Comportementalisme


Isolement de l’enfant : que disent (vraiment) les recherches sur le « time-out » ? (2/2)


par Marc-André Cotton*


Cet article est paru en anglais dans la revue à comité de lecture The Journal of Psychohistory, Vol. 52, No 1 (été 2024)


Retrouvez ici la première partie de cet article !

 

 

 

Résumé : La question de l’efficacité, voire de la nocivité de cette mesure pour le développement psycho-affectif de l’enfant, ne cesse de faire débat. L’objectif du présent article est d’examiner concrètement les études dont cette discipline se réclame pour justifier le « time-out » et d’en préciser les bases théoriques et méthodologiques.

Mots-clés : comportementalisme, conditionnement opérant, « time-out », régulation émotionnelle, psychologie du développement, expériences négatives vécues pendant l’enfance, réactivation traumatique, ostracisme.

 

 

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Introduction

La mesure éducative de mise à l’écart, pour un temps limité, des enfants considérés comme agités ou désobéissants – dite « time-out » – n’en finit pas de susciter le débat en France. Ses promoteurs évoquent « un outil pédagogique issu de la clinique[1] » faisant l’objet « d’un consensus international clair[2] » appuyé par de multiples études scientifiques. Il serait démontré que son application avisée réduit les violences intrafamiliales sans avoir d’effets délétères « y compris chez les enfants ayant déjà des antécédents de traumatismes ou maltraitances[3]. »

Ajoutant à la confusion, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) soutient des programmes de consultation pour parents incluant le « time-out » dans l’éventail des mesures de parentalité dite positive susceptibles d’être mises en œuvre[4], tandis que le Comité onusien des droits de l’enfant affirme sans ambiguïté que les violences mentales proscrites par la Convention internationale de 1989 comprennent le fait « de repousser [l’enfant] et de le rejeter, de l’isoler, de l’ignorer ou de faire preuve de favoritisme[5]. »

De son côté, la Fondation pour l’Enfance classe le « time-out » parmi les violences éducatives ordinaires (VEO) « les moins bien identifiées » par les parents français[6]. Dans son premier Baromètre des violences éducatives ordinaires publié l’an dernier, elle déplore qu’une majorité d’entre eux se sente mal informée sur ce qui constitue une VEO, sur les structures pouvant les accompagner dans leur parentalité et sur les alternatives permettant d’éviter les abus. Ainsi, 49 % des parents interrogés dans ce sondage estiment qu’enfermer un enfant dans une pièce quelques instants n’est pas une VEO, et qu’il est difficile, voire impossible, d’éduquer un enfant sans le mettre au coin (59 %) ou le punir (70 %).


1. Des études difficilement accessibles au public

Il paraît donc souhaitable que les informations permettant aux parents de se positionner dans ce débat soient plus largement disponibles, comme le suggère d’ailleurs le Comité des droits de l’enfant[7]. Or le champ de la parentalité tend à devenir une affaire de spécialistes, chacun se prévalant de son expertise pour discréditer celle des autres, avec pour incidence fâcheuse d’entretenir la perplexité des acteurs concernés et de favoriser le recours aux méthodes traditionnelles de discipline.

Plus particulièrement, les études scientifiques invoquées pour défendre les programmes de consultation pour parents incluant le « time-out » sont difficilement accessibles au public, leur lecture étant réservée à une caste de professionnels[8]. Pour le commun des mortels, leurs présupposés restent obscurs et leurs méthodologies sibyllines, tout comme l’évaluation de leurs résultats. C’est pourtant autour d’elles que s’articule la controverse entourant le « time-out » et la validation éventuelle de son efficacité.

L’objet de la présente revue de littérature est d’examiner concrètement ce que disent quelques-unes de ces études – mais aussi ce qu’elles ne disent pas. Dans quel contexte ont-elles été menées et sur quelles bases théoriques ? Présentent-elles toujours la rigueur attendue d’une démarche que l’on puisse qualifier de scientifique ? Dans quelle mesure l’interprétation de leurs résultats est-elle sujette à caution ? Enfin, quelles représentations de l’enfant participent-elles à propager ? Sans prétendre à l’exhaustivité, cet état des lieux entend faciliter l’intelligence des arguments entourant la polémique sur l’isolement de l’enfant et – espérons-le – contribuer à un accompagnement plus apaisé des enfants qui nous sont confiés.


2. Programmes de modification du comportement

Pendant des siècles, obéissance et discipline furent associées à l’exercice de la violence. La croyance selon laquelle la douleur physique infligée à l’enfant par une personne d’autorité est nécessaire pour le soumettre aux règles sociales était très largement répandue. Dès les années 1930, influencés par le béhaviorisme, des psychologues nord-américains commencèrent à expérimenter l’isolement et l’éducation par les conséquences comme des alternatives raisonnables aux châtiments corporels. Directeur de la St George’s School for Child Study de Toronto (Canada), une école élémentaire conçue comme un laboratoire pédagogique (fig. 1), le Dr William Blatz écrivait :

« Si un enfant manifeste une résistance active même face aux méthodes les plus éclairées, la forme de contrainte qui semble efficace avec un minimum de résultats indésirables consiste à le saisir physiquement et à le mettre à l’écart jusqu’à ce que son comportement s’assouplisse. Appliquée systématiquement à l’école maternelle, cette pratique échoue rarement, car elle est renforcée par la sanction d’être retiré du groupe, mais elle est [pour cette raison] moins persuasive dans la famille[9]. »

 


Fig. 1 : Les enfants de la St George’s School for Child Study de Toronto, vers 1925. (© Institue of Child Study)

 

Des programmes de modification du comportement furent élaborés, des espaces clos créés dans les écoles où les élèves étaient isolés à titre de punition. Les parents apprirent à enfermer leurs enfants dans les salles de bains ou toute autre pièce dépourvue de stimulation. Comme il n’était pas rare que ceux-ci refusent d’être ainsi humiliés, des procédures furent prescrites pour les contraindre à l’obéissance. Dans le Hanf-Model développé par la psychologue américaine Constance Hanf par exemple, une séquence comportant trois conséquences était imposée à l’enfant récalcitrant. Un avertissement le menaçait d’une mise à l’écart s’il ne s’exécutait pas dans les cinq secondes ; une période de « time-out » sans durée déterminée lui était alors imposée ; et finalement deux claques fermes sur ses fesses nues lui étaient administrées s’il ne restait pas tranquille sur sa chaise[10].

Pour faire respecter l’isolement, d’autres auteurs suggérèrent la fessée, l’érection de barrières, la contention de l’enfant sur un siège, le retrait d’un privilège précédemment acquis ou encore l’application de privations additionnelles, bien que leurs répercussions négatives fussent bien documentées[11]. À la détresse émotionnelle, conçue pour remplacer la douleur physique dans l’éventail disciplinaire de l’éducateur béhavioriste, pouvaient donc s’ajouter des châtiments corporels que cette approche prétendait justement éviter. Malgré cette contradiction, l’idée que les processus d’apprentissage impliquent nécessairement qu’une instance extérieure à l’enfant lui impose des conséquences recevait une caution scientifique et ne tarderait pas à se répandre dans le monde anglo-saxon. Une enquête nationale, réalisée en 2000 aux États-Unis par le National Center for Health Statistics, montrait que 70 % des parents avaient fréquemment recours au « time-out » pour discipliner leurs enfants âgés de 19 à 35 mois[12].


3. Un distributeur de cacahuètes pour enfants

Le succès du courant béhavioriste doit beaucoup aux travaux de son plus éminent concepteur, le psychologue américain Burrus F. Skinner (1904-1990). Dans l'entre-deux-guerres, ce dernier conduisit d’innombrables expériences sur des animaux de laboratoire et leurs réponses à des stimuli artificiels, à l’aide d’un dispositif expérimental qui porte désormais son nom : la Skinner box. C’est lui qui forgea le concept de conditionnement opérant pour désigner la manière dont un comportement pouvait être influencé par ses conséquences. Après avoir affamé un pigeon par exemple, il le plaçait dans son appareil et stimulait une certaine réaction en laissant tomber un peu de nourriture chaque fois que le volatile s’y conformait – insistant au passage sur les deux conditions nécessaires à l’opération, la privation et le renforcement.

Dans un ouvrage de référence et non sans une certaine ingénuité, Skinner écrivait : « Il n’est décidément pas vrai qu’un cheval peut être conduit à l’eau, mais ne peut être forcé à boire. En lui imposant au préalable une privation sévère, nous pourrions être “absolument sûrs” que l’action de boire se produira[13]. » Ainsi mis en condition, le cheval se dirigerait de lui-même vers l’abreuvoir sans qu’un seul coup de cravache soit nécessaire. Dans ce cas, le renforcement représenté par l’action de boire était qualifié de positif. Mais le retrait d’un renforcement positif pouvait aussi faire office de punition et finir par provoquer l’extinction du comportement non désiré. Rapportés à la complexité des rapports humains, ces concepts allaient jeter les bases d’une nouvelle discipline dite Analyse appliquée du comportement – en anglais Applied Behavior Analysis (ABA) – particulièrement dans le domaine de l’éducation.

Les premières expériences d’ABA faites sur des enfants d’âge préscolaire furent conduites dans les années 1950, à l’Institute of Child Development de l’université de Seattle, dans l’État de Washington[14]. Pour tester l’efficacité du retrait temporaire d’un renforcement positif – le précurseur du « time-out » – au regard d’une punition classique, le psychologue Donald W. Baer fit appel à un dispositif qui « suscita beaucoup d’enthousiasme [chez les enfants] ». Il s’agissait d’une caravane de six mètres de long, stationnée dans la cour de récréation d’une école élémentaire de la ville, comprenant une cabine d’observation pour l’expérimentateur, et une salle de jeu où s’asseyaient une facilitatrice et un jeune cobaye[15]. Dans ce petit laboratoire rappelant la boîte de Skinner, chaque enfant avait la possibilité de visionner trois dessins animés de Woody Woodpecker, projetés en noir et blanc sur un écran, tout en pressant sur un levier qui lui distribuait des cacahuètes – mais qui pouvait aussi interrompre la projection sur décision de l’expérimentateur (fig. 2).

 


Fig. 2 : Plan du laboratoire mobile utilisé par Donald W. Baer à la fin des années 1950 pour tester l’efficacité du retrait de renforcement positif. (© 1958 Child Development)

 

À l’issue d’un protocole élaboré comportant cinq séances de tests étalées sur trois semaines, Baer conclut que le retrait d’un renforcement positif – en l’occurrence la suspension temporaire du dessin animé – avait bien un effet punitif sur les enfants soumis à l’expérience, puisque le nombre de pressions qu’ils exerçaient parallèlement sur le distributeur de cacahuètes diminuait. Tout en relativisant l’importance de cette dernière incitation pour ces écoliers qui venaient de prendre un goûter, il suggérait que les études expérimentales sur l’effet punitif du retrait du renforcement positif chez l’enfant « devraient s’avérer utiles sur le plan pratique ». L’année suivante, Baer appliqua le même dispositif à trois bambins qui suçaient leur pouce, afin de provoquer l’extinction de ce comportement – sans résultat appréciable cependant[16].


4. L’attention de l’adulte comme renforcement positif

D’autres expériences furent néanmoins engagées à partir des mêmes présupposés théoriques, notamment sur des enfants en grande souffrance psychique, suscitant toutefois des préoccupations éthiques croissantes[17]. Une étude emblématique, réalisée en 1961 par Charles B. Ferster de l’Institute of Psychiatric Research d’Indianapolis, dans l’État américain de l’Indiana, décrit l’application de renforcements tels que de la nourriture, des bonbons ou des babioles – et leur privation programmée – à deux jeunes autistes internés, dont elle détaille par ailleurs le passé traumatique[18]. Ceux-ci furent respectivement soumis à 261 et 162 séances quotidiennes d’entraînement d’une heure trente, dans une pièce automatisée équipée de distributeurs, au cours desquelles ils traversèrent de nombreuses crises de colère, urinèrent sur les différents appareils, crièrent et se tapèrent la tête contre les murs. Tout en admettant finalement l’échec de son dispositif, Ferster suggérait un plan plus général pour développer chez ses sujets un comportement social jugé acceptable : « Des renforçateurs sociaux seraient utilisés au lieu de bonbons, et des réponses sociales seraient renforcées au lieu d’appuyer sur des touches[19]. » Aux yeux de la science béhavioriste, l’isolement de l’enfantcommetechnique de conditionnement opérant était sur le point d’acquérir ses lettres de noblesse.

Jusque-là, le « time-out » désignait une pratique de laboratoire consistant à éteindre brièvement une source lumineuse dans le cadre d’expériences de conditionnement conduites avec des pigeons (fig. 3). Mais lorsqu’il découvrit le pouvoir de renforcement que constitue pour les enfants l’attention des adultes, Montrose M. Wolf de l’Institute of Child Development de Seattle, dans l’État de Washington (États-Unis), décida d’utiliser le même terme pour désigner la pratique éducative consistant justement à les en priver[20]. Dans un article publié en 1963, il décrit la procédure appliquée à un enfant qualifié d’autiste et prénommé Dicky[21]. Âgé de trois ans et demi au début de l’expérience, ce dernier avait subi de multiples opérations oculaires et devait porter des lunettes, ce qu’il refusait obstinément. Dicky faisait des crises de colère au cours desquelles il s’automutilait, et présentait des troubles du sommeil et de l’alimentation – autant de comportements que Wolf entendait modifier en lui imposant des périodes d’isolement. Pour le port de lunettes, il fut décidé de le priver graduellement de nourriture afin d’accroître son appétit pour les sucreries qu’on lui servait comme récompenses, suivant une procédure de renforcement différentiel que Skinner qualifiait de « mise en forme[22] ».

 


Fig. 3 : Premier dispositif de “time-out” utilisé par Charles B. Fester pour conditionner des pigeons. Une réponse incorrecte était suivie d’une extinction de la source lumineuse, comme l’indique l’image en bas à droite. (© 1961, Journal of the Experimental Analysis of Behavior)

 

Un article de suivi publié trois ans plus tard révéla que, pendant son séjour hospitalier de sept mois, Dicky avait été soumis à une centaine de périodes d’isolement avant que la fréquence de ses colères ne diminue[23]. Par la suite, son père se déclara « satisfait des progrès de Dicky » bien qu’on ne puisse envisager son intégration dans une école publique spécialisée. L’enfant rejoignit une classe expérimentale de l’Institute of Child Development où d’autres périodes de « time-out » lui furent imposées quand il faisait une crise de colère ou pinçait ses camarades. Comme Dicky portait encore des couches, ses institutrices le récompensaient par une bouchée de crème glacée ou un M&M dès qu’il allait sur les toilettes. Cependant, l’approche comportementale se révéla inefficace pour augmenter ses interactions avec les autres enfants, qui restèrent proches de zéro tout au long de la première année. Wolf conclut néanmoins au succès de son dispositif : « Après trois ans d’application intensive des techniques de modification du comportement opérant, Dicky n’est plus un cas désespéré et bénéficiera d’un programme public d’éducation. Grâce aux efforts continus de ses parents et de ses enseignants, il pourra peut-être devenir un citoyen productif[24]. »


5. L’âge d’or du comportementalisme

En 1968, recruté par l’université du Kansas, Montrose M. Wolf fonda le Journal of Applied Analysis (JABA) qui entendait promouvoir ses modèles de recherche appliquée et défendre la validité d’expériences réalisées sur des sujets uniques, dont il extrapolait par la suite les résultats[25]. En tant que directeur de cette publication et réviseur final, il aidait les auteurs à réécrire leurs rapports pour leur permettre de tirer de leurs expériences des conclusions probantes, même provisoires. Il s’avéra ainsi que Wolf corédigea la moitié des articles publiés dans les deux premiers volumes du JABA, son cercle de relecteurs se limitant aux collaborateurs de son département[26]. La combinaison d’une approche théorique douteuse, d’expériences parfois fantaisistes et de préjugés fréquents dans l’analyse de leurs résultats augurait d’une crise qui devait éclater un demi-siècle plus tard : celle de la reproductibilité des recherches menées en psychologie[27].

Un champ d’expérimentation inépuisable venait cependant d’être ouvert. L’Analyse appliquée du comportement fut infligée à de jeunes autistes auxquels étaient imposées en moyenne 40 heures de traitement hebdomadaire sur une période de deux ans ou plus[28], à des enfants souffrant de troubles de l’attention avec hyperactivité (TDAH) dans divers contextes[29], et introduite en pédopsychiatrie où la mise à l’écart devint bientôt une réponse quasi automatique à toute infraction comportementale[30]. Wolf lui-même mit en place un programme de modification du comportement pour des foyers accueillant de jeunes délinquants et comprenant un système complexe de gratifications, une gouvernance participative fondée sur les conséquences, un modèle de renforcement reposant sur l’attention de l’adulte, et l’inévitable « time-out » dont il revendiquait désormais la paternité[31].

Les années qui suivirent allaient inaugurer l’âge d’or du comportementalisme, et plusieurs associations nationales et internationales connurent un développement considérable[32]. L’Analyse appliquée du comportement devint le principal traitement de l’autisme, bien que des abus aient été signalés notamment dans la mise en œuvre de procédures punitives comme les chocs électriques, les mesures d’isolement ou la privation de nourriture[33]. Des programmes d’incitation par points (fig. 4) – en anglais « token reinforcement systems » furent graduellement introduits dans les écoles pour accroître le travail scolaire et réduire les marques d’indiscipline en utilisant des stratégies de renforcement différentiel. Pour un enfant ne tenant pas sur sa chaise par exemple, chaque quart d’heure assis pouvait lui valoir des jetons, des timbres ou des autocollants susceptibles d’être échangés par la suite contre des récompenses, les punitions étant réservées aux comportements dangereux ou destructeurs[34].

 


Fig. 4 : Le psychologue américain Arthur W. Staats et son fils Peter devant un dispositif de récompenses destiné à favoriser l’apprentissage. Par la suite, l’enfant recevra des billes, puis des jetons à la base d’un système complexe d’incitations par points. (Vidéo darchives disponible sur YouTube.)

 

6. Une obsession du contrôle

Les promoteurs de la thérapie comportementale avaient cependant l’ambition de remodeler en profondeur l’environnement social afin de confirmer leurs présupposés théoriques. L’initiation des parents – et particulièrement celle des mères[35] – aux techniques expérimentées en laboratoire s’avérait être un enjeu majeur. D’abord introduites dans un cadre ambulatoire, les procédures de renforcement systématique incluant le « time-out » se propagèrent bientôt dans les foyers au travers d’innombrables Programmes de formation à la gestion parentale, dans l’espoir de discipliner des enfants perçus comme agressifs, hyperactifs, colériques ou simplement indociles[36]. Dans cette vaste littérature, la conviction que les enfants doivent impérativement se conformer aux règles familiales, puis sociétales – en anglais « compliance » – est rarement remise en cause.

