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Héritages transgénérationnels et dissociation : quelles contributions psychanalytiques ?

par Angela Moré*

Cet article est paru dans The Journal of Psychohistory, Vol. 50, No 2 (automne 2022)

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Présentation : Les lecteurs de Regard conscient sont familiers des critiques faites aux fondamentaux de la psychanalyse freudienne découlant de la théorie dite des pulsions, qui occulta les premières recherches de Freud sur l’origine traumatique des névroses. D’autres chercheurs ont cependant poursuivi sur cette voie et livré des travaux qui enrichissent notre compréhension de la psyché humaine. Songeons simplement à la théorie dite de l’attachement, inconcevable du temps de Freud et que l’on doit à des psychanalystes longtemps considérés comme dissidents. Ce texte en présente un aperçu très riche, si ce n’est exhaustif, et intègre également des notions plus récentes étudiées par les neurosciences. Afin de faciliter son approche pour les non-initiés, vous trouverez dans le lexique une définition de quelques termes issus du vocabulaire psychanalytique, surlignés en gras. Merci à Angela Moré pour ce partage ! (MCo)

 

Résumé : La dissociation est l’un des mécanismes de défense les plus élémentaires de la psyché humaine. Ce mécanisme se déclenche lorsque les possibilités de traitement psychologique menacent de s’effondrer en raison d’exigences excessives. Il s’enclenche dès la petite enfance, ainsi que plus tard, en cas de stress intense tel qu’un traumatisme. Ce processus de défense est également activé face à des actes de cruauté et de meurtre. Il se combine régulièrement avec d’autres mécanismes de défense tels que l’identification projective, le déni, le déplacement ou l’identification à l’agresseur. Cet article décrit d’abord les différents mécanismes de transmission du traumatisme. Il illustre ensuite les conséquences psychologiques des processus dissociatifs et des transmissions transgénérationnelles des traumatismes et sentiments de culpabilité, à l’aide d’exemples de descendants de survivants de la Shoah et d’auteurs de crimes nazis.

 

Sommaire

Vivre avec le traumatisme de ses parents
Traumatisme et mécanisme de défense
Transmissions transgénérationnelles des traumatismes et culpabilité
Un héritage de culpabilité et de honte pour les descendants d’auteurs d’actes criminels
Conséquences pour les seconde et troisième générations de survivants et d’agresseurs
Le syndrome du survivant
Bibliographie
Lexique

 

Vivre avec le traumatisme de ses parents

J’aimerais introduire le sujet par deux citations tirées du roman graphique I Was the Child of Holocaust Survivors (J’étais l’enfant de survivants de l’Holocauste), écrit par l’auteure canadienne-polonaise Bernice Eisenstein, publié à l’origine à Toronto en 2006, puis en traduction allemande en 2007. Ses parents ont quitté la Pologne après la libération des camps de concentration et ont émigré au Canada, où elle est née en 1949. Eisenstein écrit :

« Mes parents ne savent même pas qu’ils sont des trafiquants de drogue. Ils ne peuvent pas imaginer à quel point on peut se défoncer avec le H [l’Holocauste dans son livre]. Comment il m’attire pour plonger dans ses abîmes sans fin, me force à aller seule au cinéma ou à la bibliothèque, où je peux voir n’importe quel film et lire n’importe quel livre qui me promet un voyage. » (Eisenstein, 2007, p. 20, trad. de l’allemand).

Puis elle parle d’une obsession compulsive pour l’Holocauste :

« Pour me libérer de cette dépendance qui est aussi ma vocation, il me faudrait fermer les yeux et les oreilles, sceller mes lèvres et effacer la vérité selon laquelle, sans l’Holocauste, je ne serais pas qui je suis. Il m’a marquée au fer rouge avec de petites piqûres sur mon avant-bras et m’a aspirée irrévocablement dans son monde en tant que descendante. La mémoire collective d’une génération parle, et je dois écouter, je dois être témoin des horreurs et ressentir la rage. » (Ibid., p. 25, trad. de l’allemand).

