Résumé : Un programme inhabituel diffusé par France 2 entrouvre la porte de nos mémoires familiales. L’occasion de se pencher sur l’origine de notre inaltérable soif de vérité.
On parle beaucoup de mémoire ces temps-ci : hommage aux six cents ans de Jeanne d’Arc en janvier, bruyant tricentenaire de la naissance du citoyen Rousseau (tout au moins à Genève d’où j’écris !) ou commémoration plus discrète de l’Année Blaise Pascal, sans oublier l’inévitable « devoir de mémoire » dont la classe politique se réclame régulièrement. Malmené par les biographes, le fil d’une existence s’amenuise lorsqu’il fait l’objet de disputes partisanes. Dans ce contexte, les huit livraisons de l’émission Secrets de famille, diffusée ce printemps sur France 2, nous ont offert une rare bouffée d’air frais trop vite dissipée dans le déni ambiant.
Construit comme une suite de témoignages bouleversants, le programme interroge des personnes confrontées à la révélation d’un passé familial inavoué et aux tourments qui accompagnent leur quête de vérité. Enfances volées, destins tragiquement détournés par l’inconscience des adultes, les mots manquent pour décrire la formidable énergie que ces êtres déployèrent afin de retrouver le sens de leur histoire, souvent indissociable de l’époque dans laquelle ils grandirent. Si le poids des non-dits transparaît à l’écoute de tels récits de vie, la détermination de ces trahis de naissance à percer les mystères de leurs origines force l’admiration. N’y a-t-il pas là matière à réflexion ?
Sur la mémoire tout d’abord, que l’on réduit souvent à une masse de souvenirs plus ou moins agréables constituant notre identité personnelle ou collective. La mémoire, nous disent les protagonistes de Secrets de famille, est une matière vivante qui se rappelle à nous tout au long de la vie. Elle est porteuse d’une cohérence insoupçonnée et déroutante tant que nous n’en comprenons pas le langage. Bien que déchirante, l’écoute patiente et obstinée des vérités qu’elle recèle conduit à l’apaisement.
Sur le sens de nos quêtes d’adultes, tout autant. Souvent à notre insu, la vie nous interpelle par des coïncidences ou des rencontres propices à la révélation d’une dimension occultée de l’enfance, comme si la clé de notre présent s’y trouvait enfouie. De cette prescience qui semble guider nos pas, nous sommes également les acteurs, à vrai dire plus ou moins consentants. L’intensité des témoignages de ce programme suscite une interrogation : suis-je moi-même réceptif à cette réalité ?
Sur la nature de l’enfant, finalement. Longtemps considéré comme un objet, l’enfant est récemment devenu sujet de droit dans notre société tout au moins. Mais qu’en est-il de sa conscience spontanée ? Quels égards avons-nous pour sa sensibilité naturelle ? Confronté aux mensonges des adultes, l’enfant « sait » mais doit se taire et finit par porter une lourde problématique. Tout au long de sa vie, il va la mettre en scène dans l’espoir d’y trouver une raison d’exister. L’émission de France 2 nous offre un aperçu des conséquences globales d’un tel gâchis relationnel.
Tout parent dispose d’une potentialité décisive dans l’accueil ou le mépris de cette sensibilité consciente dont témoigne chaque enfant. Dans une moindre mesure, c’est aussi vrai des personnels de la petite enfance et de l’éducation, souvent réduits à soumettre la jeunesse aux contraintes du social. Au fil de mes chroniques pour Peps, je montrerai comment le déni de conscience subi dans l’enfance appelle notre attention au travers d’innombrables manifestations collectives dont témoignent les médias, mais aussi les parcours ordinaires de nos vies. Avec quelques clés de décodage, nous pourrons voir un sens à ce vacarme qu’engendre le monde moderne et cheminer vers une meilleure connaissance de l’humain. Même si notre existence n’a pas l’ambition dramatique d’un épisode de Secrets de famille !
Marc-André Cotton
© M.A. Cotton 10.2012 / regardconscient.net
S’intégrer… ou se réaliser ? Comment se libérer du poids de l’histoire familiale
Ce qui nous préoccupe le plus est le besoin irrépressible de comprendre ce que nous vivons. Pour nous libérer du poids du passé, nous avons besoin d’un positionnement clair face à ce que nous avons subi. Notre réactivité face aux circonstances du présent doit donc être considérée avec tout le sérieux nécessaire à une prise de conscience.
(01/2013)