Tout ce qui permet une prise de conscience est psychothérapeutique : la psychothérapie est donc l’affaire de toutes et de tous. Les méthodes de développement personnel, dans leur quasi-totalité, ont été créées en dehors de la médecine et de la psychologie universitaires, par des dissidents le plus souvent décriés. Tout ce que ces méthodes révélèrent du rapport relationnel traumatisant fut saisi comme nouvelle base de réflexion par de nombreuses femmes. Ainsi, d’après le Registre national français des psychothérapeutes (éd. 2003), 73% des psychothérapeutes et deux tiers des usagers sont des femmes(1). Leur bon sens et leur bienveillance reconnaissent intuitivement le potentiel humain de guérison, ce que les approches classiques ignoreront jusqu’au jour où leurs concepteurs réussiront à présenter ce potentiel comme un facteur susceptible de dynamiser l’exploitation humaine. La majorité des hommes ne pensent en effet qu’en termes d’organisation, de structuration et d’exploitation, comme nous le montrent les auteurs de cette prise de position : « Par conséquent, les meilleures recherches scientifiques seront celles qui viseront l’exploitation des ressources naturelles de l’homme et les méthodes de développement personnel sont celles qui visent l’exploitation de ces possibilités(2). »
Les exigences universitaires désormais imposées en France pour l’obtention du titre de psychothérapeute font partie de cette structuration de la domination masculine sur le genre humain, domination qui passe aussi par la transmission des savoirs et la formation professionnelle. Elles montrent l’énergie que les hommes mettent à nier le gâchis relationnel auquel ils participent en récupérant notamment un mouvement de libération de la conscience humaine essentiellement porté par les femmes. Légiférer sur le titre de psychothérapeute et sur son exercice n’a donc pas pour but d’informer le grand public, ni de lui garantir une protection, la masse d’informations disponibles et le nombre de lois existantes sont là pour le prouver. La supériorité des résultats obtenus par l’accompagnement des femmes a déstabilisé tout ce qui se faisait en ce domaine jusqu’alors parce qu’une remise en cause personnelle va de pair avec la remise en cause du système dans lequel nous vivons.
Après avoir structuré hiérarchiquement ce mouvement, les hommes qui se placèrent à sa tête n’ont plus pensé qu’à faire reconnaître ses différentes branches comme étant les fruits de recherches scientifiques. Dans le milieu de la relation d’aide, inquiets pour leur suprématie et ne pouvant s’en prendre publiquement aux femmes, les hommes pointèrent la psychothérapie sans souligner la prépondérance féminine de la profession. De leur côté, nos représentants politiques, bien placés pour connaître les ignominies faites au nom de l’Etat, sacrifièrent quelques dissidents masculins sur l’autel de l’opinion publique et le côté sexiste de l’affaire fut ignoré.
Dans leur ensemble, les humains posent encore les diplômes et la réglementation comme étant des garanties contre des abus possibles. Pourtant, diplômes et respect de l’autre sont loin d’aller de concert. Un rapport du Conseil de l’Europe affirme que l’incidence de la violence domestique semble même augmenter avec les revenus et le niveau d’instruction. Aux Pays-Bas, selon ce même rapport, presque la moitié de tous les auteurs d’actes de violence à l’égard des femmes sont titulaires d’un diplôme universitaire. En France, l’agresseur est le plus souvent un homme bénéficiant par sa fonction professionnelle d’un certain pouvoir et l’on remarque une proportion très importante de cadres(3). Ces situations familiales révèlent l’imposture qui consiste à faire croire que l’obtention du diplôme implique le libre exercice de qualités humaines indispensables dans la relation psychothérapeutique.
Selon un récent sondage du magazine Psychologies, 8 % de la population française soit cinq millions de personnes déclarent suivre ou avoir suivi une psychothérapie. Parmi ces personnes, 87 % se disent satisfaites et même 95 % pour les personnes ayant suivi une thérapie pendant un à cinq ans(4). La réglementation de ces disciplines vise donc à entraver une capacité d’écoute et d’accompagnement qui, étant elle aussi naturelle, mettrait fin aux croyances sur lesquelles est fondé l’ordre établi. Terrorisés, les hommes s’accordent entre eux pour ne pas réaliser l’état de dégénérescence relationnelle dans lequel ils se complaisent.
Sylvie Vermeulen
© S. Vermeulen 01.2007 / www.regardconscient.net
Apparences
Avant la mort du mannequin Ana Carolina Reston, il y eut celle de Luisel Ramos…
La femme fantasmatique devient femme idéale pour éviter à l’homme qui la regarde de se sentir remis en cause. Elle « est » immuable, intemporelle. Elle porte les vêtements de l’illusion d’exister et ne se rebelle pas. Elle « est » hors des conflits relationnels, sans aucun besoin et donc sans aucune exigence, pas même celle d’être nourrie. Sa maîtrise du corps fait disparaître les supports d’humiliation et garantit l’absolution de tous ceux qui ont humilié les formes féminines en pensées ou en paroles : la grosse, la petite grosse, les gros seins, les mamelles, la vache à lait, le gros cul, les grosses fesses. Des injures faites à la vie dont l’homme ne veut pas réaliser les conséquences.
Devant la maigreur du mannequin, il « est » innocent de tout. Elle n’oppose aucune résistance à sa volonté de pouvoir. Elle « est » seule, sans plainte, sans histoire, inexistante, toujours disponible mais inaccessible, parfois provocante mais sans force physique, excitante et docile mais immatérielle. Sa disparition imminente donne aux fantasmes de l’homme un objet de désir qui le dispense de toute réflexion.
Avant que n’apparaissent sur les podiums des femmes florissantes, ouvertes et généreuses, il faudra que les hommes remettent en cause l’image qu’ils ont d’eux-mêmes.
S. V.
Notes :
(1) Lire Serge Ginger, La psychothérapie en France, novembre 2004, http://www.psycho-ressources.com/bibli/psychotherapie-fr-ffdp.html.
(2) Lire Dr. C. Irampur et Pr. M. Lobrot, Psychothérapie, pratiques parallèles (remboursement des soins), lois, formations…, 17.07.2004.
(3) Ignacio Ramonet, Violences mâles, Le Monde diplomatique, juillet 2004, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/07/RAMONET/11299.
(4) Colère chez les psys, inquiétude chez les usagers, Lettres ouvertes au Ministre de la Santé Xavier Bertrand, 14.10.2006.