L’évaluation de cette disposition chez l’enfant faisait pourtant apparaître d’importantes disparités entre les études, avec pour conséquence de rendre leurs résultats incohérents. Chez les tout petits, certains auteurs allaient jusqu’à distinguer la conformité d’orientation, si l’attention visuelle de l’enfant se dirigeait vers un objet désigné par l’adulte, la conformité de contact impliquant qu’il touche cet objet, et la conformité à la tâche – soit la mesure dans laquelle il exécutait l’activité qui lui était ordonnée (fig. 5)[37]. D’autres évaluaient le délai de réponse de l’enfant aux injonctions qui lui étaient faites avec, là encore, des différences considérables allant de 5 à 30 secondes, sans qu’une raison ne soit donnée pour un tel choix. Les types de contrôle exercés – coercitif vs inductif – et leurs effets sur l’obéissance d’enfants de tous âges étaient également examinés, tout comme la formulation des ordres donnés[38].

 


Fig. 5 : Trois types de conformité attendus d’enfants de 15 à 24 mois et leurs taux selon le type de contrôle exercé. Sur ce tableau, le taux de conformité moyen d’un enfant de 15 mois est de .14, ce qui veut dire que celui-ci ne répondait qu’à 14 % des ordres donnés. (© 1980, Developmental Psychology)

 

En dépit de leurs incohérences, ces observations étaient ensuite quantifiées et des interprétations statistiques extrapolées sur la base de taux de conformité qui relevaient plus d’une obsession du contrôle que d’une démarche scientifique rigoureuse[39]. Une étude réalisée par Steven A. Hobbs et ses collègues de l’université de Géorgie (États-Unis) présenta par exemple les effets d’une variation de la durée du « time-out » sur la conformité d’un échantillon de 28 enfants de quatre à six ans recrutés, avec leurs mères, par l’entremise d’une annonce publiée dans un journal local[40]. Le dispositif expérimental était constitué d’une petite pièce aux murs vitrés contenant des jouets, et l’activité consistait à obtenir des jeunes sujets qu’ils obéissent à quelques ordres maternels simples. Si l’enfant ne s’y conformait pas dans un délai de 10 secondes, un « time-out » de 10 secondes, 1 minute ou 4 minutes lui était imposé avec pour simple explication : « Tu n’as pas fait ce que je t’ai dit tout de suite ; tu devras donc rester au coin pendant un certain temps. » Les auteurs consignèrent les occurrences de non-conformité, calculèrent la moyenne de leurs pourcentages pour chaque groupe considéré et soumirent ces chiffres à une analyse de variance avant de conclure : « Les résultats indiquent que même de très courtes durées de time-out diminuent les comportements déviants de l’enfant. Cependant, les durées plus longues semblent produire une extinction plus importante de tels comportements et la maintenir plus efficacement lorsque les contingences du time-out sont supprimées[41]. »


7. Le « piège de la généralisation »

Compte tenu des limitations inhérentes à l’étude, on pourrait s’étonner du caractère péremptoire de cette conclusion. Réalisée trente ans plus tard, une revue portant sur quarante études du même genre confirmerait pourtant que les procédures de « time-out » variaient grandement de l’une à l’autre et furent souvent difficiles à établir[42]. D’autres techniques comportementales étaient-elles parallèlement mises en œuvre ? Une explication ou un avertissement étaient-ils donnés à l’enfant avant sa mise à l’écart ? L’exclusion impliquait-elle une contrainte physique, une chaise ou une pièce séparée ? Quelle en était la durée ? Quelles mesures étaient appliquées si l’enfant tentait de s’échapper ? Ou encore, moyennant quelles conditions celui-ci était-il libéré ? Tout en cautionnant finalement une procédure « moyenne » d’application fondée sur ces études disparates, les auteurs admirent n’avoir fait « aucune tentative pour fournir des résultats sur l’efficacité des interventions de time-out examinées[43]. »

Cette question hantait pourtant les promoteurs d’une discipline qui connaissait toujours une croissance fulgurante. Dans une réflexion publiée en 1989 par la revue Behavior Therapy, deux chercheurs du Florida Mental Health Institute relevaient ainsi « des lacunes » dans la capacité des thérapies comportementales à générer des modifications appréciables et soulignaient : « De nombreux programmes doivent encore faire la preuve de changements plus complets et durables pour être considérés comme probants[44]» Un examen minutieux de 424 études impliquant des enfants, parues dans les revues américaines des sciences du comportement entre 1978 et 1989, révéla que la grande majorité d’entre elles (83 %) ne remplissaient pas les conditions permettant de vérifier leurs résultats après six mois ou dans d’autres environnements (fig. 6). « Malheureusement, expliquaient leurs réviseurs quelque peu perplexes, nous n’avons trouvé que peu de preuves des effets généralisés des traitements sur les enfants en utilisant nos critères méthodologiques[45]. »

 


Fig. 6 : Exemple d’expérience contraire à l’éthique infligée à un garçon autiste d’une dizaine d’année souffrant d’énurésie et d’encoprésie. (© 1981, Behavioral Disorders)

 

Aux prétentions affichées par une première génération de zélateurs succédait donc une phase de doute. Tout en appelant de leurs vœux d’autres études susceptibles de valider l’efficacité des thérapies comportementales, les mêmes auteurs évoquèrent le « piège de la généralisation » consistant à espérer que leurs effets puissent perdurer à long terme. Ils invitèrent leurs confrères à plus d’humilité et conclurent par cette dérobade :

« Nous devrions fournir le traitement le plus vigoureux et le plus fondé scientifiquement, mais ne pas nous attendre à ce qu’une thérapie soulage les futurs problèmes de comportement. Au contraire, comme les médecins, les comptables ou les avocats, nous devrions enseigner à nos étudiants que s’ils réussissent, leurs patients reviendront à mesure que de nouvelles questions apparaîtront[46]. »


8. L’enfant perçu comme un tyran

La question de savoir pourquoi les Programmes de formation à la gestion parentale – en anglais Parental Management Training (PMT)continuèrent à se répandre en dépit de ces déconvenues empiriques mérite d’être débattue. Sans doute la réponse tient-elle en partie dans l’effet de séduction que suscitaient, auprès du public, les promesses de scientifiques ambitieux, déterminés à faire du comportementalisme une discipline qui marque son temps, quitte à recourir aux tactiques du consumérisme. Dans une réflexion sur sa « validité sociale », publiée en 1978 par son Journal of Applied Behavior Analysis, Montrose M. Wolf énonça clairement l’objectif de « concevoir une science sociale appliquée orientée vers le consommateur[47] ». Il saluait les efforts des enquêteurs d’opinion capables de faire d’excellentes prédictions sur les comportements des électeurs et suggérait : « Nous pouvons certainement en faire autant[48]. »

Un autre élément de réponse tient au fait que ces chercheurs posaient sur les comportements des enfants des interprétations alors très largement partagées. En d’autres termes, leurs présomptions paraissaient évidentes parce qu’elles confirmaient les croyances que de nombreux parents avaient intériorisées dès leur plus tendre enfance. Dans une courte étude de 1959, relatant le traitement par l’isolement d’un bambin de 21 mois qui avait des difficultés d’endormissement à la suite d’une longue maladie, Carl D. Williams de l’université de Miami expliquait déjà : « [L’enfant] imposait ses caprices à son entourage en déclenchant des crises de colère pour contrôler les actions de ses parents[49]. »Il fut donc décidé de « supprimer le renforcement de ce comportement tyrannique » en laissant l’enfant pleurer seul dans sa chambre – la première extinction d’une série de dix intervenant après 45 minutes de cris ininterrompus (fig. 7). Concluant au succès d’une expérience fréquemment citée par la suite, le chercheur remarquait : « Il convient de souligner que le traitement dans ce cas n’impliquait pas une punition aversive. Tout ce qui a été fait, c’est de supprimer le renforcement. L’extinction du comportement tyrannique s’est alors produite[50]. »

 


Fig. 7 : L’usage du “time-out” en milieu psychiatrique révèle que près de la moité des raisons de la mise à l’écart relèvent d’un comportement jugé capricieux : ne pas suivre les règles, ne pas écouter, tester les limites. (© 1990, Child Psychiatry and Human Development)

 

Que les sciences du comportement découlent historiquement de l’expérimentation animale a certainement contribué à renforcer la croyance que les enfants, tout comme les animaux, peuvent et doivent être dressés[51]. Les études ultérieures firent d’ailleurs invariablement référence aux fondamentaux de la discipline, suggérant cette analogie en termes à peine voilés. Une expérience réalisée en 1972 par Geoffry D. White et ses collègues de l’Oregon Research Institute, portant sur les effets de trois durées de « time-out » sur vingt enfants qualifiés de retardés, débutait par le rappel que cette procédure s’était révélée efficace « à la fois dans les études sur les animaux […] et dans les expériences sur les humains[52] ». Un an plus tard, une autre étude menée par Tomi S. MacDonough et Rex Forehand de l’université de Géorgie, définissant les paramètres des procédures de « time-out » qui seraient appliquées aux enfants dans un cadre clinique, mentionnait précisément les mêmes expériences : « L’importance [du nombre de time-outs] ressort de l’examen des études de laboratoire menées sur des adultes humains et des animaux[53]. » Ces recherches allaient dès lors s’inscrire dans le marbre pour justifier les « programmes fondés sur des preuves » destinés aux parents, comme dans cet article datant de 2011 : « Le time-out” est la privation contingente de la possibilité d’obtenir un renforcement (MacDonough et Forehand, 1973)[54]. » On le voit, s’il n’était plus désormais fait mention d’expérimentation animale, cette dernière n’offrait pas moins au « time-out » une caution scientifique par références interposées.


9. Listes de comportements problématiques chez l’enfant

Les efforts des comportementalistes pour vendre leurs programmes de parentalité devaient cependant déboucher sur une autre stratégie. Si leurs thérapies n’offraient pas les résultats escomptés, sans doute pouvaient-ils promouvoir la satisfaction de leurs consommateurs[55]. Au début des années 1980, les études réalisées par Alan E. Kazdin sur l’acceptabilité des procédures de traitement – le « time-out » en particulier – relevaient certainement d’une telle quête de validation sociale[56]. À cette fin, une plus grande implication des parents dans leur mise en œuvre semblait être à la fois favorable et économe en ressources : on allait donc les instruire dans l’observation méthodique de leurs propres enfants pour les convaincre d’y avoir recours. Bien qu’essentiels aux diagnostics des troubles du comportement, les comptes-rendus parentaux présentaient en effet une dimension subjective incompatible avec la rigueur normative à laquelle les chercheurs aspiraient.

En 1987, sur un échantillon de 81 familles interviewées par téléphone, Patricia Chamberlain de l’Oregon Social Learning Center analysa la validité d’un dispositif qui devait se généraliser par la suite[57]. Le Parent Daily Report (PDR)ou Rapport parental quotidien – était constitué d’une liste de 33 comportements considérés comme problématiques chez l’enfant, aussi divers que l’agressivité, l’énurésie, les pleurs, la provocation, le mensonge, la désobéissance, la tristesse, le vol, les crises de colère ou encore les jérémiades (fig. 8)[58]. Contactées trois fois par semaine pendant 4 semaines, les mères indiquèrent, pour chaque enfant observé, l’occurrence ou la non-occurrence de chacun des items de la liste au cours des dernières 24 heures. Des observations complémentaires furent conduites sur un échantillon aléatoire de familles pour vérifier la fiabilité des résultats obtenus, qui, après une analyse statistique élaborée, furent réduits à quatre ratios de comportements problématiques pour chacun des enfants concernés : son caractère plus ou moins agressif, immature, non socialisé et revanchard[59].

 


Fig. 8 : Rapport parental quotidien comportant 33 comportements problématiques chez l’enfant, développé à l’Oregon Social Learning Center par Gérald Patterson. Le parent indiquait les occurrences de chaque comportement par jour de la semaine, du lundi au vendredi. (© 1987, Behavioral Assessment)

 

La Child Behavior Checklist (CBCL) ou Liste des comportements de l’enfant – était un autre outil d’observation proposé aux parents. Conçu dès les années 1960 par Thomas M. Achenbach du National Institute of Mental Health de Bethesda (Maryland)[60], ce questionnaire ciblait 118 attitudes spécifiques, ainsi formulées par exemple : conteste ou contredit souvent, s’accroche aux adultes ou est trop dépendant, pleure souvent, cruel(le) avec les animaux, ne mange pas bien, met le feu, fait des colères ou s’emporte facilement, malheureux(se), triste ou déprimé(e). Chaque description était évaluée sur une échelle de 0, 1 ou 2 points, selon qu’elle n’était pas vraie pour l’enfant considéré (0), à peu près ou parfois vraie (1), souvent ou très vraie (2), maintenant ou au cours des six derniers mois[61]. Bien que la CBCL d’Achenbach ait été brièvement critiquée pour la redondance de certains de ses critères et jugée « très limitée en ce qui concerne la compréhension de la psychopathologie de l’enfance[62] », cette échelle d’évaluation a été largement traduite et est toujours utilisée dans un grand nombre d’études sur le plan international[63].


10. Biais de confirmation

Le caractère réducteur de ces méthodes d’appréciation des comportements enfantins mérite d’être souligné. Tout d’abord et malgré l’intention affichée, celles-ci n’éliminent pas la dimension subjective tant redoutée, que ce soit dans la sélection et la formulation des attitudes réprouvées ou dans les interprétations qui en sont faites. Par exemple, comment comprendre l’item No 22 de la version française de la CBCL – « Désobéissant(e) à l’école » – et évaluer la survenance de ce comportement au cours des six derniers mois sur l’échelle 0-1-2 proposée ? Les items No 26 « Ne semble pas se sentir coupable après s’être mal conduit(e) », No 74 « Fait son intéressant(e), se donne en spectacle » ou encore No 104 « Fait beaucoup de bruit » sont-ils moins sujets à caution ? En l’absence d’un contexte familial peu sollicité par le questionnaire, une revue de ses 118 items évoque plutôt un inventaire à la Prévert d’indices de non-conformité agitant le spectre de l’enfant-tyran (fig. 9).

 


Fig. 9 : Une version française de la Child Behavior Checklist de Thomas Achenbach, aujourd’hui disponible en 110 langues. Survolez l’image avec la souris pour générer un pop-up de chaque page, après avoir autorisé cette fonction sur votre navigateur. (© 1991, ASEBA)

 

Une seconde préoccupation méthodologique concerne la position de l’observateur. Dans une première version de la CBCL, Achenbach avait déjà souligné que, dans sa collecte de données, ce dernier était « susceptible d’influencer le comportement manifesté par l’être humain observé[64] ». Dans sa propre évaluation du Parental Daily Report, Patricia Chamberlain remarquait que certaines mères avaient tendance à rapporter moins de comportements problématiques chez leurs enfants afin qu’ils correspondent à un profil valorisé socialement[65]. Mais qu’en était-il des comptes-rendus de parents cherchant au contraire à être reconnus dans leurs difficultés, sans pour autant mettre en cause leur propre regard sur l’enfant ? À cette clientèle anxieuse, l’approche béhavioriste suggérait une démarche qui pouvait lui paraître séduisante : ne vous préoccupez pas du passé, ne vous sentez pas excessivement coupables, nous pouvons vous aider à modifier les comportements problématiques de vos enfants afin que ces derniers soient heureux et bien intégrés[66].

Il est vraisemblable que les observations rapportées par ces parents-là avaient tendance à privilégier les attitudes que ceux-ci jugent inacceptables chez leur enfant, afin de conforter – sans doute en toute bonne foi – leur propre perception de la situation. S’ils étaient par exemple convaincus que l’enfant cherchait à les manipuler en testant leurs limites, leurs appréciations iraient sans doute dans ce sens. Dénommée biais de confirmation, cette logique circulaire consistant à rassembler des informations de manière sélective, puis à les interpréter de sorte qu’elles renforcent une opinion préconçue, était également agissante chez les chercheurs. Comme l’a suggéré notamment le psychologue britannique Peter C. Wason[67], la stratégie visant à ne lister que des comportements problématiques restreint l’espace d’exploration des autres comportements et peut biaiser les résultats du fait d’une tendance, courante même chez les scientifiques, à confirmer leurs hypothèses de base – en l’occurrence l’intention manipulatrice de l’enfant. Quels seraient, par exemple, les résultats d’une étude demandant aux parents d’indiquer également la fréquence des comportements suivants : « Est affectueux avec les animaux » ; « Est coopératif à la maison » ; ou encore « Cherche le contact avec d’autres enfants[68] » ?


11. Endoctrinement et réinterprétation cognitive

Dans le processus de validation des études comportementales, la formation initiale des parents impliqués – systématique lorsqu’il s’agit d’un protocole expérimental – pouvait aussi introduire un biais de confirmation. Les indications fournies par les chercheurs dans la première phase de l’expérience invitaient en effet les parents à réinterpréter leur compréhension des comportements enfantins en fonction des principes béhavioristes qui leur étaient inculqués[69]. Comment cette synergie d’endoctrinement et de réinterprétation cognitive fonctionnait-elle plus concrètement ? Prenons l’exemple d’une étude réalisée en 1987 par Judith R. Mathews et ses collègues du University of Kansas Medical Center (États-Unis) visant à tester l’efficacité des traitements comportementaux pour réduire les accidents domestiques chez des enfants d’un à deux ans[70]. Les chercheurs commencèrent par émettre l’hypothèse que les comportements potentiellement dangereux des tout-petits pouvaient être restreints en instruisant leurs mères à utiliser le « time-out » et les renforcements positifs, tout en sécurisant leur foyer. Dans la phase initiale, quatre jeunes femmes, dont trois adolescentes, furent donc formées dans ce sens et des observations comportementales effectuées sur leurs enfants alors âgés de 10 à 12 mois.

Les interactions positives – abusivement qualifiées de « time-in » – se limitaient à faire l’éloge des comportements désirables en prodiguant au bébé une dizaine de compliments par minute, tout en réduisant à deux par minute le nombre de remontrances. À l’inverse, la procédure de « time-out » consistait à lui dire « non » fermement, à le saisir par-derrière et à le placer seul dans un parc jusqu’à ce qu’il se tienne tranquille pendant 5 ou 10 secondes, conformément aux instructions d’un manuel d’éducation publié quelques années auparavant[71]. Le même procédé fut utilisé pour faire taire l’un des quatre bébés observés, dont les pleurs avaient augmenté de façon spectaculaire après la quatrième session de l’expérience. Les chercheurs avaient alors noté brièvement : « [Son] comportement dangereux augmenta de manière surprenante après que l’enfant eut cessé de s’accrocher à sa mère et de pleurer[72]. » Toutes les mamans indiquèrent avoir trouvé très éprouvant de laisser leur bébé hurler lorsqu’un « time-out » lui était imposé. Pour cette raison, l’étude conclut que les explications minutieuses et le soutien continu des formateurs avaient été « particulièrement importants ». En dépit de leur sentiment initial, les participantes jugèrent finalement la procédure utile et la mirent en œuvre par la suite pour d’autres comportements tels que les pleurs, les coups, les morsures et les jets d’objets.

