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Newsletter Regard conscient No 41 – Décembre 2023

 

Chères et chers ami·e·s, chères et chers abonné·e·s,
Dear Psychohistory friends,

 

L’exploration de nos héritages transgénérationnels est une porte d’entrée vers une meilleure connaissance de nous-mêmes et des autres. Mais comment aborder cette dimension souvent occultée de notre patrimoine, et qu’attendre d’une telle démarche ?

À la rencontre de nos héritages
« Autour des transmissions transgénérationnelles»
Un séjour animé par Ophélie Perrin et Marc-André Cotton, du 6 au 11 mai 2024

En mai 2024, Ophélie Perrin et moi-même organisons une rencontre de quatre jours et demi pour les personnes désireuses d’approfondir un tel travail dans le prolongement des rencontres « Autour du Génie de l’être ». Outre la mise en pratique des outils de conscience et techniques d’analyse, une partie du séjour sera consacré à la recherche documentaire. L’accent sera mis sur le soutien à l’exploration transgénérationnelle, sur l’attention à soi-même et aux autres, et sur les mises en commun. Si vous êtes interpellé·e par l’héritage familial qui vous habite et désireux·se de poursuivre sa mise au jour, nous vous invitons à consulter la page de présentation et à réserver vos agendas. D’autres informations suivront ! Notez qu’une quatrième rencontre « Autour du Génie de l’être » aura lieu à l’automne: vous pouvez déjà consulter son programme.

Le premier article que vous trouverez en bas de page illustre utilement le cheminement que nous serons amenés à faire lors de cette rencontre. Il suggère que le travail thérapeutique peut agir en modifiant l’épigénome pour permettre de « nettoyer » une malédiction familiale. Son autrice, Inna Rozentsvit, est une neurologue qui émigra de Moldavie vers les États-Unis, après la chute de l’ex-URSS, pour fuir l’antisémitisme. C’est aussi une psychohistorienne avec laquelle j’ai de fréquents contacts. Dans cet article, qu’elle présenta lors d’une conférence organisée en 2022 par l’International psychohistorical association (IPhA) autour des transmissions transgénérationnelles, elle relate des traumatismes familiaux dont elle découvrit tardivement qu’ils avaient pénétré chaque fibre de son être. Des rêves étranges lui en indiquèrent le chemin. Mais comment un évènement ignoré peut-il marquer une descendance sans que celle-ci n’en ait jamais entendu parler ? Rationnelle autant que pragmatique, Inna explique ici les mécanismes psychologiques, neurobiologiques et épigénétiques pouvant permettre de mieux comprendre de telles transmissions.

Malheureusement, l’actualité de l’automne nous a monté par plusieurs exemples que les transmissions traumatiques peuvent affecter une communauté tout entière, voire déclencher en cascade d’autres traumatismes d’une ampleur parfois sidérante. Ce fut le cas en France avec l’attentat terroriste perpétré le 13 octobre à Arras par un ressortissant d’Ingouchie, qui tua le professeur Dominique Bernard et blessa trois autres membres du personnel de son groupe scolaire. Tout comme l’assassin de Samuel Paty tué en 2020, il appartenait à une mouvance islamiste issue du Nord Caucase, dont les ressortissants font l’objet d’une surveillance renforcée. Très jeunes et fichés S, ces terroristes sont les enfants de réfugiés qui ont fui deux guerres particulièrement meurtrières menées dans cette région pour la Fédération de Russie. Leur radicalisation en France n’explique pas toute la haine qu’ils affichent pour les valeurs de leur pays d’adoption. Mais alors de quoi parle cette rage meurtrière ?

Dans une interview publiée en 2004 par Courrier international, une kamikaze également d’origine tchétchène avait expliqué son parcours et dit pourquoi elle avait finalement renoncé à un projet d’attentat visant des civils moscovites. Elle confia avoir subi des traditions éducatives et culturelles des plus violentes, dont on ne peut qu’entrevoir les impacts sur son estime d’elle-même. « J’avais toujours voulu être une fille bien », conclut-elle simplement.

Sans l’innocenter de son passage à l’acte (Zarema a été jugée et emprisonnée en Russie), il me semble que ce témoignage révèle une fois de plus le terreau dont se nourrissent les plus extrêmes violences, à savoir des blessures indicibles remontant à l’enfance. Réactivés et amplifiés par de nouvelles circonstances dramatiques (guerres, migrations, etc.), puis instrumentalisés par une idéologie pernicieuse, ces traumatismes se donnent à voir aux dépens de nouvelles victimes.

La photocopie ci-contre est annotée (survolez l’image pour générer un pop-up) et reflète le travail de réflexion d’un groupe d’élèves autour des transmissions transgénérationnelles des traumatismes. Il suggère que nous devrions mieux accompagner les souffrances psychologiques des familles issues de régions ravagées par la guerre, parfois marquées par des traditions qu’il nous est difficile de concevoir.

