’un vécu relationnel et affectif non-reconnu, transmis au fil des générations. Les prises de conscience et la libération progressive des émotions refoulées sont alors réparatrices (page5). Même les blessures que s’infligent les dieux du stade témoignent de mises en acte collectives révélatrices de souffrances profondes, portées par des nations entières (page 2).

Malheureusement, les programmes scolaires - celui de biologie en particulier - privilégient l’approche mécaniste du corps humain. À travers un enseignement axé sur le refoulement de la sensibilité naturelle des enfants, ils prédisposent ces derniers à somatiser leurs souffrances (page 4). Or, comme l’écrivait C. G. Jung dans les années vingt déjà, les jeunes qu’on éduque au mépris de leurs dispositions naturelles développent une personnalité névrotique du fait de l’adaptation prolongée au stress provoqué par les exigences qu’ils subissent (page 6).

C’est donc à une véritable révolution intérieure que nous convie l’existence de ces maux, si variés soient-ils. Tous témoignent de la nécessité de retrouver en soi-même la force de vie que nous incarnons.

M.Co.

[1] Lire notamment Marie-Estelle Oech, « Une campagne pour faire peur », Le Figaro, 25.06.2002.


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