Comme le programme de traitement comprenait trois éléments – le « time-out », les renforcements positifs et la sécurisation du foyer –, les auteurs concédèrent qu’il était « impossible de déterminer ce qui expliqu[ait] spécifiquement les changements de comportement[73] ». Ils suggérèrent également que la présence d’observateurs extérieurs au foyer pouvait avoir influencé les interactions entre mères et enfants, tout comme d’autres modalités de la vie familiale que leur étude n’avait pas prises en compte. Mais en réalité, l’ensemble de leur dispositif était orienté par leurs présupposés, bien qu’il prît les allures d’une démarche scientifique[74]. En particulier, le biais de confirmation induit par l’instruction persuasive de jeunes mères vulnérables et l’évocation anecdotique de leur satisfaction ne fut nullement pris en compte[75]. Cautionnée par sa publication dans le Journal of Applied Behavior Analysis, l’étude de Judith R. Mathews sera souvent citée par la suite, notamment pour justifier l’efficacité du « time-out » dans d’autres contextes[76].


12. Rassurer les parents

Pendant des décennies, les chercheurs menant des expériences comportementales avec des enfants n’ont pas jugé utile d’évaluer leur impact psycho-affectif sur les principaux intéressés, si ce n’est pour améliorer l’efficacité supposée de leurs méthodes de conditionnement[77]. Pourtant, dès les années 1960, un courant parallèle de recherches fondées sur la théorie de l’attachement du psychiatre et psychanalyste britannique John Bowlby (1907-1990) avait produit d’intéressantes observations auxquelles les comportementalistes restèrent indifférents. Une étude portant sur la socialisation naturelle des bébés au contact d’une mère sensible aux signaux de l’enfant indiquait par exemple : « [Nos] résultats suggèrent qu’une disposition à l’obéissance émerge dans un environnement social réceptif et accommodant, sans formation intensive, discipline ou autres tentatives massives de façonner le cours du développement de l’enfant[78]. » À l’opposé des conclusionsde celle de Mathews analysée plus haut, cette étude suggérait que l’attachement « constitue une garantie évidente contre les dangers possibles d’un comportement exploratoire[79] ».

S’ils voulaient vendre leurs programmes, les béhavioristes devaient donc poursuivre leur travail de persuasion. Une tentative visant à tester l’acceptabilité des traitements comportementaux auprès d’enfants non perturbés fut menée par l’équipe de Mark R. Dadds, de l’université de Queensland, en Australie[80]. Lors d’une première expérience, deux groupes de dix enfants de 4 à 8 ans furent sondés sur l’opportunité de cinq réponses maternelles à quatre situations de désobéissance qui leur étaient rapportées, à savoir : la permissivité, la fessée, la menace de conséquences, la mise à l’écart et le « time-out [81] ». De manière surprenante, l’attitude permissive fut jugée moins acceptable que toutes les autres interventions, qualifiées de neutres à très justes sur une échelle comportant trois appréciations – les enfants ne faisant par ailleurs guère de différence entre punition physique et « time-out ». Vraisemblablement, ces évaluations n’étaient que le reflet des violences éducatives qu’ils subissaient dans leurs familles. Mais les chercheurs en déduisirent que les jeunes enfants « préfèrent que les parents prennent des mesures disciplinaires actives » en réponse à un mauvais comportement, et y virent un argument favorable au « time-out[82] ».

Une seconde expérience faite par la même équipe consistait à exposer un groupe de six enfants perturbés aux techniques comportementales – dont le « time-out » – que leurs parents avaient apprises lors d’une formation préalable et qu’ont leur avait enjoint d’appliquer à la maison. Avant le traitement, les mères complétèrent une liste de 40 comportements problématiques observés chez leur enfant, et procédèrent de même huit semaines plus tard[83]. L’expérience du « time-out » n’eut pas d’influence sur l’évaluation que les enfants firent de cette mesure après l’avoir subie[84]. En revanche et comme attendu, les Rapports parentaux indiquèrent que le traitement avait fait baisser leurs taux de non-conformité. La conclusion de l’étude avait de quoi surprendre : « Les parents peuvent être rassurés sur l’acceptabilité [de ce traitement par la plupart des enfants perturbés] et avertis que leur enfant résistera probablement quand même à être placé en “time-out[85]”. » Malgré la petite taille de l’échantillon et la variabilité des appréciations individuelles que l’étude elle-même soulignait, bien que d’autres recherches aient précédemment relevé que « la plupart des mesures de discipline utilisées par les adultes dans leur environnement sont généralement jugées acceptables par les enfants[86] », Dadds et son équipe concluaient : « Les futures recherches sur la thérapie comportementale de l’enfant doivent poursuivre la validation sociale des procédures de traitement, en interrogeant des enfants consommateurs regroupés par sexe, âge et niveau de développement social[87]. »


13. Qu’est-ce que les enfants disent vraiment ?

Cette logique projective illustre encore l’aveuglement d’une pseudoscience en quête d’un avenir radieux[88]. L’acceptabilité des traitements comportementaux découlerait donc du fait que les enfants ne connaissent pas autre chose que les violences physiques et psychologiques – une écoute empathique de leurs ressentis, par exemple. Moyennant un effort de persuasion à l’endroit des parents[89], les mesures d’isolement préconisées par les Programmes de formation à la gestion parentale devraient séduire un plus large public et permettre à leurs concepteurs de poursuivre une vieille ambition : faire de ceux-ci leurs auxiliaires thérapeutiques[90]. La première investigation portant sur la perception et la compréhension que les enfants pouvaient avoir eux-mêmes des procédures de « time-out » fut menée en 2000 par Christine Readdick, de l’université de Floride, et la traumatologue Paula L. Chapman du James A. Haley Veterans Hospital de Tampa (Floride)[91]. Des observations furent conduites dans 11 écoles maternelles d’une collectivité du nord de la Floride, où 42 enfants de 2 à 4 ans furent interviewés juste après avoir subi une telle mesure disciplinaire[92].

Outre les ressentis des enfants et leur compréhension de la raison pour laquelle ils avaient été mis à l’écart, les chercheuses s’interrogeaient aussi sur le vécu de ceux qui y étaient le plus souvent exposés. La plupart exprimèrent des sentiments très négatifs sur le « time-out » et sur eux-mêmes, beaucoup confiant s’être sentis tristes et effrayés par la procédure (fig. 10). Un préjudice à leur estime de soi transparaissait dans le fait qu’ils se sentent seuls, mal aimés par leurs enseignants et ignorés par leurs pairs[93]. La majorité des enfants furent isolés pour des raisons jugées triviales par les observateurs, comme ne pas avoir respecté une consigne, et non pour des comportements agressifs que la mesure prétendait cibler[94]. Moins de la moitié d’entre eux pouvaient se rappeler précisément quel comportement leur avait valu cette punition, ce qui faisait aussi douter de son efficacité à prévenir leurs transgressions à l’avenir. Il était même probable qu’ils se renferment sur eux-mêmes par la suite, ou agissent d’autres manières, plus indésirables encore[95]. Mais les répercussions psycho-affectives du « time-out » apparurent plus clairement chez les enfants à qui l’on infligeait un isolement sur une base routinière.

 


Fig. 10 : « Pontus était assis entre le vieux poêle en faïence et la porte, expliqua le peintre suédois Carl Larsson. Il s’était montré insolent à table et avait été jeté dans ce coin honteux où il devait s’asseoir pour réfléchir à la raison pour laquelle il est toujours défavorable de mal se comporter. » (© Carl Larsson, 1894)

 

Sur l’échantillon interrogé, 8 enfants admirent être souvent en « time-out », l’un d’entre eux déclarant y avoir été conduit « au moins cent fois ». Visiblement ostracisés par leurs éducateurs, ils se sentaient plus isolés, tristes, effrayés et mal aimés que leurs camarades moins punis, confirmant l’hypothèse que la mesure pouvait avoir des retombées inattendues, particulièrement pour des enfants présentant déjà des difficultés d’adaptation. Ainsi, un garçonnet donna à son institutrice le sobriquet de « Méchante » et une fillette pleura pendant toute la durée de son isolement en implorant : « Je veux ma maman ! Je veux ma maman ! » Tout en reconnaissant à leur recherche quelques limitations, les autrices concluaient : « Il semble que, pour de nombreux jeunes enfants, les conséquences du “time-out” soient plus punitives qu’éducatives. Pour confirmer ces résultats préliminaires et potentiellement inquiétants, il est nécessaire de procéder à des observations systématiques et précises de l’application de ces procédures par les personnels en charge des enfants sur la durée, ainsi que de documenter les réactions et les sentiments des enfants à leur égard[96]. »


14. L’importance de la régulation émotionnelle

À l’appui de ces recommandations, un nombre croissant de recherches en psychologie mirent en évidence l’importance du contexte familial et des pratiques de socialisation parentales dans le développement des compétences émotionnelles du jeune enfant, puis de ses compétences sociales[97]. Certains parents pensent par exemple que l’expression d’émotions négatives comme la colère est inacceptable, tandis que d’autres estiment souhaitable d’être en contact avec ses émotions et de les éprouver d’une manière socialement admissible. Les premiers insisteront sans doute sur leur contrôle, tandis que les seconds sont susceptibles de soutenir l’enfant dans ses capacités à les réguler. Bien que les normes relatives aux compétences émotionnelles et sociales varient selon les cultures, des indices convergents suggéraient que la répression de l’expression émotionnelle était défavorable, tant pour la santé physique et psychologique des enfants que pour leur réussite[98].

Pour comprendre l’impact des pratiques de socialisation parentales sur les compétences émotionnelles et sociales des enfants, Nancy Eisenberg et ses collègues du département de psychologie de l’université d’Arizona (États-Unis) examinèrent un grand nombre d’études sur le sujet[99]. De multiples recherches confirmaient par exemple que les nourrissons dont les mères se montraient réceptives à leurs signaux émotionnels étaient plus sereins parce qu’ils avaient confiance dans la capacité de cette « base de sécurité » à répondre à leurs besoins[100]. Chez les enfants d’âges préscolaire et scolaire, les réponses parentales qui ne soutenaient pas l’expression de leurs émotions négatives, dans la mesure où celles-ci ne sont pas préjudiciables aux autres, étaient associées à des conséquences dommageables pour l’enfant[101]. De manière préoccupante, les parents qui rapportaient une réactivité élevée aux émotions négatives de leurs enfants avaient également tendance à les considérer comme prédisposés à de telles réactions, ce qui suscitait de leur part de nouvelles réponses répressives[102].

Dans une autre étude réalisée par Sally R. Ramsden et Julie A. Hubbard, de l’université du Delaware (États-Unis), les mères de 120 écoliers de 10 ans furent testées sur leur capacité à accompagner les émotions de leurs enfants et son impact sur l’agressivité que ces derniers manifestaient en classe[103]. Elles remarquèrent que l’accompagnement parental avait une incidence sur la régulation émotionnelle que les enfants étaient capables de mettre en œuvre dans le cadre scolaire, ce qui pouvait neutraliser ou au contraire favoriser les conflits potentiels[104]. Citons enfin une revue de 2007 portant sur plus d’une centaine d’études en psychologie du développement relatives à la régulation émotionnelle qui confirma sans ambiguïté que le climat émotionnel familial, les réactions de parents aux émotions de l’enfant, leur manière d’en parler avec lui et l’extériorisation de leurs propres émotions, ou encore le style d’attachement et de parentalité étaient des facteurs qui impactaient son aptitude à réguler ses émotions[105]. Parmi d’autres, les autrices firent une remarque pertinente dans le débat relatif à l’isolement de l’enfant à des fins punitives : « Les analyses longitudinales indiquent qu’en général, les réactions négatives des parents aux émotions de leurs enfants sont associées à une faible qualité du fonctionnement social et à des difficultés liées à la régulation émotionnelle[106]. »


15. Faible rigueur méthodologique

Comment les comportementalistes ont-ils réagi à ce faisceau de recherches en fin de compte plus convaincantes que les leurs ? Un examen critique d’études plus récentes défendant le « time-out » laisse penser qu’ils ne révisèrent ni leur conception du caractère potentiellement tyrannique de l’enfant, ni les moyens pour tenter de réguler son comportement – et cela malgré des résultats peu probants. Ainsi, une étude d’Alan E. Kazdin portant sur le traitement du comportement antisocial commence par l’énumération de statistiques extravagantes et avance que « le trouble de conduite chez les enfants représente un problème social et clinique majeur[107] ». L’auteur suggère ensuite qu’aucune approche thérapeutique n’a véritablement fait ses preuves, avant de mettre en avant les Programmes de formation à la gestion parentale (PMT) dont il deviendra l’un des fers de lance, en France également[108]. Bien que l’efficacité de ces traitements comportementaux ait été évaluée à court terme et sur la seule base d’observations extérieures à l’enfant – un biais de confirmation qui a été relevé plus haut –, l’auteur concluait : « Dans l’ensemble, les PMT sont l’une des modalités de traitement [des enfants antisociaux] les plus prometteuses[109]. »

Une méta-analyse réalisée en 1996 par Wendy J. Serketich et Jean E. Dumas est certainement révélatrice de l’impasse dans laquelle se trouvait alors l’approche comportementale, dont les champions revendiquaient des résultats sans répondre aux critères minimaux d’acceptabilité scientifique[110]. Sur un total de 117 études ciblant au moins un comportement enfantin jugé antisocial comme l’agression, les crises de colère ou le non-respect des règles, seules 22 publications présentaient des résultats statistiques utilisables. Mais comment évaluer la pertinence de ces derniers, considérant la petite taille et la variabilité des groupes d’enfants soumis à ces expériences[111] ? Les chercheuses recoururent à un artifice de calcul qui devait se généraliser par la suite dans les études de psychologie : la mesure de la taille d’effet par laquelle il est admis de trouver une validité statistique à des corrélations apparaissant dans de petits échantillons[112]. Elles-mêmes reconnurent que l’absence de données complètes « pouvait fausser positivement les tailles d’effet globales » et que les PMT « semblaient plus efficaces avec les échantillons plus petits » – suggérant un biais statistique[113].

Finalement et sur trois points au moins, Serketich et Dumas qualifièrent de « frappantes » les limites de leur méta-analyse. Comme indiqué plus haut, seul un faible pourcentage des études disponibles présentait la rigueur méthodologique attendue ; peu d’entre elles évaluaient les PMT en regard d’autres formes d’intervention ; enfin, très peu effectuèrent un suivi en comparant les groupes expérimentaux et les groupes de contrôle. Et les chercheuses de constater : « Il est donc difficile de tirer des conclusions solides sur l’efficacité et l’utilité clinique des PMT, en particulier en ce qui concerne leur capacité à se généraliser au-delà des problèmes de comportement de l’enfant à la maison[114]. » Soulignant encore le petit nombre d’études contrôlées, elles terminaient en appelant de leurs vœux d’autres recherches, plus rigoureuses dans leur démarche et plus complètes dans l’énoncé de leurs résultats. De telles études ont-elles été faites depuis ? Il semble bien que non.


16. Un ultime argument

Une tentative fut pourtant entreprise dix ans plus tard par Brad Lundahl, de l’université de l’Utah (États-Unis), avec une méta-analyse ambitionnant de comparer les Programmes comportementaux à d’autres approches non-comportementales, d’évaluer leur suivi et d’isoler les variables susceptibles d’influer sur leurs résultats[115]. Utilisant les mêmes artifices statistiques que Serketich et Dumas pour examiner 63 études réalisées entre 1974 et août 2003[116], Lundahl et ses collègues durent admettre que l’impact des traitements comportementaux ne différait pas de manière significative au regard de leurs homologues non-comportementaux par ailleurs moins nombreux. Toujours selon le critère des tailles d’effet, les PMT auraient un impact modéré sur le comportement des enfants immédiatement après le traitement, et même « de faible ampleur » un an après. « Pour maintenir le changement de comportement de l’enfant, suggéraient-ils, les parents doivent donc persister dans une approche très structurée de la gestion de l’enfant, ce qui est une tâche ardue pour des parents très occupés[117]. »

Voici donc poindre un ultime argument : si les Programmes de modification du comportement ne fonctionnent pas, c’est que les parents ne les appliquent pas correctement ! Ainsi, reprenant les éléments de la controverse entourant désormais le « time-out », une revue australienne réalisée en 2011 par Alina Morawska et Matthew Sanders commençait par souligner que « l’utilisation efficace du “time-out” implique un certain nombre d’étapes[118] ». Ses auteurs insistaient sur les huit paramètres définis par MacDonough et Forehand en 1973 – une étude dont la validité a été discutée plus haut[119] –, et justifiaient l’acceptabilité de la procédure par diverses enquêtes de satisfaction[120]. Reconnaissant que le « time-out » pouvait être mal utilisé, ils terminaient en dénonçant l’influence d’émissions de télé-réalité populaires sur l’éducation des enfants et encourageaient les parents à solliciter « des informations fondées sur des preuves » auprès de professionnels[121].

À l’adresse des pédiatres, une étude de 2014 déplora aussi que les informations disponibles sur Internet fussent « largement incomplètes, inexactes et incohérentes » et mit en garde : « En l’absence de conseils adéquats sur la mise en œuvre précise de procédures efficaces de “time-out”, les parents d’enfants présentant des problèmes de comportement peuvent conclure que la mesure est inefficace et recourir à des méthodes de discipline [plus] sévères[122]. » Les auteurs déclinèrent alors neuf conditions d’efficacité du « time-out » et les comparèrent aux conseils trouvés par 6 moteurs de recherche sur 102 pages web en langue anglaise, avant de conclure : « Dans l’ensemble, la constatation la plus frappante est qu’aucune page web ne contient d’informations précises sur tous les paramètres de la mise à l’écart fondés sur des données probantes. En d’autres termes, la probabilité qu’un parent trouve des informations complètes et exactes sur le “time-out” en se tournant vers Internet est proche de zéro[123]. » On pourrait ajouter qu’une mesure éducative exigeant la prise en compte d’une telle variabilité de paramètres pour prétendre à une efficacité discutable devait elle-même inspirer une méfiance grandissante.


