par Marc-André Cotton |
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Mépris
En dépeignant le « non » français sous les traits d’une grenouille « frapadingue », ce caricaturiste anglais illustre malgré lui le mépris que les adultes infligent au « non » de l’enfant, par lequel ce dernier manifeste son positionnement salutaire face à la névrose parentale. (Dessin de Riddel, paru dans The Guardian, Londres, mai 2005) |
Par un mécanisme de déplacement vers la sphère publique, ces humiliations sont mises en scène entre les élites et le peuple que celles-ci devraient représenter. Les qualificatifs que les chroniqueurs attribuent à l’expression de ce refus populaire reflètent ainsi la violence avec laquelle les parents répriment le « non » que l’enfant - en phase avec sa conscience - oppose résolument à leur névrose, en le jugeant revêche, bougon, frustré, peureux et revendicateur…
Le magazine français Vies de famille se fait régulièrement l’écho de cette idéologie éducative qui dénie à l’enfant sa dimension d’être conscient. On peut y lire que celui-ci est envahi de « pulsions très fortes dans sa petite enfance » et que seules les règles parentales peuvent l’empêcher de se transformer en « tyran ». Une psychothérapeute explique: « Laisser l’enfant trop décisionnaire crée chez lui beaucoup d’anxiété et peut se traduire par des troubles de sommeil, de grosses colères, etc. Cela le soulage que l’on décide pour lui et qu’on lui résiste de temps à autre. » (3)
Cette dialectique justifie la répression que les adultes rejouent sur l’enfant, au mépris de sa conscience. Vies de famille poursuit : « Quand un enfant fait une bêtise, il le sait parfaitement… Consciemment ou non, selon son âge, il s’en sent coupable. Une sanction appropriée vient le soulager du poids de cette culpabilité. » (4) L’interprétation destructrice que les parents infligent à l’expression de l’enfant leur permet ainsi de perpétuer leurs schémas névrotiques. Dans cette perspective, le « non » du peuple aux mises en scène des élites est une marque de lucidité salutaire qui révèle l’attachement de celles-ci à leur système de pensée.
Marc-André Cotton
Notes :
(1) Barbara Spinelli, Une maladie bien française, Courrier international No 756, 28.4.05.
(2) Jean-Jacques Roth, Révolutionnaires du statu quo, Le Temps, 30.5.05.
(3) Béatrice Copper-Royer, citée par Gisèle Ginsberg, « Aidez-moi à trouver mes repères », Vies de famille, magazine de la Caisse d’allocations familiales, février 2005.