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Je pense, donc… je refoule!

par Bernard Giossi


Résumé : Lorsque l’homme en souffrance, en proie aux affres du doute quant à son existence et à sa place dans la vie, refoule son senti au lieu de l’accueillir, il dénie sa réalité d’être conscient contre l’illusion d’une compensation destructrice. Il pense au lieu de sentir.


Le «Je pense donc je suis» de Descartes manifeste l’impuissance terrifiée de l’homme à sentir qui il est et, par conséquent, se définit par défaut. Lorsque l’homme, du fait du refoulement, devient insensible, la faculté naturelle de sentir est refermée sur elle-même et est réduite en se penser. L’homme manipule ainsi sa faculté de réaliser la vie pour refouler et compenser le déni quasi total de l’omniprésence de la conscience. L’énergie et les attentes mises dans la réflexion intellectuelle tous azimuts, vite suivies des déceptions quant aux résultats obtenus, ont pour conséquences directes la culpabilité et l’exercice du mensonge et de la prétention. Ces derniers sont les composantes d’un désespoir de ne pas trouver et de ne pas comprendre. L’agressivité qui en résulte est liée à l’impuissance à accéder à la pleine jouissance de la conscience, raison d’être de la vie.


Hypertrophie réductrice

L’hypertrophie intellectuelle, d’abord limitée à une élite bourgeoise, fut petit à petit imposée à tous par les universités, l’instruction publique et les formations professionnelles. Cette prétendue élite, en réalité des agents du Pouvoir promus à un rôle social particulier, n’a pas résolu la problématique qu’elle avait en charge en tant qu’être humain. C’est pourquoi le pouvoir étend-il à tous l’ordre de se soumettre à cette intellectualisation de masse. Réduire la définition de l’humain à la seule faculté de penser est un tyrannique déni de la réalité de la vie. Imposer de force cette douloureuse réduction aux enfants dès leur jeune âge exerce une pression terrorisante qui, refoulée par les exigences et la violence éducative des adultes, devient fureur - notamment intellectuelle dans les classes dominantes qui en interdisent particulièrement l’accueil et la remise en cause. Cette chaîne de dénis a pour conséquence une recherche frénétique d’exutoires autorisés par le père-privé et les pouvoirs publics. Un exutoire intellectuel est une pensée, un fantasme. L’interdit de sentir et de nommer la réalité donne à celui-ci une charge, une potentialité dont le Pouvoir sait tirer avantage puisqu’il est issu de la même structure : le déni de la conscience.


Valorisation du refoulement

Le Pouvoir valorise aisément à son profit exclusif le refoulement (retenue et maîtrise), les compensations (consommation et production) et les fantasmes (imagination, illusions, idéaux et leurs passages à l’acte) puisque tous ont pour base la négation de la réalité relationnelle naturellement harmonieuse des êtres. La remise en cause des illusions posées sur le pouvoir rend possible la mise à jour, et par conséquent la résolution, de séquences destructrices menant quotidiennement à la mort :

  • Développer des moyens sophistiqués de communication pour compenser le sentiment collectif de solitude mène à de graves pollutions et aux maladies dégénératives.
  • Développer des moyens sophistiqués de défense et de sécurité pour compenser le sentiment collectif d’insécurité mène à la guerre.
  • Développer des moyens sophistiqués pour ressentir en dépit de l’insensibilité résultant du refoulement, génère l’érotisme, la pornographie, la prostitution, la pédophilie.

De même, la jouissance et la liberté en tant que fantasmes conduisent irrémédiablement à rétablir un pouvoir à la place du pouvoir et à ne rien résoudre, alors que l’une et l’autre ne sont vécues réellement que dans la reconnaissance et la juste réalisation de l’être. Face à ce constat, la terreur de n’être capable d’aucune créativité dans un plein élan de conscience paralyse notre capacité de mettre à jour.


Choix illusoires

L’égocentrisme de la pensée hypertrophiée nécessite des contraires et impose des comparaisons pour dissimuler l’échec patent de sa structure et les conséquences destructrices de sa prise de pouvoir sur le monde sensible. Par exemple, l’esclavage et la soumission sont opposés à la liberté et donc mis sur le même plan, alors que les premiers sont résultants de passages à l’actes violents et la seconde est l’état naturel des êtres conscients. Ou encore, la tristesse est opposée à la joie, alors que la tristesse résulte de la répression de la joie qui, elle, est une dimension de la vie. Ce faisant, les agents du Pouvoir que sont tous les adultes non conscients, interdisent l’accès aux vraies causes de la souffrance et empêchent ainsi leur résolution. Parce qu’ils sont terrifiés d’être tenus pour coupables de la catastrophe humaine qui étaye leur pouvoir, les hommes se légitiment par tous les moyens de se maintenir en place le plus longtemps possible. Parce qu’ils pressentent que la simple mise à jour des comportements de leurs parents remettrait en cause toute la structure sociale dont leur statut dépend, ils préfèrent un fantasme de destruction globale qu’ils se condamnent à orchestrer.

Bernard Giossi

© B. Giossi – 07.2004 / www.regardconscient.net