17. Le « time-out » est-il préjudiciable aux enfants ?

Les revues ultérieures favorables au « time-out » allaient donc s’appliquer à en réaffirmer les principes, citant invariablement les mêmes études et formulant les mêmes mises en garde. En 2015, Lauren Borduin Quetsch et ses collègues de l’université de Virginie occidentale (États-Unis) regrettèrent par exemple que des arguments « infondés » contre le « time-out » fussent largement répandues dans le discours public et s’employèrent à dénoncer les « mythes » propagés par ses détracteurs – parmi lesquels l’idée que la mesure puisse être préjudiciable aux enfants[124]. Un argument retint cependant leur attention : « Une préoccupation légitime est que les procédures de “time-out” pourraient réactiver des expériences de maltraitances antérieures, particulièrement celles où le pourvoyeur de soin [a agressé l’enfant physiquement][125]. » Pour y répondre, elles se contentèrent d’avancer que – dans une perspective comportementaliste – l’exposition répétée à des procédures cohérentes de mise à l’écart pouvaient atténuer cette réactivation traumatique, et même se révéler « hautement thérapeutique ».

Dans une enquête réalisée en 2017, Andrew R. Riley et ses collègues de l’Oregon Health and Science University de Portland dans l’État de l’Oregon se penchèrent plus particulièrement sur l’efficacité du « time-out » telle que la percevaient les parents – et cela en fonction de la manière dont ils appliquaient la mesure[126]. Les auteurs déplorèrent que sur l’échantillon considéré, 84,9 % y recouraient d’une ou de plusieurs façons contraires à ce qu’ils qualifiaient désormais de « preuves empiriques » et trouvèrent là une raison de la défiance exprimée par un tiers d’entre eux[127]. Le fait qu’un enfant quitte le « time-out » sans permission était le plus fortement corrélé à la perception négative qu’avaient les parents de son efficacité. Dans ce cas, les chercheurs réaffirmaient l’importance de prévoir une stratégie de secours comme de renvoyer l’enfant en « time-out » autant de fois qu’il le fallait ou, pour les plus âgés, d’en augmenter la durée, voire de priver le jeune récalcitrant de sortie[128].

Mais la controverse ne fit que croître. Dans une étude publiée en 2019, Mark R. Dadds et Lucy A. Tully de l’université de Sydney (Australie) s’appliquèrent donc également à répondre à la question de savoir si les traitements incluant le « time-out » pouvaient être nocifs, particulièrement chez les enfants présentant des symptômes traumatiques[129]. Après avoir brossé un tableau idyllique de leurs bases théoriques et par une argumentation alambiquée, ils avancèrent que son usage était compatible avec les plus récentes théories en psychopathologie du développement[130]. Aux défenseurs de la théorie de l’attachement, ils rétorquaient par exemple que, s’agissant d’une séparation temporaire et prévisible, le « time-out » ne menaçait pas la base de sécurité de l’enfant[131]. Aux tenants de la régulation émotionnelle, ils répondaient que des instructions calmes données avant la mise à l’écart augmentait justement la probabilité que l’enfant s’autorégule[132]. Quant aux craintes que la procédure puisse réactiver un traumatisme existant, ils invoquaient l’absence de preuve allant dans ce sens et concluaient : « [Les] affirmations selon lesquelles [celle-ci] est nocive devraient être considérées comme extraordinaires, et requièrent donc un niveau de preuve extraordinaire pour les étayer[133]. »


18. Débat idéologique autour de l’ostracisme

Selon toute vraisemblance cependant, aucun « niveau de preuve » ne permettrait aux comportementalistes de sortir d’un cadre théorique qui plongeait ses racines dans leur vénération du béhaviorisme skinnérien et qui avait été réaffirmé par Serketich et Dumas vingt-cinq ans auparavant :

« Le comportement humain est fonction des contingences de renforcement et de punition auxquelles les individus sont exposés au cours de leurs échanges quotidiens avec l’environnement[134]. »


Le débat quittait donc le terrain de la science pour prendre une tournure idéologique, comme en témoignent encore les discussions entourant l’argument de l’exclusion sociale[135]. En 2003, une étude de neuro-imagerie, réalisée par Naomi I. Eisenberger et ses collègues de l’université de Californie, Los Angeles, avait mis en évidence que les bases cérébrales de la douleur sociale sont similaires à celles de la douleur physique[136]. En d’autres termes, les sentiments très négatifs qu’exprimaient les enfants soumis à une mise à l’écart avait une base physiologique, ce qui tendait à démontrer la nocivité du « time-out » pour leur équilibre psycho-affectif – une conséquence préjudiciable que les comportementalistes reconnaissaient aux châtiments corporels[137]. Une méta-analyse plus récente se pencha sur les effets de l’ostracisme dans 120 études expérimentales de psychologie sociale effectuées au moyen du jeu virtuel Cyberball, avec pour postulat que les humains sont des animaux sociaux et se soucient beaucoup de savoir s’ils sont inclus ou ostracisés par les autres[138]. Elle confirma qu’un épisode – même bref – d’ostracisme constitue une menace pour les besoins fondamentaux, tout en reconnaissant que, dans un second temps, cet effet peut être modéré par la réflexion[139].

Comment les partisans du « time-out » ont-ils accueilli ces recherches ? Une revue précédemment citée balaya simplement la première au motif que l’étude d’Eisenberger portait sur des adultes d’âge universitaire isolés par leurs pairs (et non sur des enfants mis à l’écart par leurs parents) et qu’elle citait une expérience effectuée sur des rats – un rapprochement qui, prétendument, manquait de validité scientifique[140]. Quant aux nombreuses études Cyberball sur l’exclusion sociale, elles furent simplement ignorées, sans doute parce que, s’agissant d’une stratégie disciplinaire couramment acceptée, le « time-out » ne pouvait être assimilé à un ostracisme aux yeux des comportementalistes[141]. Cette logique circulaire allait cependant se heurter aux arguments d’un autre faisceau de recherches entourant les Expériences négatives vécues pendant l’enfance – en anglais Adverse Childhood Experiences (ACE) – et la prise en compte croissante des conséquences épidémiologiques du stress traumatique pour l’ensemble de la société.


19. Le « time-out » peut-il être traumatisant ?

Lors d’une étude originale sur les ACE menée entre 1995 et 1997, 64 % des personnes interrogées avaient déclaré avoir été victimes d’au moins une catégorie d’Expériences négatives vécues pendant l’enfance, allant des abus psychologiques, physiques ou sexuels, jusqu’au fait de vivre avec des parents toxicomanes, malades mentaux ou suicidaires[142]. Tout comme d’autres études plus récentes, elle avait établi une forte corrélation graduelle entre l’ampleur de leur exposition à la maltraitance et la gravité de leur état de santé à l’âge adulte[143]. Il fut démontré qu’un stress répété pouvait avoir un impact sur l’architecture cérébrale de l’enfant et favoriser le développement de compétences sociales et comportementales inadaptées ayant des conséquences ultérieures sur sa santé[144]. De l’aveu même de leurs défenseurs, l’exécution des procédures de mise à l’écart pouvait impliquer divers débordements, notamment si les parents ne les respectaient pas à la lettre. La question se posait donc de savoir si les Programmes comportementaux, ou tout au moins certaines de leurs composantes, impliquaient un quelconque risque traumatique qui les feraient entrer dans une catégorie des Expériences négatives vécues pendant l’enfance – les fameuses ACE[145].

Ne pouvant interroger directement l’éventuelle nocivité d’une mesure dont ils s’employaient par ailleurs à défendre le bien-fondé, les comportementalistes durent cependant reconnaître que le « time-out » suscitait une inquiétude grandissante pour les enfants préalablement exposés à l’adversité. Un essai clinique fut donc récemment conduit par Alex C. Roach et ses collègues de l’université de Sydney avec pour objectif de démontrer que ces craintes n’étaient pas fondées[146]. L’échantillon non-randomisé comprenait 205 enfants âgés de 2 à 9 ans, diagnostiqués pour divers troubles du comportement, dont les parents avaient consulté la Child Behaviour Research Clinic de Sydney, dirigée par Mark R. Dadds et David Hawes. Parmi ceux-ci, 156 participèrent à un Programme de gestion parentale incluant le « time-out », tandis que 46 furent placés sur une liste d’attente faisant office de groupe de contrôle. Diverses échelles psychométriques furent utilisées avant et après traitement pour évaluer tant le degré d’exposition des enfants aux ACE que leurs problèmes de comportement.

Bien qu’ils n’aient pas comparé les résultats à un groupe soumis à un traitement non-comportemental, ni déterminé l’impact spécifique du « time-out » en regard des autres composantes du traitement, et même si aucune évaluation ne fut établie à moyen terme[147], les chercheurs en conclurent : « Cette étude a montré que, soumis à un Programme comportemental incluant le “time-out“, les enfants fortement exposés aux ACE bénéficient d’avantages thérapeutiques équivalents, voire supérieurs aux enfants faiblement exposés aux ACE[148]. » Là encore, la volonté de démontrer la validité du « time-out » semblait l’emporter sur la rigueur et l’objectivité requises pour entreprendre une telle démarche. C’est finalement dans le Journal of Applied Behavior Analysis (JABA) – la revue scientifique fondée par le concepteur du « time-out » lui-même, Montrose M. Wolfe, plus d’un demi-siècle auparavant – que parut, en 2022 et sous la forme d’une mise en garde, la réflexion interne la plus critique sur les abus constatés dans la pratique de cette spécialité[149].


20. Un aveu tardif de mauvaises pratiques

Le contexte de cette publication mérite d’être rappelé. Depuis quelques années en effet, le concept de Soins informés sur les traumatismes – en anglais Trauma-informed care (TIC) – avait impacté toutes les disciplines et pris une place importante dans l’élaboration des politiques de santé publique[150]. La réflexion menée par Adithyan Rajaraman et publiée par le JABA avait donc pour but d’intégrer ce nouveau paradigme dans la pratique de l’Analyse appliquée du comportement, suggérant qu’à l’inverse, ne pas en tenir compte pourrait non seulement être préjudiciable à sa perception par le public, mais également à l’efficacité de ses procédures. À l’évidence, cette discipline n’avait pas encore défini ce qu’impliquait l’idée d’être « informée sur les traumatismes », notamment parce qu’elle se focalisait sur l’environnement familial immédiat[151]. Les auteurs insistèrent donc sur l’importance de « ne pas retraumatiser des clients qui auraient vécu des évènements traumatiques » et de « reconnaître que certains comportements peuvent être des manières de s’adapter et de faire face à des traumas passés[152] ».

Pour comprendre la révolution que proposait l’étude de Rajaraman et de ses collègues, considérons la citation suivante :

« Si un enfant a subi de la négligence à la maison sous la forme d’une réclusion ou d’un isolement prolongé, il semble raisonnable de supposer qu’un analyste du comportement bien intentionné tiendrait compte de ce passé traumatique et prendrait des décisions cliniques prudentes[153]. »

Les auteurs rappelaient que des alternatives comportementales moins intrusives que le « time-out » existent, voire qu’elles pourraient remplacer les procédures de mise à l’écart[154]. Une mention particulière était faite des personnes ayant reçu un diagnostic de déficience intellectuelle ou de troubles du spectre autistique – un public particulièrement vulnérable aux abus de la discipline – qui, du fait même de leurs difficultés de communication, se présentaient « avec des antécédents de traumatisme souvent non décelés par les prestataires de services[155] ». Pour assurer un environnement de sécurité et de confiance, l’étude appelaient finalement à minimiser les procédures de contention intrusives et à encourager une participation des clients – y compris les enfants – au choix des interventions comportementales : « Cela pourrait conduire à l’élaboration de lignes directrices sur les meilleures pratiques concernant l’offre de choix tout au long de la prestation de service[156]. »

La même année, soulignant que le « time-out » est une forme de punition qui néglige les besoins émotionnels de l’enfant et n’offre pas d’espace de communication, une étude pilote proposa de le remplacer par un « time-in » – une approche consistant au contraire à permettre au parent de se connecter à son enfant d’une façon chaleureuse et aimante[157]. 17 mères d’enfants de 3 à 5 ans furent instruites à l’approche par le « time-in », puis l’expérimentèrent dans leur foyer pendant deux semaines avant de répondre à un questionnaire d’évaluation. Les participantes rapportèrent utiliser le « time-in » en moyenne une fois par jour et avoir moins recours au « time-out ». Elles étaient également très confiantes dans l’utilisation de cette technique qui les incitait à réfléchir et observaient des changements chez leurs enfants. « Je suis devenue plus consciente de mon rôle de parent, déclara l’une d’elle, je suis à l’écoute des signaux de mon enfant et fais plus de petites pauses dans la journée[158]. » Or, bien que le « time-in » soit mentionné par la littérature depuis des années, la technique n’a curieusement pas fait l’objet d’études empiriques. Sans contribuer directement à la discussion entourant le « time-out », cette étude pilote suggérait enfin qu’une voie plus respectueuse de l’enfant était possible. Mais ses auteurs seront-ils entendus ?


Conclusions

L’objectif du présent article était d’examiner concrètement le contenu des études scientifiques relatives au « time-out », de cerner le contexte dans lequel elles avaient été menées et de préciser leurs bases théoriques. Sachant que celles-ci sont régulièrement invoquées pour justifier ce type d’intervention à des fins éducatives, il s’agissait aussi de s’interroger sur leurs méthodologies et sur l’interprétation de leurs résultats. Enfin, sous-jacente à l’ensemble de ces interrogations, la question de savoir quelles représentations de l’enfant ces études participaient à propager était aussi posée.

L’examen d’une centaine d’entre elles nous a conduit à revenir sur une période historique remontant aux années 1930, à l’époque où les premiers programmes de modification du comportement furent élaborés. L’aversion des éducateurs béhavioristes pour les châtiments corporels les a conduits à expérimenter d’autres manières de contraindre les enfants à l’obéissance, notamment le conditionnement opérant conçu par B. F. Skinner sur la base d’expériences effectuées sur des animaux de laboratoire.

Dans les années 1960, on découvrit que l’attention de l’adulte – ainsi que son retrait – pouvait aussi être utilisé comme une technique de conditionnement efficace dans le cadre d’expérimentations menées sur des enfants en grande souffrance psychique. Une nouvelle discipline, dite Analyse appliquée du comportement (ABA), ne tarda pas à se répandre dans le monde anglo-saxon, prenant appui sur de multiples expériences relayées par des revues scientifiques qui lui étaient consacrées.

Des mesures d’isolement et des programmes d’incitation par points furent graduellement introduits dans les écoles pour réduire les marques d’indiscipline et accroître le travail scolaire des élèves. Mais les procédures de conditionnement systématiques incluant le « time-out » se propagèrent aussi dans les foyers, à travers d’innombrables Programmes de formation à la gestion parentale. Ces derniers traduisaient une véritable obsession du contrôle chez leurs instigateurs, l’enfant étant projectivement perçu comme tyrannique et manipulateur.

Dans leur quête d’acceptabilité sociale, les comportementalistes allaient bientôt instruire les parents à observer méthodiquement leurs enfants en remplissant des questionnaires. Diverses Listes de comportements furent popularisées, avec pour résultat de cibler les attitudes problématiques, bien que ces évaluations fussent très limitées pour la compréhension d’éventuelles psychopathologies. Cette stratégie introduisait un biais de confirmation tendant à valider une croyance sous-jacente, à savoir que les enfants seraient effectivement manipulateurs.

Les recherches menées sur l’attachement dès les années 1950 n’ont guère influencé les comportementalistes, mais le public ne leur est pas resté indifférent. Aussi ceux-ci s’employèrent-ils à rassurer les parents quant à l’acceptabilité du « time-out », allant jusqu’à prétendre que la méthode était plébiscitée par les enfants. Cette démarche orientée vers les consommateurs allait de pair avec l’explosion du nombre de praticiens exerçant dans la discipline, désormais regroupés en de puissantes associations. Il faudra cependant attendre 2016 pour qu’un code éthique contraignant soit adopté par ces praticiens.

La première investigation portant sur la perception et la compréhension que les enfants ont du « time-out » fut menée en 2000. La plupart exprimèrent des sentiments très négatifs, beaucoup confiant s’être senti tristes et effrayés par la procédure. Des répercussions psycho-affectives apparurent clairement chez les enfants à qui l’on infligeait un isolement sur une base routinière, souvent pour des raisons triviales. Parallèlement, un nombre croissant de recherches en psychologie montraient au contraire l’importance des pratiques de socialisation parentales dans les compétences émotionnelles des enfants.

Là encore, ces recherches n’émurent guère les comportementalistes dont les études revendiquaient des résultats sans répondre aux critères minimaux d’acceptabilité scientifique. Comme le révélèrent plusieurs méta-analyses, ils recoururent à des calculs statistiques contestables pour pallier la petite taille et la variabilité de leurs échantillons. Finalement, plusieurs chercheurs durent admettre que les traitements comportementaux avaient à terme un faible impact sur le comportement des enfants et mirent alors en cause l’incapacité des parents à se conformer à leurs procédures.

La question de la nocivité du « time-out » fit naître un débat idéologique. Enfermés dans leur cadre théorique, les comportementalistes n’étaient pas prêts à intégrer les découvertes de la psychologie du développement ou de la neurobiologie, pas plus que les recherches en psychologie sociale menées autour de l’effet d’ostracisme. La prévalence, au sein de la population, des Expériences négatives vécues pendant l’enfance et la prise en compte grandissante de la dimension traumatique dans les procédures de soins les conduisirent cependant à mettre un peu d’eau dans leur vin. Publiée par le Journal of Applied Behavior Analysis, une récente réflexion appelle à révolutionner la pratique de cette discipline en évaluant systématiquement les antécédents de trauma des clients, en associant ces derniers aux traitements, voire en privilégiant d’autres interventions excluant le « time-out ».

 

Ce bref résumé de l’évolution des sciences du comportement au fil des dernières décennies appelle sans doute de nombreuses réflexions. Fondée sur l’expérimentation animale et diverses stratégies de conditionnement, la discipline fit de la conformité sociale la base de son projet éducatif. Cette perspective est non seulement réductrice, mais aussi insoutenable humainement puisqu’elle feint d’ignorer plusieurs dimensions essentielles chez l’enfant. Son affectivité tout d’abord, qui n’existe que dans la mesure où elle peut être manipulée. Ses dispositions relationnelles ensuite, qui pourtant furent un gage de survie pour notre espèce. Enfin, son aptitude innée à exercer sa conscience réflexive, qui, là encore, n’est prise en compte que pour exiger de lui qu’il accepte les conséquences de ses actes. En tant que discipline spécifique, l’ABA n’a pas – ou alors très tardivement – cherché à intégrer les recherches menées parallèlement dans d’autres domaines. Pourtant explicitement remise en cause, elle n’a que récemment ouvert la porte au concept de Soins informés sur les traumatismes. Cette réticence peut faire douter de sa capacité à répondre aux besoins des enfants confiés à ses procédures.

