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Une guerre menée contre l’intégrité des consciences

par Sylvie Vermeulen

Cet article est paru dans la revue Regard conscient No 10 (juin 2003)

Ce texte est désormais disponible dans l’ouvrage Le Génie de l’être et autres écrits, Le Hêtre Myriadis, 2021.


Résumé : Les gouvernements utilisent nos terreurs refoulées pour justifier les guerres. Ils manipulent la part non réalisée en chacun.

 

Pour solutionner des situations économiques et politiques dont ils veulent encore ignorer les causes, les représentants des pays occidentaux s’engagent dans des conflits armés qu’ils légitiment en ciblant leurs guerres sur des objectifs précis : la guerre contre le terrorisme, par exemple. Ainsi, leurs électeurs se sentent bien représentés, car plus ils ciblent et plus ils donnent l’impression de savoir ce qu’ils font.

 

Remontées émotionnelles

Les représentants du Pouvoir ont développé une aptitude à manipuler les populations qui provient de leur expérience et non pas d’une conscience qu’ils auraient de la nature humaine. L’opinion publique leur importe, il leur faut la mettre au service de leurs intérêts.

Actuellement, dans le monde occidental, ce ne sont pas les victimes des attentats du 11 septembre 2001 qui forment l’opinion publique mais les témoins de ce drame, essentiellement télévisuels. Il était prévisible que le choc subi par ces derniers engendrerait des réactions et des attentes bien précises. Les témoins allaient réagir individuellement et collectivement en fonction de leurs terreurs passées et de la gestion de leur refoulement.

L’impact et le pilonnage médiatique renforcèrent l’interdit inconscient de discerner l’horreur due aux évènements, de la terreur qui émergeait directement du passé refoulé en chacun. Les coupables désignés et les explications des politiciens, bien que compensant la stupeur du moment, ne comblèrent pas le besoin de conscience des gens. Par contre, lorsque le sacrifice des victimes fut consommé, les gouvernements eurent toute latitude pour remettre en scène des scénarios s’apparentant aux causes réelles des terreurs émergentes. Les lois liberticides et la guerre en Irak sont les pendants de la terreur revécue lors des attentats. Elles participent à l’élaboration d’un sentiment collectif de complétude en donnant a posteriori un sens à l’émergence d’une terreur dont les causes réelles n’ont pas été reconnues.

 

Symbole de la souffrance

Que le gouvernement américain ait été ou non à l’origine de ces attentats ne change rien aux dynamiques humaines qu’ils mettent ensuite en œuvre, ni à leur sens. Accédons, le temps d’une supposition, à la demande de ce gouvernement d’être considéré comme étant totalement victime de ces attentats et considérons les terroristes désignés comme étant les auteurs de ce terrible évènement. Puisqu’ils apparaissent sur la scène mondiale, ces derniers deviennent les représentants d’une cause. À travers la mise en scène, ils symbolisent la souffrance de toute une religion et les actes posés définissent au mieux l’origine de leur souffrance.

La plus probable est la circoncision, violence subie et refoulée par de nombreuses communautés qui détermine un rapport spécifique à la loi du Père et à la vie. L’histoire de la circoncision aux États-Unis fait des Américains un peuple susceptible de reconnaître la gravité des conséquences de cette pratique. Probabilité qui s’appuie sur le fait que la circoncision, après avoir été prônée par le corps médical, a été remise en cause par la population. Le nombre de circoncis a progressivement diminué, et ceci relativement facilement au regard des musulmans qui subissent, enfants, le poids des traditions (la violence du père). Le président des États-Unis, figure du Père symbolique, est alors porteur d’une responsabilité, en tant qu’humain, celle de reconnaître la violente mutilation subie par les terroristes qui les poussent à commettre fréquemment de tels actes. Le gouvernement américain, ignorant par mépris la nature humaine, se présente comme innocent et victime d’une violence qui est utilisée pour légitimer des représailles. Les investigations permettant la mise à jour des causes réelles des attentats sont alors écartées au profit du rejouement du gouvernement américain, le premier servant de tremplin au second.

Que le gouvernement américain ait été au courant et ait laissé se dérouler les attentats ou qu’il ait lui-même fomenté ces forfaits, il symbolise dans les deux cas le Père qui sacrifie son propre enfant pour satisfaire les intérêts du Pouvoir. Dans l’une comme dans l’autre de ces suppositions, le père – qu’il soit islamiste ou américain – est aveuglé par le maintien de son refoulé.

