La banque de données en santé primale, réunie par le Dr Michel Odent, résume quelque cinq-cents études publiées dans ce domaine (1). Provenant principalement de Scandinavie, de Hollande, de Grande-Bretagne et des États-Unis, pays qui ont une tradition épidémiologique, ces travaux sont accessibles par mots-clé ou par genre. La plupart d’entre eux concernent la période de vie intra-utérine, d’autres s’intéressent aux conditions de la naissance ou au maternage.
Comportements violents
Dans le registre des comportements humains, beaucoup de chercheurs se sont penchés sur les causes possibles de la violence (lire l’encadré). Une étude danoise, portant sur plus de 4000 garçons nés dans le même hôpital de Copenhague, met en relation les données relatives aux complications de naissance, au rejet maternel précoce et les actes criminels commis par ces enfants à l’âge de dix-huit ans. D’après ces travaux, l’association de complications de naissance et d’un rejet maternel précoce favorise le risque de violences ultérieures (A. Raine, et al., 1994).
Une étude suédoise porte sur les dossiers de naissance de 412 cas d’expertises médico-légales incluant des suicides et des morts par overdose. Les suicides provoqués par étouffement sont clairement associés à une asphyxie à la naissance, tandis que ceux provoqués par un moyen mécanique sont liés à un traumatisme périnatal d’ordre mécanique également. L’usage de drogues est mis en lien avec l’administration d’opiacés à la mère pendant l’accouchement (B. Jacobson, et al. 1987). Une autre recherche, portant sur 52 adolescents qui se sont suicidés avant l’âge de 20 ans, avance que le facteur principal de risque est la réanimation à la naissance et la souffrance respiratoire durant plus d’une heure (L. Salk, et al., 1985).
Usage de drogues
En étudiant deux-cents consommateurs d’amphétamine nés entre 1945 et 1956 à Stockholm, un chercheur a établi une corrélation spécifique entre l’addiction aux amphétamines et l’administration à leur mère de protoxyde d’azote pendant l’accouchement (B. Jacobson, et al., 1988). Ces conclusions sont confirmées par une étude américaine portant sur un groupe de 69 toxicomanes et un groupe de contrôle comprenant 33 de leurs frères ou sœurs non-toxicomanes. Il ressort que trois doses ou plus de barbituriques administrées à la mère lors de l’accouchement multiplie par 4,7 le risque que l’enfant se tourne vers les drogues (K. Nyberg, et al. 2000).
Le développement psychomoteur est également très affecté par l’état psychologique maternel et l’environnement intra-utérin. 220 personnes nées d’une mère à laquelle on avait refusé l’avortement qu’elle sollicitait furent examinées à l’âge de trente ans. Ces adultes, nés entre 1961 et 1963 à Prague, avaient un développement psychosocial jugé moins favorable que la moyenne de contrôle (L. Kubicka, et al., 1995). D’autres chercheurs finlandais étudièrent les dossiers de plus de 11000 enfants nés en 1966. Au sixième ou septième mois de grossesse, leur mère avait été questionnée pour savoir si l’enfant avait été désiré, mal planifié ou non désiré. Le risque d’une schizophrénie se révéla 2,4 fois plus grand parmi les enfants non désirés, après une correction statistique des indices socio-démographiques et des variables liées à la grossesse et à l’accouchement (A. Myhraman, et al., 1996).
Hyperactivité et autisme
Les recherches en santé primale apportent de nouvelles perspectives dans le domaine des troubles d’hyperactivité et déficit d’attention (THADA) et de l’autisme infantile. Une étude américaine montre que les enfants dont la mère fume ou consomme de l’alcool ont deux fois plus de risques de manifester des signes d’hyperactivité que ceux du groupe de contrôle (E. Mick, et al., 2002). D’autres recherches suédoises furent menées sur 24 enfants âgés de 11 à 14 ans, nés de mères suivant un programme de désintoxication. Dix d’entre eux montraient des symptômes d’hyperactivité, trois étaient autistes et sept d’entre eux seulement pouvaient suivre un cursus scolaire habituel. Les chercheurs font une corrélation claire entre la gravité des désordres neuro-psychiatriques et le degré d’exposition à l’alcool pendant la vie ftale (M. Aronson, et al., 1997).
Autre exemple. Les enfants nés dans un certain établissement japonais avaient plus de risque de développer des symptômes autistiques. Dans cet hôpital, ils venaient généralement au monde par la méthode de l’Université de Kitasato, caractérisée par une combinaison de sédatifs, d’anesthésiants et d’analgésiques combinés avec un accouchement planifié et provoqué par injection d’ocytocine et de prostaglandine une semaine avant la date du terme (R. Hattori, et al., 1991).
Allaitement et santé
Des troubles du comportement alimentaire chez un groupe de deux-cents enfants de 7 ans sont mis en lien avec une naissance prématurée, un poids insuffisant à la naissance et une alimentation perturbée au cours des six premiers mois de la vie (J. E. Douglas, M. Byron, 1996). Deux autres études américaines mettent en évidence l’importance de l’allaitement maternel comme facteur de régularisation lorsque le poids de la mère prédispose l’enfant à l’obésité (L. Mary, et al., 2001 ; A, Carlos, et al., 2001).
Des recherches scandinaves démontrent également qu’une diminution graduelle de l’allaitement maternel, qui avait atteint son point le plus bas en 1970 pour remonter ensuite, allait de pair avec une augmentation des diabètes insulinodépendants chez l’enfant. Cette maladie connut un sommet vers la fin des années ’70 et le laps de temps qui sépare ces deux extrêmes est très proche de l’âge moyen auquel le diabète affectait cette population, soit neuf ans environ (K. Borch-Johnson, et al., 1984).
À ce jour, des corrélations innombrables n’ont pas encore été explorées, tant dans le domaine des comportements que dans celui des symptômes physiques, la recherche en santé primale entrant seulement dans la phase préliminaire de son histoire.
MCo