Les preuves scientifiques dont l’ABA se réclame pour justifier le « time-out » méritent aussi d’être réexaminées. La plupart des études présentent un biais de confirmation inhérent à ses présupposés – à savoir la nature prétendument manipulatrice de l’enfant. S’y ajoutent divers artifices statistiques, comme l’interprétation discutable des tailles d’effet pour pallier les insuffisances de leurs échantillons, ou l’absence de groupe de contrôle. Le plus souvent, aucune approche alternative n’est comparée aux traitements comportementaux, rendant leurs conclusions critiquables. En dépit de méthodologies complaisantes et sans doute dans l’espoir de séduire une clientèle désemparée, les comportementalistes continuent pourtant à mettre en avant des Programmes de gestion parentale « fondés sur des preuves ». À leur décharge, relevons qu’un changement de paradigme impliquerait vraisemblablement l’abandon de croyances sur lesquels certains fondèrent une carrière, voire une réputation, ce qui n’est facile pour personne.

Un dernier faisceau de réflexions concerne la possible nocivité du « time-out » et son acceptabilité sociale. Il paraît important de rappeler que cette appréciation ne peut être dissociée du contexte dans lequel une telle question est formulée. La nocivité des châtiments corporels ne fait plus débat actuellement dans nos pays, bien que de nombreux parents y aient encore recours. Semblablement, certaines expériences d’ABA effectuées par le passé seraient maintenant considérées comme contraires à l’éthique. En ira-t-il de même un jour pour le « time-out » ? On a vu les efforts fournis par ses promoteurs pour défendre son caractère acceptable, mais au prix de contorsions suspectes suggérant une forme d’endoctrinement. Ceux-ci admettent par ailleurs que la mesure peut être effectivement nocive si elle n’est pas mise en œuvre dans le respect des procédures testées dans un contexte clinique. Qu’elle puisse agir comme déclencheur et réactiver des traumatismes existants ne fait plus guère de doute, ce qui répond à la question de savoir si le « time-out » peut encore être préconisé pour des enfants ayant des antécédents de maltraitance.

Et pour les autres ? Ignorées par les sciences du comportement, les études sur l’effet d’ostracisme – le fait d’être exclu ou simplement ignoré par autrui – sont sans doute celles qui montrent le plus clairement qu’un isolement, même bref, constitue un message d’alerte physiologique signalant une perte de sécurité menaçante chez tout individu, a fortiori chez un jeune enfant. De nombreux travaux ont montré que les sentiments d’appartenance, de contrôle, d’estime de soi et d’existence diminuaient sensiblement après un épisode d’ostracisme, de même que la capacité à réguler ses émotions. Son impact sur les comportements antisociaux et l’agressivité a aussi été étudié, les individus ostracisés se montrant moins empathiques à l’égard de la souffrance d’autrui. Ces constats devraient conforter les parents qui se défient des promesses des sciences du comportement et peut-être inviter les autres à être plus à l’écoute de leur ressenti et des signaux de détresse émis par leurs enfants.

Marc-André Cotton*

 

En savoir plus

Isolement de l’enfant : que nous dit la recherche ? (1/2)
Bien que la psychologie du développement soit formelle sur l’importance du lien entre les mères et leurs nourrissons pour le développement de leurs capacités cognitives et affectives, les méthodes d’extinction des pleurs par l’isolement de l’enfant font recette dans le monde occidental. Comme le « time-out » dont il sera question dans un second volet, ces pratiques reposent sur les mêmes concepts par lesquels le béhavioriste B. F. Skinner justifiait de conditionner ses rats de laboratoire.
(04/2023)

 

*Marc-André Cotton est le co-fondateur avec Sylvie Vermeulen du site regardconscient.net et auteur du livre Au nom du père, les années Bush et l’héritage de la violence éducative (L’Instant présent, 2014). Il est aussi président de l’International psychohistorical association (IPhA).

 


Notes :

[3] Franck Ramus, spécialiste du développement cognitif, « Envoyer un enfant dans sa chambre n’est ni une torture, ni une panacée », L’Express, 21.02.2023.

[5] Comité des droits de l’enfant, « Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence », Nations Unies, Observation générale No 13 (2011), p. 10.

[6] « Baromètre des violences éducatives ordinaires », Fondation pour l’Enfance, octobre 2022. Sondage IFOP réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 10 au 31 mai 2022, sur un échantillon de 1314 parents d’enfants de 0 à 10 ans représentatif de la population française adulte.

[7] Dans son Observation générale No 8, le Comité rapporte : « La promotion de formes non violentes de parentalité et d’éducation devrait s’effectuer à tous les points de contact entre l’État, les parents et les enfants, dans les services de santé, d’action sociale et d’éducation, y compris dans les institutions pour jeunes enfants, les garderies de jour et les écoles. » Lire « Le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments », Nations Unies, Observation générale No 8 (2006), p. 13.

[8] Généralement rédigées en langue anglaise et publiées par des revues prestigieuses, les études scientifiques sont librement accessibles aux universitaires via leur institution. Pour le grand public, il faut souvent débourser plusieurs dizaines d’euros pour télécharger chacune d’elles. D’après une recherche effectuée par Duke Libraries, le coût moyen d’un article scientifique pour un chercheur non affilié à une institution serait de 33,41 dollars.

[9] William E. Blatz et Helen M. Bott, The Management of Young Children, W. Morrow, 1930, p. 212. Le Dr Blatz était fermement opposé aux châtiments corporels qu’il jugeait dégradants. « La punition [physique] ne résout jamais un problème, elle en crée un nouveau. La vengeance déclenche un cycle de représailles humaines qui ne s’arrêtera jamais. » écrivait-il dans Understanding the Young Child, Clarke, Irwin & Co Ltd, 1944, p. 67. L’ouvrage est disponible en consultation sur Internet Archives.

[10] Laura A. Kaehler et al., “Distilling Common History and Practice Elements to Inform Dissemination: Hanf-Model BPT Programs as an Example”, Clinical Child and Family Psychology Review, September 2016, p. 241. Le programme Parent-Child Interaction Therapy préconisé par l’OMS s’inspire toujours du Hanf-Model.

[11] Amy K. Drayton et al., “Internet Guidance on Time Out: Inaccuracies, Omissions, and What to Tell Parents Instead”, Journal of Developmental & Behavioral Pediatrics, May 2014, 35(4): 239-246. Favorable au « time-out », cette étude déplore que les informations disponibles sur Internet soient « largement incomplètes, inexactes, inconsistantes ».

[12] Michael Regalado et al., “Parents’ Discipline of Young Children: Results from the National Survey of Early Childhood Health”, Pediatrics, June 2004, Vol. 113, No 5, pp. 1952–1958.

[13] Burrus F. Skinner, Science and Human Behavior, Macmillan, 1953, 1956, p. 32. L’ouvrage est disponible en consultation sur Internet Archive.

[14] Sidney W. Bijou, “Methodology for an Experimental Analysis of Child Behavior”, Psychology Reports, 1957, Vol. 3, No 3, pp. 243-250.

[15] Donald M. Baer, “Effect of Withdrawal of Positive Reinforcement on an Extinguishing Response in Young Children”, Child Development, March 1961, Vol. 32, No 1, pp. 67-74.

[16] Donald M. Baer, “Laboratory Control of Thumbsucking by Withdrawal and Re-presentation of Reinforcement”, Journal of the Experimental Analysis of Behavior, October 1962, Vol. 5, No 4, pp. 525-528.

[17] Il faudra plusieurs décennies pour que les victimes de ces expérimentations parviennent à se mobiliser pour faire entendre leurs voix. Une étude réalisée en 2018 par la chercheuse indépendante Henny Kupferstein révéla que l’exposition à un programme d’ABA destiné aux autistes « prédisait un taux plus élevé et une plus grande gravité de symptômes de stress post-traumatique [SSPT] chez les participants ». Sur un échantillon de 460 autistes adultes et soignants d’enfants autistes auxquels fut présenté un questionnaire portant sur le type d’intervention subie et les symptômes intrusifs révélateurs d’un traumatisme, tels que flashbacks dissociatifs, comportements d’évitement ou cauchemars, il fut relevé que 46 % des répondants exposés à un programme d’ABA souffraient de SSPT et, parmi eux, 47 % à des niveaux d’extrême gravité. 72 % des répondants non exposés à ces programmes ne présentaient aucun SSPT. La chercheuse suggéra : « La perception de soi est considérablement altérée après une exposition prolongée à l’ABA, et les personnes [soumises à ces traitements] peuvent devenir émotionnellement distantes dans leurs relations à elles-mêmes ou à leurs proches. » Henny Kupferstein, “Evidence of Increased PTSD Symptoms in Autistics Exposed to Applied Behavior Analysis”, Advances in Autism, January 2018, Vol. 4, No 1, pp. 19-29.

[18] Charles B. Ferster, “The development of performances in autistic children in an automatically controlled environment”, Journal of Chronical Diseases, April 1961, Vol. 13, No 4, pp. 312-345. Ferster était un proche collaborateur de Skinner.

[19] Ibid., p. 343.

[20] Dans un hommage posthume à Wolf, l’un de ses collaborateurs décrit ainsi la découverte par Wolf de pouvoir de renforcement de l’attention des adultes pour les enfants : « Nous n’avions jamais vu ni imaginé un tel pouvoir ! La vitesse et l’ampleur des effets de simples ajustements de quelque chose d’aussi omniprésent que l’attention des adultes sur le comportement des enfants dans le monde réel étaient stupéfiantes. » Todd Risley, “Montrose M. Wolf (1935-2004)”, Journal of Applied Behavioral Analysis, Summer 2005, Vol. 38, No 2, pp. 279-287.

[21] Montrose M. Wolf et al., “Application of Operant Conditioning Procedures to the Behaviour Problems of an Autistic Child”, Behavioral Research and Therapy, 1963, Vol. 1, No 2-4, pp. 305-312.

[22] L’expression est la traduction du terme anglais « shaping ». Dans Science and Human Behavior (1953), Skinner écrit ainsi : « Le conditionnement opérant met en forme le comportement comme un sculpteur met en forme un morceau d’argile. » Op. cit., p. 91.

[23] Montrose M. Wolf et al., “Application of Operant Conditioning Procedures to the Behaviour Problems of an Autistic Child: A Follow-Up and Extension”, Behavioral Research and Therapy, May 1967, Vol. 5, No 2, pp. 103-111.

[24] Ibid., p. 110.

[25] Dans le premier numéro du Journal of Applied Behavior Analysis, page 93, Wolf défend cette approche pragmatique qu’il qualifiait cependant de scientifique : « La recherche appliquée est éminemment pragmatique ; elle se demande comment il est possible d’amener un individu à faire quelque chose de manière efficace. » Pour lui, un dispositif expérimental avait un caractère de généralité non pas s’il était validé statistiquement sur un ensemble plus large d’individus, mais s’il entraînait un changement de comportement durable et transposable à d’autres environnements, même chez un seul individu. Dans une conclusion laconique, Wolf écrit ainsi, page 97 : « En principe, la généralisation devrait être programmée, plutôt qu’attendue ou déplorée. » Donald M. Baer, Montrose M. Wolf and Todd R. Risley, “Some current dimensions of applied behavior analysis”, Journal of Applied Behavior Analysis, Spring 1968, Vol. 1, No 1, pp. 91-97. Malgré ses vices méthodologiques, cet article posant les bases de la recherche en analyse appliquée du comportement fait partie des travaux les plus cités dans la discipline, avec 7006 citations à ce jour, d’après Google Scholar.

[26] Lire Todd Risley, “Montrose M. Wolf (1935-2004)”, op. cit., p. 284. L’évaluation par les pairs est un principe fondamental du processus de validation d’une recherche scientifique, mais il montre ici ses limites.

[27] La reproductibilité est un critère de validation d’une expérience scientifique. Son principe est qu’on ne peut tirer de conclusions valables qu’à partir d’un événement bien décrit, apparu plusieurs fois aux yeux d’observateurs différents. Cette condition permet d’affranchir la recherche d’effets aléatoires, d’erreurs de jugement ou de manipulations de la part des scientifiques. Dès 2011, une équipe de 270 chercheurs en psychologie conduisirent 100 réplications de recherches publiées dans trois prestigieuses revues scientifiques et conclurent que seuls 39 % d’entre elles répliquaient les résultats originaux. Lire Open Science Collaboration, “Estimating the reproducibility of psychological science”, Science, 28 August 2015, Vol. 349, No 6251, pp. 943-951. Cette même année, une autre équipe avertissait : « Dans de nombreux cas, un chercheur est plus susceptible de trouver à tort des preuves de l’existence d’un effet que de trouver à juste titre des preuves qu’il n’existe pas. » Joseph P. Simmons et al., “False-Positive Psychology: Undisclosed Flexibility in Data Collection and Analysis Allows Presenting Anything as Significant”, Psychological Science, November 2011, Vol 22, No 11, pp. 1359-1366.

[28] O. Ivar Lovaas, “Behavioral Treatment and Normal Educational and Intellectual Functioning in Young Autistic Children”, Journal of Consulting and Clinical Psychology, 1987, Vol. 55, No 1, pp. 3-9.

[29] Gregory A. Fabiano et al., “An Evaluation of Three Time-Out Procedures for Children with Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder”, Behavior Therapy, Summer 2004, Vol. 35, No 3, pp. 449.469.

[30] Kathleen Delaney, “Time-Out: An Overused and Misused Milieu Intervention”, Journal of Child and Adolescent Psychiatry Nursing, April-June 1999, Vol. 12, No 3, pp. 53-60.

[31] Quarante ans plus tard, la Teaching-Family Association fondée par Wolf estime avoir formé et certifié quelque dix mille éducateurs et thérapeutes ayant servi plus de 85 000 enfants et adolescents. Todd Risley, “Montrose M. Wolf (1935-2004)”, op. cit., p. 285. L’origine du « time-out » est souvent attribuée à Arthur W. Staats, fondateur du comportementalisme psychologique, qui utilisa régulièrement cette punition avec ses très jeunes enfants dans les années 1960, mais n’en a cependant pas revendiqué la paternité. Dans Child Learning, Intelligence, and Personality: Principles of a Behavioral Interaction Approach (Harper & Row, 1971), il écrit, page 267 : « L’auteur a commencé à appliquer cette méthode à sa propre fille pour des infractions comportementales dans des procédures systématiques alors qu’elle avait moins de deux ans, et il y a maintenant un certain nombre d’études qui montrent que cette méthode peut être employée pour affaiblir un comportement indésirable chez un enfant. »

[32] L’Association for Behavior Analysis International (ABAI) par exemple comptait 1 100 membres en 1977 et 7 500 membres quarante ans plus tard. En 2017, plus de 25 000 analystes du comportement étaient accrédité par le Behavior Analyst Certification Board international, un organisme privé créé en 1998 pour tenter de réguler leurs pratiques. Il faudra attendre 2016 pour qu’un code éthique contraignant soit adopté. Lire Nancy E. Rosenberg and Ilene S. Schwartz, “Guidance or Compliance: What Makes an Ethical Behavior Analyst?”, Behavior Analyst in Practice, June 2019, Vol. 13, No 2, pp 473-482.

[33] Justin B. Leaf, “Concerns About BA-Based Intervention: An Evaluation and Recommendations”, Journal of Autism and Developmental Disorders, June 2022, Vol. 52, No 6, pp. 2838-2853. À ce jour, les études comportementales n’incluent pas l’évaluation de possibles traumatismes et les critiques qui leur sont faites sont en général relativisées par des phrases comme : « Des recherches complémentaires seront nécessaires pour évaluer pleinement les allégations de traumatisme induit par l’extinction. » Ibid., p. 2844.

[34] Lire par exemple Jo Webber and Brenda Scheuerman, “Managing Behavior Problems: Accentuate the Positive... Eliminate the Negative!”, Teaching Exceptional Children, September 1991, Vol. 24, No 1, https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/004005999102400105.

[35] Une étude emblématique décrit par exemple la formation d’une mère à l’application d’une thérapie comportementale au domicile de l’enfant. Jane Zeilberger et al., “Modification of a Child’s Problem Behaviors in the Home with the Mother as Therapist”, Journal of Applied Behavior Analysis, Spring 1968, Vol. 1, No 1, pp. 47-53.

[36] Les 13 modules pédagogiques du Family Skill Training suggéraient par exemple d’appliquer les techniques de conditionnement opérant à des situations aussi diverses que le rangement des vêtements ou des jouets, l’heure du coucher, la toilette, la gestion de la colère, les bagarres entre enfants, le suivi d’instructions, l’assiduité à l’école, les corvées, les devoirs scolaires, les jurons ou les mensonges, ou encore les incendies volontaires. Dans cet ouvrage, le mot « time-out » apparaît à 252 reprises. Elaine A. Blechman, Solving Child Behavior Problems at Home & at School, Research Press, 1985.

[37] H. Rudolph Schaffer and Charles K. Crook, “Child Compliance and Maternal Control Techniques”, Developmental Psychology, 1980, Vol. 16, No 1, pp. 54-61.

[38] Marian Marion, “Child Compliance: A Review of the Literature with Implications for Family Life Education”, Family Relations, October 1983, Vol. 32, No 4, pp. 545-555.

[39] Relevant ces incohérences, une revue comparative souligne : « Les taux de conformité varient d’une étude à l’autre. Deux facteurs pouvant expliquer cette variation sont les questions entourant la définition de la conformité. L’un d’eux concerne les critères de conformité et l’autre le temps accordé à l’enfant pour se conformer à l’étude. […] Dans les études constatant différents niveaux de conformité, cette dernière est souvent traitée comme un indice global unitaire, ce qui lui confère une utilité limitée. » Ibid, p. 546.

[40] Steven A. Hobbs et al., “Effects of Various Durations of Timeout on the Noncompliant Behavior of Children”, Behavior Therapy, September 1978, Vol. 9, No 4, pp. 652-656. L’étude mentionne que les « sujets » – supposément les mères – étaient payés pour leur participation.

[41] Ibid., p. 655. Les auteurs suggèrent finalement que, lorsque diverses périodes de « time-out » sont envisagées pour un usage clinique, les durées modérées – par opposition à des durées courtes – doivent être préférées.

[42] Gregory E. Everett et al., “Time-out with Parents: A Descriptive Analysis of 30 Years of Research”, Education and Treatment of Children, May 2010, Vol. 33, No 2, pp. 235-259. Dans le résumé de leur revue, les auteurs écrivent : « Bien que les résultats indiquent que les parents utilisent largement le time-out comme stratégie de gestion du comportement, l’application de variables procédurales spécifiques demeure diverse et souvent impossible à établir. »

[43] Ibid., p. 254. Notons que, dans 73 % des 576 enfants concernés par ces études, le « time-out » était mise en œuvre pour le traitement du non-respect des directives parentales.

