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Conscience et petite enfance

par Sylvie Vermeulen

Cet article est paru dans la revue Regard conscient No 24 (janvier 2007)

Ce texte est désormais disponible dans l’ouvrage Le Génie de l’être et autres écrits, Le Hêtre Myriadis, 2021.

Résumé : Humiliées dans leur dimension de mères, les femmes ne réalisent pas le leurre que constitue un comportement maternel de séparation promu par toutes les politiques de la petite enfance.


L’augmentation des interventions césariennes fait partie des innombrables manifestations du refus de nos contemporains de reconnaître la dimension consciente de la relation mère-enfant. Toutes les politiques concernant la naissance et la petite enfance sont élaborées sur le déni de cette dimension. Elles trouvent leur fondement dans la compulsion individuelle et collective à séparer physiquement la mère de son enfant. C’est un rejouement du déni du lien conscient dont les conséquences sont similaires à celles de cette séparation: sentiments d’abandon, d’inutilité, d’impuissance et entraves à la réalisation de notre nature consciente. Les répercussions de ces sentiments dans nos relations dénaturent le tissu social.

La trame d’origine suit à peu près ce chemin. Chaque fois que la mère se retourne contre son enfant, ce dernier subit une terrifiante rupture de la relation confirmante. L’enfant cherche alors à compenser cette souffrance dans la proximité physique de sa mère. Mais au lieu de résoudre le déni subi dans sa propre histoire, la mère adhère le plus souvent aux interprétations qui posent l’enfant comme « exigeant » ou « dépendant ». Les hommes lui parlent alors d’« autonomie », de « temps libre » et de « travail rémunérateur » entre autres leurres attirant à eux la présence féminine. Nos représentants utilisent ces formes de dénigrement des besoins essentiels de l’humain pour justifier leurs propositions. Statistiques sur mesure à l’appui, ils se présentent comme d’humbles exécutants alors qu’ils exacèrbent les conditions qui leur permettent d’imposer les politiques garantissant leur mode d’adaptation et leurs privilèges.

Prenons l’exemple de la garde pour les enfants qui, selon certains, devrait devenir un droit pour les familles. Un droit est une solution posée comme un interdit de résoudre les causes des conséquences qui ont persuadé les humains de mettre en place le dit droit. Un enfant séparé de sa mère développe un système de gestion des sentiments d’insécurité, d’abandon et d’errance qui l’envahissent. L’état d’esprit des personnes qui se sont occupées de lui fera partie de cette gestion. Dans ces conditions, l’entrave faite à sa réalisation rend inéluctable son désir futur de maintenir les rapports de pouvoir qui l’ont fait souffrir.

Du fait d’un manque total d’écoute de ces réalités, la reproduction des circonstances du vécu traumatique de l’enfant sera en effet le seul espoir du jeune adulte de retrouver l’exercice de sa conscience. Mais très vite, emporté par toutes les formes attrayantes de refoulement qu’impose notre société d’adultes compensants, il va déjouer la prise de conscience et s’accrocher à son système d’adaptation. L’exhibition de maltraitances maternelles sur la scène publique sert alors à légitimer une politique de séparation mise en place par les services sociaux, dont les conséquences participeront au maintien et au développement de notre système économique de compensation.

Dans sa mise en pratique, un droit est aussi irrésistible qu’une pomme à l’étalage aux yeux de celui qui a faim. C’est pourquoi la femme, terriblement humiliée dans sa dimension de mère de ses enfants et constamment sollicitée par les hommes dans sa dimension d’être sexualisé, saisit cette pernicieuse sollicitude comme une opportunité de liberté. Elle ne réalise pas la machination complexe qui l’éloigne toujours plus de sa capacité à jouir de sa vie relationnelle.

Sylvie Vermeulen

© S. Vermeulen – 01.2007 / www.regardconscient.net