De manière obsédante et avec de nombreux dessins, Eisenstein consigne ses souvenirs d’une enfance où tant de choses étaient troublantes, mystérieuses, effrayantes, irritantes et la tenaient captive, comme si elle était ensorcelée, tout en lui commandant de mieux comprendre ses parents et de tenter de se trouver elle-même en cours de route.

Un certain nombre de psychanalystes ont reconnu les liens existants entre la souffrance de leurs patients et le destin traumatique des parents de ces derniers. Ils ont contribué à faire connaître la façon dont ces expériences se transmettent d’une génération à l’autre et comment leurs conséquences se manifestent. Il s’agissait principalement d’enfants de survivants de l’Holocauste aux États-Unis, au Canada, en Israël et en Europe.

Sur la base de ces témoignages, les enchevêtrements transgénérationnels résultant de traumatismes dans des zones de guerre ont été rendus transparents par des personnes ayant vécu l'emprisonnement, la torture ou le racisme.

Par exemple, dans sa préface du compte-rendu du groupe de Nazareth, réunissant des psychanalystes allemands et israéliens, l’archevêque émérite sud-africain Desmond M. Tutu (Tutu, 2009) dit craindre que des blessures non résolues n’enclenchent un cycle de vengeance et de représailles. Compte tenu des atrocités de l’ère de l’apartheid, une telle issue conduirait à un retour de la violence, avec une inversion des rôles entre victimes et bourreaux. Membre de la Commission Vérité et Réconciliation, Pumla Gobodo-Madikizela (Gobodo-Maidkizela, 2021) souligne qu’en Afrique du Sud, il est beaucoup plus difficile de faire face aux atrocités du passé, car plusieurs générations ont été touchées par la violence raciste. Les traumatismes associés sont stockés de multiples façons dans la mémoire des individus, comme dans les expériences collectives, consciemment et inconsciemment, tant chez les Noirs que chez les Blancs (Moré, 2022).

 

Traumatisme et mécanismes de défense

La dissociation est l’un des mécanismes de défense les plus anciens et les plus fondamentaux. Tous les mécanismes de défense servent à soulager les tensions émotionnelles et les conflits psychiques intérieurs et ont une fonction importante dans le maintien de l’équilibre psychologique et la préservation d’un sentiment de congruence intérieure. Selon la gravité du stress et en fonction de la maturité psychologique de la personne, ces mécanismes peuvent parvenir à maintenir l’état d’équilibre et d’intégrité de soi. Plus l’état psychologique est fragile, plus l’intégration psychologique sera incomplète et l’individu vulnérable, et plus le poids du traumatisme ou du conflit intérieur sera important, plus les mécanismes défensifs seront massifs (Mentzos, 2010, chapitre 3). Dans sa classification des mécanismes de défense, le psychanalyste grec-allemand Stavros Mentzos distingue quatre niveaux :

  • Au premier niveau, on trouve des mécanismes de défense archaïques associés à un haut degré de régression, qui ont une qualité psychotique.
  • Au deuxième niveau, on trouve des formes non psychotiques de dédoublement, de projection et de déni, ainsi que l’identification et, en particulier, l’identification projective.
  • Au troisième niveau, on trouve des mécanismes de défense plus matures, tels que la répression, le déplacement, l’intellectualisation ou la formation réactionnelle, que l’on retrouve aussi bien dans les troubles psychonévrotiques que dans le fonctionnement mental dit normal.
  • Enfin, le quatrième niveau saisit des formes plus matures telles que l’adaptation, la sublimation, l’humour et le deuil.

