Résumé : En France, la psychothérapie est en crise et le point de vue de la psychohistoire intéresse les praticiens. Une bonne raison de faire connaître notre champ de recherche aux thérapeutes.
Les 28 et 29 novembre derniers s’est tenu à Provins, près de Paris, le premier Congrès organisé par la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P). Le thème de cette rencontre : Identité et appartenances, quelle place du Psy dans un monde en mutation ? L’IPA y était représentée puisqu’avec l’accord de notre bureau, j’y ai tenu un stand d’information et animé un atelier de psychohistoire[1].
Au cours de ce dernier, j’ai présenté les modes de parentalité de Lloyd deMause, ainsi qu’une psychobiographie de Barack Obama. Les échanges avec la douzaine de psychothérapeutes assistant à l’atelier toutes des femmes ! ont montré non seulement l’intérêt que suscitait l’approche de la psychohistoire auprès de ces praticiennes, mais encore l’importance que celle-ci pouvait avoir dans la compréhension des interactions entre la société française et les psychothérapeutes, aujourd’hui bien malmenés.
Créée en 1995 à l’initiative de quelques thérapeutes dans le but de défendre le droit à la psychothérapie, la FF2P regroupe aujourd’hui 1500 praticiens, qu’ils soient psychologues, médecins, psychiatres, psychothérapeutes ou psychanalystes. Malgré ce succès, la FF2P peine à faire face à la normalisation de la profession entreprise par le gouvernement français depuis une dizaine d’années avec la Loi Accoyer[2], sous le couvert de lutter contre les dérives sectaires.
Alors que 36,8% des Européens sont en situation de détresse émotionnelle d’après un sondage, les autorités ont en effet décidé de réserver le titre de psychothérapeute aux seuls médecins et psychologues, sans exiger qu’ils aient suivi une thérapie personnelle[3]. À l’inverse, de nombreux thérapeutes certifiés depuis longtemps, mais non-médecins, se voient retirer le droit d’exercer comme psychothérapeute en violation d’un principe d’équité pourtant fondamental en droit français.
Désormais, la FF2P « lutte contre les ennemis de la liberté » d’après les mots d’Isabelle Crespelle, membre du bureau et elle a fort à faire. Ses adhérents sont bouleversés à l’idée de perdre à la fois leur identité professionnelle et le sentiment d’appartenir à une profession reconnue d’où l’intitulé de ce Congrès. La Fédération milite maintenant pour la reconnaissance d’un nouveau statut de psychopraticien, tout en sachant que les usagers risquent de ne plus rien comprendre à la multiplication des offres de soins.
De mon point de vue, la grille de lecture proposée par la psychohistoire pourrait offrir une perspective intéressante sur un conflit qui déborde largement du cadre de ces professions. D’un côté en effet, nous trouvons des psychothérapeutes en grande majorité des femmes sincèrement désireux d’aider autrui à résoudre leurs souffrances par une démarche d’accompagnement et d’ouverture. De l’autre, des représentants politiques qui veulent au contraire normaliser cette pratique par une répression bureaucratique certainement contre-productives en termes de santé publique.
Comment ne pas reconnaître dans cet antagonisme ce que nous appelons un « conflit de psychoclasses » à savoir l’opposition entre une population majoritaire ayant subi une éducation intrusive, et une minorité émergeante qui reconnaît l’importance de l’écoute ? Gageons que cette dernière finira par l’emporter !
Marc-André Cotton
Vice-Président International de l’International Psychohistorical Association (New York)
© M. A. Cotton 01.2015 / regardconscient.net
Dynamiques collectives et problématiques individuelles
Atelier de psychohistoire présenté au congrès « Identité et appartenance » de la FF2P.
(01/2015)
Notes :
[1] Voir le site du Congrès.
[2] Du nom de son auteur, Bernard Accoyer, médecin et député à l’Assemblée nationale.
[3] Pour plus d’information sur la loi française, voir le descriptif « Usage du titre de psychothérapeute », Portail d’Accompagnement des Professionels de Santé (île de France).