S’il n’y avait pas eu résonance avec cette terreur refoulée en chacun, les témoins auraient eu la possibilité de sentir avec certitude le rôle auquel les responsables de ces attentats étaient en train de les réduire. En effet, la souffrance occasionnée par ces seuls évènements ne permet pas la manipulation des esprits. Pour obtenir l’aval sans condition de toute une population, les pouvoirs en place ne peuvent manipuler que la part non-réalisée en chacun, ce qui précipite les foules dans des remises en scène préméditées et organisées depuis longtemps dans les coulisses du Pouvoir.

Au mieux, il aurait fallu avoir une ample et juste connaissance des situations économiques et politiques mondiales pour discerner le vrai des interprétations mensongères et tendancieuses imposées par la plupart des médias. Il aurait été alors peu probable d’adhérer aux discours qui sont venus compenser l’intolérable incompréhension.

 

Instantanéité de la conscience

En tant qu’être humain, il nous appartient d’être au clair avec notre histoire personnelle, de retrouver notre sensibilité et de découvrir les canaux de notre propre structure névrotique, afin d’entendre ce qui ne doit pas être entendu, de voir ce qui ne doit pas être vu et de faire les liens qui ne doivent pas être fait. Cela donne une instantanéité de la conscience, une perspicacité constante, imperturbable face à la manipulation. Cela permet de réaliser à quoi l’autre est identifié, ce qui le fait agir, ce qu’il sélectionne, ce qu’il remet en scène et comment il reconstitue l’Histoire pour justifier ses actes, ses prises de position et ses dépendances.

Le fondement de la terreur activée pour former l’opinion publique est donc celui des terreurs vécues dans l’enfance et refoulées. On ne peut pas imaginer, sans l’avoir reconnue soi-même, l’ampleur de la sensation que vit le tout-petit enfant lorsque son protecteur retourne, par inconscience, sa force physique contre lui. L’impact est terrible et perturbe la conscience qui, dès lors, ne peut plus s’exercer pleinement. Les adultes, manipulés par l’ignorance qu’ils entretiennent de ces phénomènes, ne trouvent dès lors rien à redire quand le Père symbolique remet en scène une situation traumatique simulant celle qui causa en eux le Shock and Awe, le « choc et l’effroi ». Bush junior peut alors aller « botter les fesses » de Saddam Hussein, personne ne fera les liens entre les causes de sa terreur refoulée et ses prises de position. De plus, la mise en scène engendre un immense espoir, celui d’une prise de conscience libératrice, celui de la résolution. Mais, comme il est impossible de résoudre la terreur refoulée sans toucher à l’image du père, les hommes se sentent menacés par la prise de conscience elle-même. Dès lors, ils intensifient la résistance à leur propre sensibilité et s’enfoncent dans l’ignorance qu’ils ont déjà d’eux-mêmes. Ils déploient des stratégies et des défenses qu’ils opèrent en eux et construisent des armes de défense qui dévoilent les bases relationnelles découlant de l’amplification du refoulement de leurs souffrances.

Sylvie Vermeulen

© S. Vermeulen – 04.2004 / www.regardconscient.net


Fragmentation de la conscience

Sous le choc initial, le monde intérieur explose en deux mondes distincts : le refoulé et l’adaptation. Le rapport au monde relationnel responsable de ce choc explose lui aussi en deux mondes distincts, par une volonté d’adaptation qui scinde l’Unité en Bien et en Mal, et qui la morcèle à outrance afin de former et de maintenir des hiérarchies basées sur l’opposition de ces concepts: les héros, symboles de ceux qui savent mieux s’adapter que les autres, et les lâches; les bons et les méchants ; les croyants et les hérétiques; les meilleurs et les nuls

Tous les opposés, tous les contraires, toutes les étiquettes manifestent la fragmentation de l’intégrité de la conscience humaine et de l’unité réelle entre les Hommes.

Rendus incapables de saisir ces évidences, les hommes s’aliènent toujours davantage en sophistiquant leurs armes jusqu’à l’invention des mines anti-personnel et des bombes à fragmentation. Ils sont alors face aux conséquences de leur explosion: la fragmentation des corps, représentation la plus monstrueusement pertinente de la fragmentation de leur conscience.

S. V.