 

Transmissions transgénérationnelles des traumatismes et culpabilité

Les identifications aux parties idéalisées du parent vont de pair avec le développement du moi et du surmoi à un âge précoce. Ces identifications sont précédées par les premières formes de relation d’objet sous forme d’incorporation et d’introjection. D’autre part, dès le début, les enfants ont tendance à extérioriser les sensations douloureuses ou désagréables par la projection et l’identification projective. Ce n’est qu’avec un développement plus mature par l’intégration des parties « bonnes » et « mauvaises » dans le soi et l’autre que ces oppositions peuvent être neutralisées (Klein, 1937 ; Bion, 1962). Klein a appelé ce deuxième stade la position dépressive, qui est précédée par la position paranoïde-schizoïde avec ses processus de dissociation. Cependant, comme les mécanismes de défense tels que le dédoublement et la projection restent importants tout au long de la vie pour l’établissement de l’équilibre psychique, l’enfant peut également devenir le récepteur des projections parentales et des directives inconscientes (Brazelton, Cramer, 1989, Chap. 4). Chez les enfants de survivants, il existe des preuves de délégations parentales que les enfants ont intériorisées.  

Un autre facteur important est celui des transferts et contre-transferts inconscients. La psychanalyse reconnaît qu’il s’agit d’une forme de dialogue inconscient dans lequel les patients mettent en scène leurs expériences relationnelles intérieures et les sentiments qui leur sont associés. Ce n’est qu’en prenant conscience des réactions de contre-transfert et en les traitant consciemment que ces expériences émotionnelles transférées deviennent nommables et compréhensibles et qu’elles peuvent être intégrées de manière significative dans le contexte historique de la vie d’une personne.

La théorie de l’attachement, la recherche sur le nourrisson et enfin l’approche de la mentalisation ont confirmé et approfondi de nombreuses découvertes antérieures. Elles montrent que les échanges psycho-affectifs entre le nourrisson et ses parents commencent avant la naissance et se poursuivent avec une grande intensité après la naissance. Pour la formation d’attachements sécures, le développement de soi et des relations à l’objet, et la maturation cognitivo-mentale de l’enfant dans ses relations avec les autres, ces échanges interpersonnels sont d’une importance centrale (Brazelton, Cramer, 1989 ; Fonagy et al., 2002). Selon Daniel Stern (1986), les étapes du développement de la découverte de soi de l’enfant ne se produisent pas de manière autonome, mais sont le résultat d’une relation intersubjective avec d’autres personnes proches, qui reste largement en dehors de la conscience (Ibid., p. 48). La transmission inconsciente de messages traumatiques a également lieu de cette manière (Brisch, 2013). Selon Schwab (2010), une source majeure de ces expériences traumatiques transmises inconsciemment et involontairement est constituée par les pertes qui ne sont pas pleurées parce qu’elles sont insupportables.

Wilfred Bion (1963) a attribué à la mère (sociale) la fonction dite alpha, qui consiste à être un conteneur psychologique pour les sentiments auxquels l’enfant ne peut pas encore faire face et qui sont donc potentiellement traumatisants. Cependant, un parent traumatisé ne peut pas remplir cette fonction. Au contraire, la situation est souvent inversée. Les enfants deviennent les conteneurs des fragments traumatiques, du chagrin profond, de la colère, mais aussi des souhaits et des attentes des parents. Et ils essaient de digérer ces corps psychiques étrangers difficilement supportables qu’ils absorbent. La parentification des enfants conduit souvent à une sorte de précocité, à un sens prématuré des responsabilités et de l’âge adulte, mais au détriment de l’accès à leur propre besoin et à leur émotivité. Dans le cas des enfants de survivants, cela a souvent eu un effet limitatif sur la formation ultérieure de leurs relations, leur vie amoureuse et familiale, d’autant plus qu’ils ont également développé des sentiments massifs de culpabilité dès qu’ils ont cherché à réaliser des désirs d’autonomie. Les parents percevaient souvent les désirs d’indépendance de leurs enfants comme un manque de loyauté et une trahison (Grünberg, 2006).

Selon Bion (1963), la prévention du passage de la position paranoïde-schizoïde à la position dépressive se traduit également par une prévention de la symbolisation et donc de la pensée elle-même : tout traumatisme signifie une attaque contre la pensée. La compulsion de répétition, reconnue très tôt par la psychanalyse, sert finalement la tentative de faire face à ce qui était initialement incompréhensible. Dans le cadre de la thérapie des patients traumatisés, il est devenu de plus en plus clair que la répétition est typique des expériences relationnelles de la petite enfance dont on ne peut se souvenir (Russel, 2006).