[44] Trevor F. Stokes and Pamela G. Osnes, “An Operant Pursuit of Generalization”, Behavior Therapy, Summer 1989, No 3, pp. 337-355. Dans cet article, les auteurs recommandent le recours à divers subterfuges pour accroître la généralisation de leurs interventions cliniques, comme l’usage des conséquences fournies par l’environnement, le renforcement par les pairs fonctionnant comme agents du traitement, la manipulation des horaires de renforcement ou encore la multiplication des situations activant le comportement souhaité. Ils concluent cependant : « Néanmoins, retenons que la poursuite de la généralisation est une activité ardue, avec quelques victoires impressionnantes, quelques petits triomphes, mais surtout la prise de conscience qu’on ne peut attendre ce résultat sans que des procédures spécifiques soient mises en œuvre. »

[45] Ronald S. Drabman et al., “Behaviour Modification with Children: The Generalisation Trap”, Behaviour Change, December 1990, Vol. 7, No 4, pp. 163-171. Se référant à une étude similaire réalisée dix ans plus tôt, les auteurs déplorent le manque de rigueur scientifique, voire la légèreté de leurs collègues, page 168 : « Nous avons trouvé surprenant et quelque peu décourageant que davantage d’études de généralisation n’aient pas été effectuées [depuis les années 1960 et 1970]. »

[46] Ibid, p. 169.

[47] Montrose M. Wolf, “Social Validity: The Case for Subjective Measurement or How Applied Behavior Analysis is Finding its Heart”, Journal of Applied Behavior Analysis, Summer 1978, Vol. 11, No 2, pp. 203-214. La citation se trouve à la page 213.

[48] Ibid.

[49] Carl D. Williams, “The Elimination of Tantrum Behavior by Extinction Procedures”, The Journal of Abnormal and Social Psychology, September 1959, Vol. 59, No 2, p. 269.

[50] Ibid. L’article a été cité 548 fois à ce jour, d’après Google Scholar. Conformément à la croyance populaire que le bébé exprimant sa détresse cherche à manipuler ses pourvoyeurs de soin, les chercheurs imagineront le concept d’operant crying – à savoir des pleurs supposément destinés à provoquer une réaction de l’entourage. Citant notamment l’article de Carl D. Williams, une étude réalisée en 1967 sur deux nourrissons africains-américains de 6 et 20 semaines, dans une nurserie de Washington D.C., propose même une expression latine pour caractériser ces enfants : Infans tyrannotearus – à savoir des bébés crieurs tyranniques. Barbara C. Etzel and Jacob L. Gewirtz, “Experimental Modification of Caretaker-Maintained High-Rate Operant Crying in a 6- and a 20-Week-Old Infant (Infans tyrannotearus): Extinction of Crying with Reinforcement of Eye Contact and Smiling”, Journal of Experimental Child Psychology, September 1967, Vol. 5, No 3, pp. 303-317.

[51] Bien que critique des faiblesses du modèle skinnérien de comportement opérant, l’un des fondateurs de la thérapie comportementale, le psychologue Arthur W. Staats estimait que les principes du conditionnement animal ne peuvent être écartés lorsqu’il s’agit de comprendre les processus d’apprentissage chez l’humain, y compris pour l’acquisition de comportements plus complexes comme le langage. Dans son dernier ouvrage, The Marvelous Learning Animal, What Makes Human Nature Unique (Prometheus Books, 2012), il écrit : « […] le bébé humain est un merveilleux animal d’apprentissage, c’est sa nature (p. 140). » Ou encore : « Le nouveau-né est le petit de l’animal qui apprend [à savoir l’Homme]. Doté de quelque dix milliards de cellules nerveuses dans son cerveau, je suggère que le nourrisson n’est pas câblé de nature, sauf pour ses réflexes (pp. 144-145). » L’ouvrage est disponible en consultation sur Internet Archive.

[52] Geoffry D. White et al., “Timeout Duration and the Suppression of Deviant Behavior in Children”, Journal of Applied Behavior Analysis, Summer 1972, Vol 5, No 2, pp. 111-120.

[53] Tomi S. MacDonough and Rex Forehand, “Response-Contingent Time-Out: Important Parameters in Behavior Modification with Children”, Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry, September 1973, Vol. 4, No 3, pp. 231-236.

[54] Alina Morawska and Matthew Sanders, “Parental Use of Time Out Revisited: A Useful or Harmful Parenting Strategy?”, Journal of Child and Family Studies, February 2011, Vol. 20, No 1, pp. 1-8.

[55] Plusieurs auteurs ont même suggéré que la satisfaction des consommateurs en regard d’un traitement particulier pouvait être « un facteur de l’efficacité finale de l’intervention ainsi que de sa généralisation ». Robert G. McMahon and Rex L. Forehand, “Consumer Satisfaction in Behavioral Treatment of Children: Types, Issues, and Recommendations”, Behavior Therapy, March 1983, Vol. 14, No 2, pp. 209-225.

[56] à cette fin, l’auteur interrogea notamment des étudiants en psychologie en leur présentant divers cas pratiques. Dans l’une de ces enquêtes, le renforcement positif fut considéré comme le plus acceptable, suivi d’un « time-out » de 10 minutes, de la pharmacothérapie et des chocs électriques. Relevons qu’aucune approche plus humaniste ne leur était proposée. Alan E. Kazdin, “Acceptability of Alternative Treatments for Deviant Child Behavior”, Journal of Applied Behavior Analysis, Summer 1980, Vol.13, No 2, pp. 259-273. Cette étude a été citée 1227 fois à ce jour, d’après Google Scholar. Lire aussi Alan E. Kazdin, “Acceptability of Time Out from Reinforcement Procedures for Disruptive Child Behavior”, Behavior Therapy, June 1980, Vol. 11, No 3, pp. 329-344. Et encore Alan E. Kazdin, “Acceptability of Alternative Treatments for Children: Evaluations by Inpatient Children, Parents, and Staff”, Journal of Consulting and Clinical Psychology, December 1981, Vol. 49, No 6, pp. 900-907. Dans cette troisième étude, le « time-out » a été considéré comme la moins acceptable de quatre techniques comportementales (renforcement positif, « time-out », pratique positive et pharmacothérapie), les enfants évaluant tous les traitements comme étant moins acceptables que leurs parents. Lire enfin la quatrième étude de la série dans laquelle l’auteur aborde plus particulièrement les effets secondaires des traitements, notamment du « time-out ». Alan E. Kazdin, “Acceptability of Child Treatment Techniques: The Influence of Treatment Efficacy and Adverse Side Effects”, Behavior Therapy, September 1981, Vol. 12, No 4, pp. 493-506.

[57] Patricia Chamberlain et al., “Parent Observation and Report of Child Symptoms”, Behavioral Assessment, January 1987, Vol. 9, No 1, pp. 97-109. L’Oregon Social Learning Center s’est développé autour de la personnalité de son fondateur, Gerald R. Patterson, et s’est spécialisé dans le développement de programmes comportementaux pour parents d’enfants et d’adolescents présentant des comportements antisociaux. Lire J. Mark Eddy, “A History of the Oregon Social Learning Center”, Oregon Social Learning Center, October 3, 2006.

[58] Une première élaboration de cette approche taxonomique fut introduite dans une étude de 1964 déjà, mais présentait alors « peu d’utilité pratique » d’après son auteur. Gerald R. Patterson, “An Empirical Approach to the Classification of Disturbed Children”, Journal of Clinical Psychology, July 1964, Vol. 20, No 3, pp. 326-337.

[59] D’après les auteurs, les biais de réponse invitaient à interpréter les scores des Rapports parentaux avec prudence, mais ils affirmaient en même temps que « sept appels téléphoniques suffisent à fournir des estimations stables des taux de comportements problématiques chez l’enfant ». Ibid., pp. 106-107.

[60] Lire par exemple l’une de ses premières publications présentant, en Annexe A, une liste de 91 items décrivant les symptômes de 600 enfants observés en milieu psychiatrique. Thomas M. Achenbach, “The Classification of Children’s Psychiatric Symptoms: A Factor-Analytic Study”, Psychological Monographs: General and Applied, 1966, Vol. 80, No 7, pp. 1-37. Par la suite, Achenbach définira des profils de comportements problématiques selon l’âge et le sexe des enfants, sur la base d’une CBCL comprenant 118 items soumis à une analyse factorielle et regroupés en catégories. Thomas M. Achenbach, “The Child Behavior Profile: An Empirically Based System for Assessing Children’s Behavioral Problems and Competencies”, International Journal of Mental Health, Fall-Winter 1978/79, Vol. 7, No 3/4, pp. 24-42.

[61] Ces descriptifs sont extraits d’une version française de la CBCL. « Liste de comportements pour enfants ». La CBCL existe en français depuis 1985. Lire S. Vermeersch et éric Fombonne, « La Child Behavior Checklist : résultats préliminaires de la standardisation de la version française », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 1997, Vol. 45, No 10, pp. 615-620.

[62] Gregg M. Macmann et al., “Construct Validity of the Child Behavior Checklist: Effects of Item Overlap on Second-Order Factor Structure”, Psychological Assessment, March 1992, Vol. 4, No 1, pp. 113-116. Les auteurs soulignaient par exemple que sur les 12 items utilisés pour la catégorie Comportement cruel des filles âgées de 12 à 16 ans, 6 se retrouvaient ailleurs, comme dans la catégorie Cruauté envers les autres, ce qui conduisait à gonfler les corrélations statistiques entre ces catégories (p. 113).

[64] Thomas M. Achenbach, “The Classification of Children’s Psychiatric Symptoms: A Factor-Analytic Study”, op. cit., p. 6. Dans cette étude, Achenbach a tenté de minimiser l’influence de ce biais en utilisant plusieurs observateurs, voire des évaluateurs sans pratique clinique.

[65] Patricia Chamberlain et al., “Parent Observation and Report of Child Symptoms”, op. cit, p. 105. Les auteurs estiment que cette tendance explique environ 5 % de la variance entre les déclarations des parents et les observations d’évaluateurs neutres.

[66] L’exhortation à faire table rase du passé transparaît par exemple dans ces quelques extraits d’un guide pratique de psychologie comportementale destiné aux parents et aux enseignants : « L’un des principaux obstacles à la résolution des problèmes de comportement des enfants est la préoccupation pour leurs causes historiques. » ; « Certaines [de ces causes] ne peuvent être modifiées. » ; « De plus, [elles] ne peuvent jamais être connues avec certitude. » ; « Comme les problèmes d’éducation et de formation des enfants sont très répandus, la culpabilité [...] est irrationnelle et entrave la résolution des problèmes de comportement. » Elaine A. Blechman, Solving Child Behavior Problems at Home & at School, Research Press, 1985, pp. 8-9. L’ouvrage est disponible en consultation sur Internet Archives.

[67] Lire Margrit E. Oswald and Stefan Grosjean, “Confirmation bias”, in Rüdiger F. Pohl (editor), Cognitive Illusions: A Handbook on Fallacies and Biases in Thinking, Judgement and Memory, Psychology Press, 2004, pp. 79-96. En se fiant aux indications de ces deux auteurs, les Listes de comportements problématiques chez l’enfant présenteraient plusieurs biais de confirmation. Outre de conforter les parents dans leurs interprétations du comportement manipulateur de l’enfant (l’hypothèse inverse n’est pas testée), ces instruments n’auraient pas un caractère de diagnostic (les items associés à une hypothèse alternative ne sont pas listés) et il serait donc très probable que l’on réponde à leurs propositions par l’affirmative. En plus du mécanisme de sélection déjà mentionné, les attentes des parents comme des expérimentateurs favoriseraient l’acquiescement (offrant aux consommateurs anxieux l’aide possible de professionnels) et déboucheraient sur des interprétations autoréalisatrices du comportement de l’enfant.

[68] Ces attitudes correspondent à l’inverse des items No 15, No 22 et No 25 de la version française de la CBCL. On pourrait continuer l’exercice avec les autres comportements jugés problématiques.

[69] Rappelons que, pour les béhavioristes, tous les comportements humains résultent d’un renforcement – positif ou négatif – fourni par l’environnement. Selon eux, parents et enseignants doivent apprendre à utiliser les renforcements appropriés pour favoriser les comportements désirés. L’étude de Margrit E. Oswald et Stefan Grosjean citée plus haut suggère que, dans ce cas de figure, nous serions en présence d’une « véritable stratégie de confirmation » de la part des chercheurs, puisque dans leur collecte d’informations, les tests proposés confirmeront probablement leurs hypothèses, et cela d’autant plus que des décisions routinières sont prises pour valider ces dernières dans d’autres contextes expérimentaux. Margrit E. Oswald and Stefan Grosjean, “Confirmation bias”, op. cit., p. 88.

[70] Judith R. Mathews et al., “Decreasing Dangerous Infant Behaviors Through Parent Instruction”, Journal of Applied Behavior Analysis, Summer 1987, Vol. 20, No 2, pp. 165-169.

[71] Edward R. Christopherson, “Discipline”, in Little People: Guidelines for Commonsense Child Rearing, Westport Publishers, 1977, 1988, pp. 43-53. L’ouvrage est disponible en consultation sur Internet Archives. L’auteur explique, page 49 : « Je préfère placer l’enfant dans son parc et m’éloigner. Dès qu’il s’est calmé pendant cinq secondes, vous y retournez, vous le prenez dans vos bras et vous le ramenez là où l’action s’était interrompue. » Une page précédente montre à quel point le « time-out » est associé aux punitions corporelles et à la cécité émotionnelle du parent : « Ne laissez jamais un enfant qui pleure sortir de son “time-out”, quelle que soit la raison. En fait, nous disons qu’un enfant peut uriner, déféquer, vomir et saigner et que nous ne le laisserons pas sortir tant qu’il ne se sera pas calmé. […] Si vous ne donnez de fessées à votre enfant que lorsqu’il se lève de sa chaise de “time-out”, et si vous utilisez la chaise pour toutes les désobéissances (même les plus graves), vous serez surpris de constater à quel point il est rare que vous ayez à le frapper (p. 47). »

[72] Judith R. Mathews et al., “Decreasing Dangerous Infant Behaviors Through Parent Instruction”, op. cit., p. 168.

[73] Ibid.

[74] De ce seul point de vue, la validité de l’étude est contestable sur plusieurs points : (1) la taille et les caractéristiques démographiques de l’échantillon étudié ; (2) le choix des observateurs ; (3) les modes d’évaluation des comportements des bébés et de la satisfaction des parents ; (4) les types d’intervention ; ou encore (5) la quantification des résultats. À titre d’exemple, voici comment l’étude présente le calcul des comportements potentiellement dangereux du bébé : « La présence ou l’absence de comportements dangereux chez le bébé a été enregistré par intervalles de 30 secondes pendant une période de 10 minutes de jeu libre. » Ibid., p. 166.

[75] Outre trois jeunes mères de 17 et 18 ans, l’échantillon étudié comprenait une femme de 28 ans qui avait été adressée à la clinique et « ne représent[ait] pas la norme en matière de capacité à gérer un nourrisson ». Ibid., p. 168. Les auteurs n’en concluent pas moins : « Cette étude a donc démontré qu’une combinaison économiquement rentable de formation des parents et de protection des enfants à la maison permettait de réduire le comportement potentiellement dangereux des bambins plus âgés. » 

[76] Cette étude a été citée 62 fois à ce jour, d’après Google Scholar, notamment dans une publication, elle-même citée 90 fois, où l’on peut lire : « [Le “time-out”] a été utilisé avec succès sur des bébés d’un an pour réduire la fréquence des comportements dangereux (Mathews et al., 1987). » Alina Morawska and Mathew Sanders, “Parental Use of Time Out Revisited: A Useful or Harmful Parenting Strategy?”, Journal of Child Family Study, February 2011, Vol. 20, No 1, pp. 1-8.

[77] Publiée en 1969, une revue d’études portant sur l’efficacité des punitions constate ainsi : « La nature de la relation entre l’agent de socialisation et l’enfant est un facteur déterminant de l’efficacité de la punition. On suppose généralement que la punition sera un moyen plus efficace de contrôler le comportement lorsque cette relation est étroite et affective que lorsqu’elle est relativement impersonnelle. » Ross D. Parke, “Some Effects of Punishment on Children’s Behavior”, Young Children, March 1969, Vol. 24, No 4, pp. 228-229.

[78] Donelda J. Stayton et al., “Infant Obedience and Maternal Behavior: The Origins of Socialization Reconsidered”, Child Development, October 1971, Vol. 42, No 4, p. 1065. Dans une référence implicite aux présupposés théoriques des comportementalistes, les auteurs ajoutaient : « Ces résultats ne peuvent être prédits par les modèles de socialisation qui supposent qu’une intervention spéciale est nécessaire pour modifier les tendances asociales des enfants. » Cette étude a été citée 582 fois à ce jour, d’après Google Scholar.

[79] Ibid., p. 1066.

[80] Mark R. Dadds, et al., “Children’s Perception of Time Out and Other Maternal Disciplinary Strategies: The Effects of Clinic Status and Exposure to Behavioural Treatment”, Behavior Change, December 1987, Vol. 4, No 4, pp. 3-13. En préambule, l’étude fait le constat suivant : « L’évaluation de l’acceptabilité des traitements peut permettre d’identifier des stratégies de communication qui maximiseront le respect des procédures de mise en œuvre, diminuant ainsi les taux d’abandon et les échecs de traitement. »

[81] Les auteurs font la distinction entre une mise à l’écart de l’enfant dans un coin de la pièce (ou « time-out » non excluant) et son isolement dans une pièce séparée (ou « time-out » excluant). Remarquons que, comme dans les études réalisées par Alan E. Kazdin et mentionnées plus haut, aucune approche plus empathique ne leur était proposée.

[82] Comme ces enfants inclurent la mise à l’écart et le « time-out » dans les mesures que les parents avaient raison d’utiliser, ils ajoutèrent : « Ce résultat est important [pour] des parents qui s’inquiètent de la pertinence de l’utilisation du “time-out”. Les données peuvent être incluses dans les procédures d’éducation et de réassurance fournies aux parents dans le cadre de leur formation à l’utilisation du “time-out”. » (Ibid., p. 9)

[83] Les mères devaient cocher sur la liste les comportements problématiques observés chez leur enfant au cours des deux dernières semaines et un score était calculé en additionnant le nombre d’items pointés. En guise de validation de la fiabilité de cet outil d’évaluation et en référence à une autre étude, les chercheurs notèrent simplement : « La liste de contrôle s’est révélée sensible aux changements de comportement de l’enfant après un traitement comportemental. » Ibid.

[84] Les chercheurs avaient fait l’hypothèse que les enfants perturbés, jugeant des bénéfices du « time-out » sur leur propre comportement, auraient une meilleure acceptabilité de cette mesure après le traitement. Ils imputèrent ce résultat décevant au fait que, selon toute vraisemblance, ces enfants avaient connu d’autres expériences négatives du « time-out » qui « n’[avait] pas été mis en œuvre d’une manière cohérente avec les principes comportementaux et n’[avait] donc pas permis de réduire le comportement perturbateur de l’enfant. » Ibid., p. 12.

[85] Ibid.