Un autre exemple dramatique est bien sûr l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre, qui tua au moins 1200 personnes, et la réplique militaire israélienne dont le bilan est actuellement estimé à plus de 18 000 morts. Reconnu pour ses travaus sur les conséquences du trauma, le médecin canadien Gabor Maté a produit plusieurs vidéos ce dernières semaines. Dans une conversation avec sa fille, il insiste sur l’importance de pouvoir écouter chaque camp dans son vécu émotionnel basé sur son histoire – un défi en l’occurrence, tant les positions sont aujourd’hui polarisées. Le Dr Maté cite plusieurs sources pour s’informer plus complètement et aller au-delà des mythes sur la création d’Israël, alimentés par les médias depuis 70 ans. Lui-même issu d’une famille juive anéantie par la Shoah, il aborde aussi la question délicate de l’antisémitisme et la nécessité de pouvoir rester critique sur la politique israélienne – ce que revendiquent maintenant de nombreuses voix dans le monde.

Avec l’escalade du conflit à Gaza, les actes antisémites se multiplient. Dans un récent dossier, Courrier international a publié plusieurs témoignages émanant tant de Juifs allemands que britanniques ou français, qui rappellent les heures les plus sombres de l’histoire européenne. Co-fondatrice du site Regard conscient, Sylvie Vermeulen avait écrit une courte réflexion sur la résolution de l’antisémitisme telle qu’elle pouvait l’entrevoir dans sa démarche thérapeutique – vous en trouverez la présentation ci-dessous. Elle suggérait que les projections d’hostilité faites sur l’Autre manifestent l’interdit de prendre conscience des problématiques familiales qui conduisent à ces déferlements de haine. Dans de telles circonstances, l’intensité des sentiments refoulés par l’enfant confronté à l’inflexibilité parentale (on peut penser à tous les avatars de la Pédagogie noire) se déplace sur un support, souvent désigné par les parents eux-mêmes. Ces personnes se sentent alors autorisées à déverser sur lui la fureur qu’ils n’ont pu exprimer à l’endroit de leurs propres géniteurs. À l’heure où nous sommes sidérés par les brutalités perpétrées au Proche-Orient, peut-être est-il encore possible de rester à l’écoute de cette réalité.

Sous nos yeux horrifiés se reproduisent aujourd’hui des crimes dont font les frais les populations des deux parties belligérantes, alors qu’avait germé l’espoir d’une résolution des souffrances séculaires du peuple juif avec la naissance du sionisme et la partition de la Palestine mandataire en deux États souverains, votée par l’ONU en 1947. Vous trouverez ci-dessous une analyse psychohistorique publiée par Regard conscient il y a près de vingt ans (août 2004). Sur la base d’un contexte historique désormais connu, elle montre encore une fois comment se transmettent les traumatismes et quel rôle joue la mémoire traumatique dans leurs remises en scène – un mécanisme que Freud avait déjà observé et dénommé « compulsion de répétition ».


Victimes des pogroms d’Odessa (octobre 1905)

Palestiniens fuyant le massacre de Deir Yassin (avril 1948)

Sans épuiser l’analyse d’un conflit géopolitique qui sévit depuis 75 ans, cette proposition permet de mieux comprendre l’impact des traumatismes refoulés sur les acteurs concernés, et l’importance de les résoudre en conscience, tant individuellement que collectivement.

Finally, for our psychohistory colleages, please find here the link to access the Call for proposals of the next 47th IPhA Conference. If you want to address a lecture and share your own research, please feel free to apply by filling the form. You’ll also find here our last Psychohistory newsletter of Summer 2023.

Avec mes pensées chaleureuses,
Marc-André Cotton

P.S. Si vous ne souhaitez plus recevoir cette newsletter, cliquez sur le lien de désinscription en fin de page.

Pour lire l’article d’Inna Rozentsvit sur les mécanismes de transmissions transgénérationnelles:

Les phénomènes transgénérationnels : comment nous touchent-ils ?

Que nous le voulions ou non, les traumatismes transgénérationnels s’invitent quotidiennement à la table de notre vie. Lorsque nous persistons à les nier, ils pénètrent chaque fibre de notre être, mais à l’inverse diverses approches thérapeutiques permettent d’en minimiser l’impact.

Pour accéder à la réflexion de Sylvie Vermeulen :

Pour résoudre l’antisémitisme

Toute projection des causes de nos souffrances sur un support, en l’occurrence le comportement juif, manifeste l’interdit de prendre conscience de l’existence même de notre problématique.

Pour lire une analyse psychohistorique de la situation au Proche-Orient :

Sionisme : les conditions d’une apocalypse en Palestine

En projetant sur l’avenir des terreurs d’anéantissement issues de leur passé refoulé, les sionistes participent à créer les conditions d’une apocalypse au Proche-Orient. Ils confient à leur hiérarchie politique le rôle de conduire le rejouement de leurs souffrances, au mépris de ceux qu’ils prennent comme supports de leur problématique non résolue.