Édito No 7 (décembre 2002)

Vers une libération de l’être

par Marc-André Cotton

Au lendemain du sommet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), récemment tenu à Prague, le monde occidental s’enferme dans un dilemme. D’un côté les nations prétendent renforcer leurs alliances militaires pour acquérir une puissance telle qu’il soit impossible à tout adversaire de menacer leur territoire. De l’autre, ces mêmes nations se chamaillent pour savoir quelle est, précisément, la nature de l’ennemi qu’elles veulent combattre. Dans cette confusion, les échanges prennent l’allure d’une interminable affaire de famille. Ainsi, un membre du Conseil américain pour les relations extérieures a-t-il accusé l’Europe d’avoir, à l’égard des États-Unis, « l’attitude d’un sale gamin de 16 ans, face à ses parents. » [1]

Dans ce numéro consacré à la libération de l’être, vous pourrez lire pourquoi les évènements historiques nous ramènent immanquablement à nos problématiques familiales (page 7). L’homme s’enferme dans le concept d’ennemi et finit toujours par s’en prendre brutalement aux enfants, malheureux boucs-émissaires d’une humanité qui élude sa quête de vérité. Les peuples plébiscitent les dirigeants les mieux disposés à cette tâche inconsciente et cela quelle que soit leur tendance politique. C’est pourquoi le fantasme de « l’enfant-tyran » fait recette en période d’insécurité (page 2).

Mais en attribuant à l’enfant la responsabilité de leurs souffrances, les adultes méprisent le miroir qu’il leur tend et se détournent d’une remise en cause pourtant salvatrice. La conscience innée de l’enfant est un guide qui a ses propres lois et doit être accueilli comme un cadeau de la vie (page 4). Au lieu de cela, les adultes imposent aux enfants une sujétion psychologique aux conséquences dévastatrices. Ceux-ci développent une fidélité à l’éducation qu’ils ont reçue, même devant l’évidence qu’elle leur a gravement porté préjudice (page 6). Ce déni de l’être est présent jusque dans la perception que nous avons de la science des nombres, et l’utilisation que nous faisons des concepts mathématiques (page 3).

Au cœur des problématiques familiales, on trouve cette injonction: «Tu honoreras ton père et ta mère». Elle est déloyale parce qu’elle dénie à l’enfant l’amour qu’il a toujours porté à ses parents et dont ceux-ci ont disposé sans limites. De la capacité à recontacter cet amour va dépendre la possibilité d’une libération pour l’adulte en souffrance, à travers un long processus d’écoute intérieure. Sur ce chemin, la présence aimante et attentive d’un témoin éclairé est aussi importante que le désir sincère de vivre notre vérité intérieure, car c’est à chaque instant que s’offre une possibilité d’éveil (page 8).

Lorsque l’homme remet en scène sa propre histoire, individuellement ou collectivement, il est déconnecté de cet amour et passe à l’acte sans état d’âme. Il s’attache à des supports et nourrit des obsessions meurtrières envers des adversaires qui font de même. Dans les conditions d’extrême aveuglement qui caractérise notre époque, puissions-nous réaliser combien nos enfants nous honorent en nous reflétant l’état dramatique dans lequel nous nous enfonçons à chaque refus de conscience.

M.Co.

[1] Max Boot, “America acts the grown-up”, International Herald Tribune, 26.11.2002.


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