[86] Ibid. Il s’agit de l’étude de David A. Wolfe et al., “Parents’ and Preschool Children’s Choices of Disciplinary Childrearing Methods”, Journal of Applied Developmental Psychology, April-June 1982, Vol. 3, No 2, pp. 167-176.

[87] Ibid. L’étude de Dadds et al. fut par la suite citée 25 fois d’après Google Scholar, par exemple dans une étude plus récente, elle-même citée 90 fois, qui examine la controverse entourant l’utilisation du « time-out » et où l’on peut lire, page 3 : « Les enfants considèrent également que le “time-out” est une stratégie appropriée pour les parents (Dadds et al. 1987). » Alina Morawska and Matthew Sanders, “Parental Use of Time Out Revisited: A Useful or Harmful Parenting Strategy?”, Journal of Child and Family Studies, February 2011, Vol. 20, No 1, pp. 1-8.

[88] La dimension économique de cette quête – démarche orientée vers le consommateur, recherche de nouveaux marchés, sollicitation de subventions publiques, etc. – contribue certainement à cet aveuglement, mais son ambition quasi messianique mérite aussi d’être soulignée. Dans Walden Two, une fiction controversée publiée en 1948, Burrus F. Skinner imaginait déjà une communauté d’utopistes appliquant les principes de l’ingénierie béhavioriste à tous les aspects de leur vie et d’abord à leurs enfants élevés dès la naissance par des spécialistes du comportement. Lire B. F. Skinner, Walden Two, Macmillan, 1948, Hackett Publishing Company, 2005. Ce livre est paru en français sous le titre Walden 2 : Communauté´ expérimentale, In Press, 2005.

[89] Dans la conclusion de son étude, Dadds suggérait : « La perception qu’ont les parents du “time-out”, et par conséquent l’observance probable du traitement, peut donc être ciblée par une instruction et une pratique spécifiques. » Mark R. Dadds, et al., op. cit. p. 12.

[90] Cette ambition transparaît par exemple dans une étude datant de 1966, citée 531 fois d’après Google Scholar et intitulée « La thérapie comportementale à domicile : Amélioration des relations parent-enfant problématiques avec le parent dans un rôle thérapeutique » (Robert P. Hawkins et al., “Behavior Therapy in the Home: Amelioration of Problem Parent-Child Relations with the Parent in a Therapeutic Role”, Journal of Experimental Child Psychology, September 1966, Vol. 4, No 1, pp. 99-107, ou encore dans cette étude de 1965, citée 481 fois et intitulée « Les mères comme thérapeutes du comportement pour leurs propres enfants » (Robert G. Wahler et al., “Mothers as Behavior Therapists for their Own Children”, Behaviour Research and Therapy, September 1965, Vol. 3, No 2, pp. 113-124.

[91] Christine A. Readdick and Paula L. Chapman, “Young Children’s Perception of Time Out”, Journal of Research in Childhood Education, December 2000, Vol. 15, No 1, pp. 81-87. Dans leur introduction, les autrices remarquaient : « Certains chercheurs estiment que le time-out peut être blessant à plusieurs égards. Si l’enfant le perçoit comme une punition, le time-out peut avoir des effets secondaires graves qui sont généralement associés à la punition, y compris l’augmentation d’autres comportements inadaptés et le retrait ou l’évitement des adultes qui administrent le temps d’arrêt (Miller, 1986). En outre, lorsqu’il est impossible de s’échapper, certains jeunes enfants ont tendance à se retirer et à devenir passifs (Parke, 1969). » Pour ces études, voir David E. Miller, “The Management of Misbehavior by Seclusion”, Residential Treatment For Children & Youth, Vol. 4, No 1, pp. 63-73, https://psycnet.apa.org/doi/10.1300/J007v04n01_09 et Ross D. Parke, “Some Effects of Punishment on Children’s Behavior”, Young Children, March 1969, Vol. 24, No 4, pp. 225-240.

[92] L’équipe d’observateurs était constituée de 40 paires d’étudiants formés aux techniques d’entretien pendant au moins 30 heures avant la collecte des données. Afin de minimiser les biais, la question de l’acceptabilité du « time-out » n’a pas été abordée et la nature exploratoire de l’enquête a été soulignée. Chaque paire d’observateurs effectua un minimum de 6 heures d’observation sur une période de 30 jours en notant, pour chaque occurrence de « time-out », une description de l’évènement déclencheur (ce qui a conduit l’enfant à être placé en « time-out »), la consigne donnée par l’adulte, le lieu et le comportement de l’enfant pendant le « time-out », la libération par l’adulte et la durée du placement. à l’issue du « time-out », un observateur s’approchait de l’enfant concerné et l’invitait à parler. Si celui-ci répondant favorablement, il lui posait une série de 17 questions, tandis que l’autre enregistrait ses réponses. À la fin de l’entretien, l’enfant était remercié et encouragé à rejoindre ses camarades.

[93] Les chercheuses firent remarquer que le « time-out » était effectivement perçu comme une punition par les très jeunes enfants, comme l’avait suggéré l’étude de Parke, en 1969 déjà. Ross D. Parke, “Some Effects of Punishment on Children’s Behavior”, op. cit.

[94] Incidemment, l’étude notait que cette observation confirmait celle d’autres chercheurs selon laquelle le « time-out » est une technique de renforcement séduisante et facile pour certains éducateurs dépassés, désireux de se débarrasser d’un enfant désobéissant pendant quelques instants. Ibid., p.5.

[95] L’étude de Parke citée plus haut avait aussi mis en avant ces conséquences fâcheuses de la punition. Ross D. Parke, “Some Effects of Punishment on Children’s Behavior”, op. cit.

[96] Christine A. Readdick and Paula L. Chapman, op. cit., p. 6.

[97] Au sens large, la compétence émotionnelle comprendrait par exemple la compréhension de ses propres émotions et de celles des autres, l’aptitude à manifester ses émotions d’une manière adaptée à la situation dans un contexte culturel donné, et la capacité à les inhiber ou à les moduler, notamment en situation de stress. La compétence sociale peut être définie comme la capacité à atteindre des objectifs dans les interactions sociales tout en maintenant des relations positives avec les autres sur la durée. Lire Nancy Eisenberg et al., “Parental Socialization of Emotion”, Psychological Inquiry, 1998, Vol. 9, No 4, pp. 241-273. Cet article a été cité 3851 fois à ce jour, d’après Google Scholar, ce qui donne une indication de l’importance de ce courant de recherches.

[98] Une expérience a montré par exemple que la répression émotionnelle a pour conséquence une augmentation de l’activité sympathique du système cardiovasculaire entraînant un stress physiologique et une inhibition des facultés cognitives. James J. Gross and Robert W. Levenson, “Hiding Feelings: The Acute Effects of Inhibiting Negative and Positive Emotion”, Journal of Abnormal Psychology, February 1997, Vol. 106, No 1, pp. 95-103.

[99] Les chercheuses notent que certains comportements parentaux de socialisation liés à l’émotion – en anglais Emotion Related Socialization Behaviors (ERSBs) – favorisent les compétences émotionnelles plus que d’autres et constatent : « Les réactions parentales aux émotions des enfants sont un excellent exemple de la manière dont les parents peuvent socialiser directement les réactions émotionnelles des enfants. » Nancy Eisenberg et al., “Parental Socialization of Emotion”, op. cit.

[100] En revanche, les nourrissons qui ne purent établir une base de sécurité avec leurs parents apprennent à minimiser ou à maximiser leurs émotions négatives dans des circonstances stressantes ou frustrantes. Les chercheuses citent une cinquantaine d’études allant dans ce sens. Lire par exemple, Jude Cassidy, “Emotion Regulation: Influences of Attachment Relationships”, in The Development of Emotion Regulation: Biological and Behavioral Considerations, Monographs of the Society for Research in Child Development, 1994, Vol. 59, No 2/3, pp. 228-249. Elle-même citée 3110 fois à ce jour, d’après Google Scholar, l’étude précise : « Cette stratégie permet au nourrisson de jouir d’une liberté maximale pour explorer et répondre aux possibilités passionnantes de l’environnement, sans compromettre l’accès à la figure d’attachement en cas de besoin »

[101] Parmi ces conséquences négatives, les chercheuses citent par exemple le fait de réprimer ses émotions tout en étant réactivé à l’excès dans un contexte émotionnel suggestif, de ressentir de l’anxiété dans un tel contexte parce que l’expressivité émotionnelle est associée à la punition, ou encore d’accroître et de prolonger l’excitation émotionnelle des enfants avec pour conséquence d’augmenter la probabilité que ces derniers adoptent un comportement déviant ou non constructif. Elles ajoutent : « Lorsque les parents découragent ou punissent l’expression des émotions par les enfants, ces derniers peuvent apprendre à considérer leurs propres émotions et celles des autres comme négatives ou menaçantes et peuvent éviter les occasions d’explorer la signification des émotions et les façons de les gérer. » Nancy Eisenberg et al., “Parental Socialization of Emotion”, op. cit., p. 248.

[102] Ibid., p. 250. Les chercheuses citent également une cinquantaine d’études allant dans ce sens.

[103] Sally R. Ramsden and Julie A. Hubbard, “Family Expressiveness and Parental Emotion Coaching: Their Role in Children’s Emotion Regulation and Aggression”, Journal of Abnormal Child Psychology, December 2002, Vol. 30, No 6, pp. 657-667. Trois dimensions de l’accompagnement des émotions ont été codées : la prise de conscience des émotions de l’enfant, l’acceptation de ces émotions et l’aide fournie pour lui permettre d’y faire face. L’agressivité des écoliers a été évaluée par leurs enseignants sur la base d’un questionnaire individuel comportant 6 items, sur une échelle de 5 points.

[104] Plus précisément, l’expression d’émotions négatives dans le contexte familial et le manque d’accompagnement des émotions de l’enfant étaient corrélés à des niveaux plus faibles de régulation émotionnelle, ce qui entraînait chez lui des niveaux plus élevés d’agressivité. Ibid., p. 664. La validité du concept de régulation émotionnelle pour la psychologie du développement a été abordée par Pamela M. Cole et al., “Emotional Regulation as a Scientific Construct: Methodological Challenges and Directions for Child Development Research”, Child Development, March/April 2004, Vol. 75, No 2, pp. 317-333.

[105] Amanda Sheffield Morris et al., “The Role of the Family Context in the Development of Emotion Regulation”, Social Development, May 2007, Vol. 16, No 2, pp. 361-388. Cette publication a été citée 3855 fois à ce jour, d’après Google Scholar.

[106] Et l’on peut lire aussi : « En revanche, les réactions maternelles centrées sur le problème ont été positivement liées à l’adaptation constructive des enfants. » Amanda Sheffield Morris et al., ibid., p. 367.

[107] Alan E. Kazdin, “Treatment of Antisocial Behavior in Children: Current Status and Future Directions”, Psychological Bulletin, September 1987, Vol. 102, No 2, pp. 187-203. L’auteur avance notamment, page 187 : « Lorsqu’on examine les comportements spécifiques qui composent le trouble des conduites et que les jeunes eux-mêmes rendent compte de leurs activités, les taux de prévalence sont extraordinairement élevés. Par exemple, parmi les jeunes (de 13 à 18 ans), plus de 50 % admettent avoir volé, plus de 35 % avoir agressé, plus de 45 % avoir détruit des biens et plus de 60 % avoir adopté plus d’un type de comportement antisocial (comme les actes agressifs, l’abus de drogues, l’incendie criminel et le vandalisme ; voir Feldman, Caplinger et Wodarski, 1983 ; William et Gold, 1972). » Les sources citées sont plus extravagantes encore. Antérieure de quinze ans, l’étude de William et Gold (Jay R. Williams and Martin Gold, “From Delinquent Behavior to Official Delinquency”, Social Problems, Autumn 1972, Vol. 20, No 2, pp. 209-229) laissait entendre que moins de 3 % des délits commis par des mineurs étaient détectés par la police et moins de 1 % étaient ensuite enregistrés comme des actes officiels de délinquance. Quant à la première source citée par Kazdin (Ronald A. Feldman et al., The St. Louis Conundrum: The Effective Treatment of Antisocial Youths, Englewood Cliffs, 1983, pp. 12-13, l’ouvrage reprend les chiffres de Williams et Gold, et y ajoute d’autres estimations alarmantes, également basées sur des études réalisées à partir de questionnaires d’auto-évaluation – provoquant un « effet de loupe » sur lequel Kazdin ne montre aucun recul.

[108] Comme indiqué plus haut, les Programmes de formation à la gestion parentale reposent sur les renforcements positifs, comme les éloges ou l’usage de récompenses, et les punitions, comme le « time-out » ou le retrait de privilèges. Un livre présentant la méthode ABC de Kazdin au public francophone (Alan E. Kazdin, éduquer sans s’épuiser, Solar, 2023)– est encensé par un article paru dans Le Figaro, le 10.09.2023, et par une interview du 19.09.2023 recueillie par L’Express.

[109] Alan E. Kazdin, “Treatment of Antisocial Behavior in Children: Current Status and Future Directions”, op. cit., p. 198. Rappelons qu’à l’époque, Kazdin préconisait des périodes de « time-out » de 10 minutes pour chaque occurrence de comportement non-désiré. Lire Alan E. Kazdin, “Acceptability of Alternative Treatments for Deviant Child Behavior”, op. cit., p. 264.

[110] Wendy J. Serketich and Jean E. Dumas, “The Effectiveness of Behavioral Parent Training to Modify Antisocial Behavior in Children: A Meta-Analysis”, Behavior Therapy, Spring 1996, Vol. 27, No 2, pp. 171-186. Dans une méta-analyse précédente, Dumas reconnaissait déjà que peu d’études répondaient aux critères minimaux d’acceptabilité scientifique, ou alors de manière imparfaite et limitée dans les preuves qu’elles fournissaient. Jean E. Dumas, “Treating Antisocial Behavior in Children: Child and Family Approaches”, Clinical Psychology Review, 1989,Vol. 9, No 2, pp. 197-222.

[111] Dans cette méta-analyse, la taille moyenne des échantillons considérés était de 28,86 familles. Cependant, ces dernières étaient réparties entre celles qui appliquèrent un Programme de modification du comportement, celles qui bénéficièrent d’une autre forme de traitement (par exemple une thérapie familiale) et un groupe de contrôle, réduisant ainsi les échantillons à moins de 10 familles. Les âges des enfants étaient également très variables, s’échelonnant de 2 à 12 ans, tout comme les diagnostics qui leur avait été attribué.

[112] La taille d’effet est une mesure statistique visant à évaluer l’impact d’une variable sur une autre, en l’occurrence l’effet d’un Programme de renforcement sur le comportement des enfants. À cette fin, les moyennes des observations recueillies dans leurs rapports par leurs parents, leurs enseignants ou d’autres observateurs furent comparées aux groupes de contrôle n’ayant pas reçu de traitement, puis rapportées à l’écart type du groupe de contrôle. Une taille d’effet de 0,2 est généralement considérée comme faible, de 0,5 comme moyenne et de 0,8 comme forte. Notons qu’en tant que mesure d’une corrélation statistique, la taille d’effet ne donne aucune indication sur la cause de cet effet qui reste sujette aux interprétations.

[113] Jean E. Dumas, “Treating Antisocial Behavior in Children: Child and Family Approaches”, op. cit., pp. 176 et 180. La chercheuse ajoute : « […] il est possible que les études basées sur des échantillons plus petits n’aient pas rapporté les données de résultats pour les sujets qui ont abandonné avant d’avoir terminé la formation des parents, ce qui est susceptible de fausser positivement les résultats de trois études. »

[114] Ibid., p. 181. En ce qui concerne l’effet à long terme des PMT, la chercheuse est encore plus sévère : « Pour des raisons éthiques [à savoir qu’on ne peut refuser l’intervention à des parents dont les enfants présentent des troubles du comportement] , les groupes de contrôle se voyaient généralement proposer un traitement immédiatement après la période d’évaluation du groupe expérimental, de sorte que les avantages à long terme des PMT par rapport à d’autres traitements ou à l’absence de traitement n’ont pas été clairement établis. »

[115] Brad Lundahl et al., “A Meta-Analysis of Parent Training: Moderators and Follow-Up Effects”, Clinical Psychology Review, January 2006, Vol. 26, No 1, pp. 86-104.

[116] Des études portant sur des groupes d’au moins 5 participants dans chaque échantillon analysé (contre 10 pour la méta-analyse de Serketich et Dumas) furent incluses dans cette méta-analyse, de sorte que leurs tailles d’effet subirent un biais positif plus important, selon toute vraisemblance.

[117] Brad Lundahl et al., “A Meta-Analysis of Parent Training: Moderators and Follow-Up Effects”, op. cit., p. 100. Face à ces constats décevants, les auteurs concèdent quelque intérêt aux approches non-comportementales qui soulignent l’importance d’une communication saine entre parents et enfants : « Les programmes comportementaux peuvent également s’inspirer des modèles de formation parentale non comportementale, qui se concentrent sur les styles de communication, le respect et la résolution de problèmes, pour trouver des moyens d’améliorer le maintien des effets. »

[118] Alina Morawska and Matthew Sanders, “Parental Use of Time Out Revisited: A Useful or Harmful Parenting Strategy?”, Journal of Child and Family Studies, February 2011, Vol. 20, No 1, pp. 1-8. Les auteurs argumentent que les critique faites au « time-out » sont largement infondées ou du moins exagérées, car « une évaluation équilibrée des preuves et de l’utilisation actuellement recommandée da la procédure montre qu’elle peut être utilisée en toute sécurité et de manière efficace par les parents pour réduire les comportements problématiques (p. 1). »

[119] Tomi S. MacDonough and Rex Forehand, “Response-Contingent Time-Out: Important Parameters in Behavior Modification with Children”, op. cit. Voir le paragraphe 8 du présent article.

[120] Parmi elles figure l’enquête discutable réalisée en 1987 par Daddsauprès d’enfants (Mark R. Dadds, et al., “Children’s Perception of Time Out and Other Maternal Disciplinary Strategies: The Effects of Clinic Status and Exposure to Behavioural Treatment”, op. cit.). Voir le paragraphe 9 du présent article.

[121] également réalisée en 2011, une expérience portant sur les conditions de libération d’une période de « time-out » montre encore combien ces « preuves » sont contestables. Suivant une procédure expérimentale mise au point dans les années 1960, quatre enfants de 3 et 4 ans (dont un autiste) furent testés pour leur réponse à une durée fixe de « time-out » ou à une durée conditionnée par leur aptitude à se calmer. Malgré la petite taille et la variabilité de l’échantillon, en dépit des biais de confirmation induits par les rapports d’observateurs (parents et enseignants) et bien que leurs résultats n’aient pas été comparés à un groupe de contrôle, les auteurs concluent que le « time-out » à durée fixe et le « time-out » sous condition de libération ont tous les deux été efficaces pour réduire le nombre de comportement problématiques. L’étude sera malgré tout citée 75 fois par la suite, d’après Google Scholar. Lire Jeanne M. Donaldson and Timothy R. Vollmer, “An Evaluation and Comparison of Time-Out Procedures with and without Release Contingencies”, Journal of Applied Behavior Analysis, Winter 2011, Vol. 44, No 4.

[122] Amy K. Drayton et al., “Internet Guidance on Time Out: Inaccuracies, Omissions, and What to Tell Parents Instead”, Journal of Developmental and Behavioral Pediatrics, May 2014, Vol. 35, No 4, pp. 239-246.

[123] Ibid., p. 8 du manuscrit de l’auteur. L’étude ajoute : « La prévalence d’affirmations sur Internet selon lesquelles le “time-out” pourrait être inefficace est regrettable, car cela pourrait décourager certains parents d’utiliser l’une des rares stratégies efficaces de discipline non corporelle. Cependant, à la lumière des résultats de la présente étude concernant l’abondance d’informations incomplètes et/ou inexactes sur les paramètres du “time-out” facilement accessibles aux parents sur Internet, il n’est pas surprenant que le “time-out” soit considéré par beaucoup comme une stratégie disciplinaire inefficace. »

[124] Lauren Borduin Quetsch et al., “Weighing in on the Time-Out Controversy, An Empirical Perspective”, The Clinical Psychologist, Summer 2015, Vol. 68, No 2, pp. 4-15. La question a été abordée en réponse à la publication, dans le magazine Time du 23 septembre 2014, d’un article de Daniel J. Siegel et Tyna Payne Bryson intitulé “Time-Outs Are Hurting Your Child” – les « time-outs » sont préjudiciables à votre enfant.

[125] Ibid., p. 9.

[126] Andrew R. Riley et al., “A Survey of Parents’ Perceptions and Use of Time-out Compared to Empirical Evidence”, Academic Pediatrics, March 2017, Vol. 17, No 2, pp. 168-175. L’échantillon était composé de 401 parents d’enfants âgés de 15 mois à 10 ans (3,9 ans d’âge moyen) ayant fréquenté deux centres universitaires de soins pédiatriques de la région Pacific Northwest. On leur demanda si un ou plusieurs avertissements étaient donnés avant le « time-out », si et quand la raison de cette mesure disciplinaire était donnée, où elle avait lieu, quel type de stimulation/activité était disponible durant les périodes d’isolement, si une durée déterminée était utilisée, quelle était la réponse si l’enfant quittait le « time-out » sans permission, et comment le « time-out » se terminait.

[127] Ibid., p. 171. Deux-tiers des parents (69,5 %) ayant utilisé le « time-out » l’ont jugé habituellement ou toujours efficace.

[128] Ibid, p. 174. Les auteurs ajoutaient cependant que la recherche dans ce domaine était « étonnement peu abondante. » Les limitations qu’ils reconnaissent à leur recherche méritent aussi d’être citées : « La plupart des études existantes sont de petite taille ou présentent des lacunes méthodologiques, et nombre d’entre elles ont été menées auprès de participants (par exemple, des enfants souffrant de troubles du développement ou du comportement) ou dans des contextes (par exemple, des écoles) qui ne peuvent pas être généralisés à l’ensemble de la population. Compte tenu de la pratique répandue du “time-out”, une étude à grande échelle du point de vue de la santé publique est justifiée. »

[129] Mark R. Dadds and Lucy A. Tully, “What Is It to Discipline a Child: What Should It Be? A Reanalysis of Time-Out from the Perspective of Child Mental Health, Attachment, and Trauma”, American Psychologist, February 2019, Vol. 74, No 7, pp. 794-808. Rappelons que Dadds est aussi l’auteur de l’étude de 1987 sur la perception que les enfants auraient du « time-out ». Voir ci-dessus Mark R. Dadds, et al., “Children’s Perception of Time Out and Other Maternal Disciplinary Strategies: The Effects of Clinic Status and Exposure to Behavioural Treatment”, op. cit.

[130] Celles-ci comprennent la théorie de l’apprentissage social développée par Albert Bandura (lire par exemple Catherine Afonso et al. « De la théorie de l’apprentissage à la théorie socio-cognitive », thèse de Master 1, IPFA 2011/2012, la théorie de l’attachement de John Bowlby, les diverses approches théoriques de l’autorégulation émotionnelle et comportementale, et la théorie des systèmes familiaux (lire par exemple Michel Delage, « Attachement et systèmes familiaux, aspects conceptuels et conséquences thérapeutiques », Thérapie Familiale, 2007, Vol. 28, No 4, pp 391-414.

[131] Mark R. Dadds and Lucy A. Tully, “What Is It to Discipline a Child: What Should It Be? A Reanalysis of Time-Out from the Perspective of Child Mental Health, Attachment, and Trauma”, op. cit., p. 799.

[132] Ibid., p. 800. Les auteurs ajoutent : « Expliquer à un enfant comment fonctionne [le retrait du renforcement positif] avant de l’appliquer maximise les chances que l’enfant puisse rester calme et s’autoréguler. »

[133] Ibid., p. 805. Une remarque finale mérite, là aussi, d’être citée : « Il est évident que des stratégies de discipline parentale inappropriées ont été et continuent d’être mises en œuvre au nom du retrait de renforcement positif et qu’elles sont répandues, inefficaces et potentiellement nuisibles. »

[134] Wendy J. Serketich and Jean E. Dumas, “The Effectiveness of Behavioral Parent Training to Modify Antisocial Behavior in Children: A Meta-Analysis”, op. cit., p. 172.  L’implication de ce postulat pour les thérapies comportementales était également claire : « La thérapie vise à modifier les contingences sociales de manière que les comportements prosociaux des enfants soient renforcés par les parents et que leurs comportements aversifs soient systématiquement punis ou ignorés. »

[135] On pourrait argumenter que le débat sur le « time-out » n’a jamais quitté le terrain idéologique du fait de la propension des sciences comportementales à tenter sans relâche de justifier leurs postulats sur les comportements humains.

[136] Naomi I. Eisenberger et al., “Does Rejection Hurt? An fMRI Study of Social Exclusion”, Science, October 10, 2003, Vol. 302, No 5643, pp. 290-292. Les auteurs concluaient : « En résumé, un schéma d’activations très similaire à celui trouvé dans les études sur la douleur physique est apparu pendant l’exclusion sociale, fournissant des preuves que l’expérience et la régulation de la douleur sociale et physique partagent une base neuroanatomique commune. »

[137] Toutes les études récentes sur le « time-out » insistent sur la nocivité des punitions physiques et en font, paradoxalement, un argument supplémentaire pour implémenter cette mesure. Dans l’étude de Dadds et Tyson citée plus haut, on lit par exemple : « En ce sens, des procédures disciplinaires efficaces empêchent l’escalade des cycles de coercition et donnent aux familles le sentiment d’un contrôle prévisible sur des escalades autrement incontrôlables. » Mark R. Dadds and Lucy A. Tully, “What Is It to Discipline a Child: What Should It Be? A Reanalysis of Time-Out from the Perspective of Child Mental Health, Attachment, and Trauma”, op. cit., p. 798. Pour une méta-analyse sur les conséquences de la fessée, lire par exemple Elisabeth T. Gershoff, “Spanking and Child Outcomes : Old Controversies and New Meta-Analyses”, Journal of Family Psychology, June 2016, Vol. 30, No 4, pp. 453-469. Plus récemment, une revue du Lancet a résumé les conclusions de 69 études longitudinales sur les châtiments corporels et identifié sept problèmes-clés, concluant que les solutions politiques visant à les prohiber sont justifiées. Lire Anja Heilmann et al., “Physical Punishment and Child Outcomes: A Narrative Review of Prospective Studies”, Lancet, July 21, 2021, Vol. 398, No 10297, pp. 355-364.

[138] Chris H. J. Hartgerink et al., “The ordinal Effects of Ostracism: A Meta-Analysis of 120 Cyberball Studies”, PLos One, May 2015, Vol. 10, No 5, pp. 1-24. Dans les expériences de psychologie sociale, Cyberball est un jeu virtuel de lancer de balle utilisé pour manipuler le degré d’inclusion sociale ou d’ostracisme, défini comme le fait d’être exclu et ignoré. Ces expériences ont mis en évidence l’impact le plus souvent négatif de l’ostracisme sur des besoins fondamentaux comme l’appartenance ou l’estime de soi, et sur d’autres concepts comme la conformité, le respect des règles ou l’agression.

[139] La démarche proposée par cette méta-analyse repose sur le modèle de Williams suggérant trois stades de l’effet d’ostracisme, à savoir (1) une phase réflexe constitué d’une réponse immédiate à la menace d’exclusion, (2) une phase de réflexion différée dans laquelle le sujet est réceptif à une analyse rationnelle susceptible de renforcer sa capacité à faire face à d’autres menaces d’exclusion, (3) et une phase de résignation résultant d’une séquence d’ostracisme prolongée et conduisant à des sentiments d’impuissance, d’aliénation, de dépression et de dévalorisation. Pour des raisons évidentes, l’étude n’analyse pas cette dernière phase. Lire Kipling D. Williams, “Ostracism: A Temporal Need-Threat Model”, Advances in Experimental Social Psychology, January 2009, Vol. 41, pp. 275-314. Lire aussi Anthony Cursan et al., « L’ostracisme. Avancées scientifiques sur la thématique d’une menace quotidienne », Bulletin de Psychologie, Septembre-Octobre 2017, Vol. 70, No 5, pp. 383-397.

[140] La critique est formulée par Lauren Borduin Quetsch et al., “Weighing in on the Time-Out Controversy, An Empirical Perspective”, The Clinical Psychologist, op. cit., p. 13. L’étude d’Eisenberger suggérait que, chez les humains comme chez les rats, le cortex cingulaire antérieur agit comme un système d’alarme détectant une menace vitale, tant par la douleur physique que par la privation affective, afin de favoriser l’établissement de liens sociaux vitaux pour la plupart des mammifères. Lire Naomi I. Eisenberger et al., “Does Rejection Hurt? An fMRI Study of Social Exclusion”, op. cit., p. 291.

[141] Auteur du modèle sur l’effet d’ostracisme cité plus haut, Williams aborde ce paradoxe dès 2007, dans un article où l’on peut lire, p. 440 : « Le “time-out” est une courte période pendant laquelle l’enfant est ignoré et exclu, et il peut être considéré comme une utilisation socialement acceptable de l’ostracisme. Il est vrai qu’il est difficile de comprendre qu’une telle forme de discipline soit si largement utilisée si elle ne réussit pas au moins modérément à améliorer le comportement de l’enfant et à le rendre plus acceptable sur le plan social. » Kipling D. Williams, “Ostracism”, Annual Review of Psychology, 2007, Vol. 58, pp. 425-452.

[142] Vincent J. Felitti, “Relationship of Childhood Abuse and Household Dysfunction to Many of the Leading Causes of Death in Adults. The Adverse Childhood Experiences (ACE) Study”, American journal of Prevention Medicine, May 1998, Vol. 14, No 4, pp. 245-258. L’évaluation portait sur deux collectes de données effectuées auprès de plus de 17 000 membres de la Health Maintenance Organization du sud de la Californie ayant subi des examens médicaux et répondu à des enquêtes confidentielles sur leur enfance, leur état de santé et leurs comportements actuels.

[143] Lire par exemple Mariette J. Chartier et al., “Separate and Cumulative Effects of Adverse Childhood Experiences in Predicting Adult Health and Health Care Utilization”, Child Abuse & Neglect, Vol. 34, No 6, June 2010, pp. 454-464. Dans cette enquête sur la santé en Ontario, un échantillon représentatif de 9 953 personnes de 15 ans et plus, 72 % des répondants ont rapporté au moins une expérience négative dans l’enfance.

[144] Ces altérations impliquent une prolifération dendritique dans l’amygdale cérébrale entraînant une augmentation des comportements impulsifs, une diminution de l’activité de l’hippocampe dont l’effet modérateur est fortement amoindri, et un sous-développement du cortex préfrontal dédié à la planification et au contrôle des impulsions. Lire Resmiye Oral et al., “Adverse Childhood Experiences and Trauma Informed Care: The Future of Health Care”, Pediatric Research, January 2016, Vol. 79, No 1, pp. 227-233.

[145] En 2021, une étude australienne rapporta une évolution des valeurs parentales en matière d’éducation et interrogea pour la première fois des parents opposés au « time-out ». D’après les interviews qualitatives de 17 d’entre eux, ceux-ci pensaient que le « time-out » (a) était nuisible, (b) n’enseignait pas aux enfants des compétences importantes, (c) nuisait à la relation parent-enfant, et (d) ne s’attaquait pas à la cause sous-jacente des problèmes de comportement des enfants. Si un tel changement de paradigme devait se confirmer, remarquaient leurs auteurs quelque peu déconcertés, « cela aurait des conséquences considérables sur la diffusion et l’adoption des programmes d’éducation parentale ». Monica G. Canning et al., “An Updated Account on Parents’ Use of and Attitudes Towards Time-Out”, Child Psychiatry & Human Development, 2023, Vol. 54, pp. 436-449, published online on September 29, 2021.

[146] Alex C. Roach et al., “Using Time-Out for Child Conduct Problems in the Context of Trauma and Adversity: A Nonrandomized Controlled Trial”, JAMA Network Open, September 1st, 2022, Vol. 5, No 9, pp. 1-13. Leur préambule traduisait cette préoccupation : « Conçus à l’origine pour traiter les problèmes de comportement des enfants, les programmes de formation à la gestion parentale se sont révélés efficaces pour empêcher les enfants d’être exposés à d’autres adversités et pour les aider à se remettre de l’adversité ; cependant, on s’inquiète de plus en plus du fait qu’une composante essentielle de ces programmes, la stratégie disciplinaire du “time-out”, puisse être nocive pour les enfants ayant des antécédents d’exposition à l’adversité. »

[147] Alex C. Roach et al. reconnurent d’autres limitations à leur étude, page 9 : « Ces résultats ne reflètent pas les effets du “time-out” dans la population, où il peut être utilisé à mauvais escient. Il est toujours possible que le “time-out” soit nuisible s’il est mis en œuvre de manière incohérente, sévère et/ou en l’absence de nombreuses interactions positives entre parents et enfants. […] Un biais peut également s’être produit dans les rapports des parents sur l’adversité de l’enfant, où ceux-ci peuvent avoir refusé de signaler certains ACE par crainte de conséquences négatives, ce qui affaiblit les associations observées. […] La petite taille du groupe [d’enfants] fortement exposé aux ACE peut avoir réduit la puissance de ces analyses et augmenté la marge d’erreur […]. »

[148] Ibid., p. 7. Cette conclusion était fondée sur le seul fait que, bien que les rapports parentaux initiaux fussent plus négatifs pour les enfants les plus fortement exposés aux ACE, ils ne présentaient plus guère de différence avec ceux des enfants les moins exposés et avec le groupe de contrôle après le traitement.

[149] Adithyan Rajaraman et al., “Toward Trauma-Informed Applications of Behavior Analysis”, Journal of Applied Behavior Analysis, Winter 2022, Vol. 55, No 1, pp. 40-61.

[150] D’après ses concepteurs, cela implique de connaître l’histoire des abus passés et présents dans la vie du consommateur de soins avec lequel on travaille, et d’utiliser cette compréhension pour concevoir des services qui tiennent compte des vulnérabilités des survivants de traumatismes d’une manière qui facilite la participation des patients. Lire Maxine Harris and Roger D. Fallot, “Envisioning a Trauma-Informed Service System: A Vital Paradigm Shift”, New Directions for Mental Health Services, Spring 2001, No 89, pp. 3-22. Pour une revue des récents développements en matière de Soins informés sur les traumatismes, lire Anna Goddard, “Adverse Childhood Experiences and Trauma-Informed Care”, Journal of Pediatric Health Care, March-April 2021, Vol. 35, No 2, pp. 145-155.

[151] « Ce qui différencie une pratique informée sur les traumatismes, expliquaient les auteurs, c’est peut-être que l’histoire traumatique de l’enfant est prise en compte dans la planification d’un traitement, plutôt que de ne tenir compte que des contingences immédiates ». Adithyan Rajaraman et al., “Toward Trauma-Informed Applications of Behavior Analysis”, Journal of Applied Behavior Analysis, op. cit., p. 43. Rappelons que les comportementalistes ont toujours appelé à faire table rase du passé, comme l’indiquait une autrice déjà citée : « L’un des principaux obstacles à la résolution des problèmes de comportement des enfants est la préoccupation pour leurs causes historiques. » Elaine A. Blechman, Solving Child Behavior Problems at Home & at School, op. cit., p. 8.

[152] Alex C. Roach et al., “Using Time-Out for Child Conduct Problems in the Context of Trauma and Adversity: A Nonrandomized Controlled Trial”, op. cit., p. 44.

[153] Les auteurs poursuivaient : « Par exemple, si d’autres stratégies se sont révélées inefficaces pour garantir la sécurité [de l’enfant], un praticien pourrait tenter un “time-out” excluant tout en restant particulièrement attentif à toute réponse émotionnelle négative de l’enfant, avec un plan pour interrompre immédiatement la procédure si un tel comportement était observé. » Ibid., p. 45.

[154] Lire Cary E. Trump, “Differential Reinforcement Without Extinction: A Review of the Literature”, Behavior Analysis: Research and Practice, October 2019, Vol. 20, No 2, pp. 94-107.

[155] Alex C. Roach et al., “Using Time-Out for Child Conduct Problems in the Context of Trauma and Adversity: A Nonrandomized Controlled Trial”, op. cit., p. 45. D’après le Behavior Analyst Certification Board, 78 % des analyste du comportement en exercice offraient leurs services à ce type de clientèle en 2020.

[156] Ibid., p. 50. Sur 141 articles rapportant des mesures de validité sociale publiées par le JABA, seuls 6 % (huit articles) incorporaient le choix de l’intervention dans leurs procédures expérimentales d’après une étude. Lire Julia Ferguson et al., “Assessment of social validity trends in the Journal of Applied Behavior Analysis”. European Journal of Behavior Analysis, October 2018, Vol. 20, No 1, pp. 146-157.

[157] Pendant le “time-in”, le parent s’assied avec l’enfant après un débordement, l’aide à se calmer et à se réguler. Pour les plus jeunes, la procédure peut consister à prendre l’enfant sur ses genoux. Une fois que l’enfant s’est calmé, la procédure consiste à lui parler calmement de son comportement, à le toucher de manière chaleureuse et encourageante, à s’enquérir de ses sentiments, à identifier ses besoins et à l’informer de la manière dont il pourrait se comporter différemment à l’avenir.George W. Holden et al., “Is It Time for “Time-In”?: A Pilot Test of the Child-Rearing Technique”, Pediatric Report, May 2022, Vol. 14, No 2, pp. 244-253.

[158] Ibid., p. 249.