Des connaissances essentielles sur ces mécanismes de communication inconsciente, qui rendent compréhensible le processus de transmission transgénérationnelle, ont été développées par le psychanalyste juif S.H. Foulkes, qui a émigré en Angleterre en 1933 et qui est considéré comme l’un des fondateurs de l’analyse de groupe. D’après son expérience, chaque groupe – y compris les familles – forme un réseau inconscient de communication. Dans ce réseau, une multitude d’émotions, d’images, de projections, d’idéalisations et de fantasmes ainsi que des réactions mutuelles de transfert et de contre-transfert émergent et se propagent. Ce réseau, qui comprend également les expériences historiquement et culturellement influencées des grands groupes environnants, Foulkes l’a appelé la « matrice » d’un groupe (Foulkes, 1964). Les transmissions transgénérationnelles peuvent être considérées comme des effets de la matrice inconsciente et sont décrites par plusieurs psychanalystes :

  • La psychanalyste française Haydée Faimberg (2005) parle de « télescopage », dans lequel les générations de survivants et leurs descendants glissent psychiquement les uns dans les autres, passant ainsi par des processus émotionnels analogues, dans lesquels l’auteur découvre le besoin de réparation narcissique des survivants.
  • Le psychanalyste israélien Ilany Kogan (2007) parle de « traumatisme médiatisé » comme étant le résultat de la perméabilité des frontières entre les survivants de l’Holocauste et leurs enfants et décrit quatre modèles différents de traumatisme infantile.
  • La psychanalyste Judith Kestenberg (1982), qui a émigré d’Autriche aux États-Unis en 1937, souligne le « mécanisme de transposition » de la deuxième génération sur les traces de la génération des parents traumatisés et le décrit comme « un mécanisme au-delà de l’identification, car le descendant dans le tunnel temporel de l’histoires’identifie à plus d’une personne, comme un parent ou un proche décédé, mais aussi aux opprimés et aux oppresseurs qui vivaient à cette époque » (Ibid, p. 155, c’est moi qui souligne). Ainsi, cette métaphore de la descente dans le tunnel du temps signifie une transposition dans la position de la génération précédente, y compris celle des oppresseurs. Ce dernier aspect peut être comparé à la description d’Anna Freud (1946) de l’identification à l’agresseur, qu’elle considère comme un mécanisme de défense important de l’ego, surtout dans les situations traumatisantes.

Derrière tous ces concepts apparaissent des intuitions sur la non-limitation des espaces internes psychiques en relation avec les échanges interpersonnels inconscients. Ce processus ne repose pas sur une intention consciente des parents de déposer leur souffrance chez leurs enfants. Au contraire, les enfants perçoivent dans le silence de leurs parents et dans leurs interactions avec eux ce qui, du point de vue des parents, devrait rester caché. Certes, il y a aussi des parents qui parlent de ce qu’ils ont subi, mais rarement sous la forme d’un récit historique autonome. Ils s’expriment plutôt sous la forme fragmentaire de flashbacks qui, suscités par des déclencheurs ou des rêves, apparaissent de manière répétée et pénètrent le présent actuel comme des projectiles explosifs, l’entrecoupant d’images et de sentiments effrayants du passé – un passé qui ne peut pas passer.

 

Un héritage de culpabilité et de honte pour les descendants d’auteurs d’actes criminels

La première évaluation complète du matériel clinique de part et d’autre, des descendants des survivants comme des auteurs de crimes, est l’anthologie Generations of the Holocaust, éditée par Martin S. Bergmann et Milton E. Jucovy (1982). Alors que du côté des persécutés, nous disposons de matériel clinique sur toutes les générations – les personnes directement touchées ainsi que les descendants –, nous n’avons pas de matériel clinique sur les auteurs eux-mêmes, car ici la dissociation commence déjà par le déni de sa propre responsabilité et de sa culpabilité. Robert J. Lifton (1986) a fait référence au dédoublement de personnalité chez les médecins nazis, une observation que l’on retrouve dans d’autres groupes d’auteurs de crimes, tant dans le national-socialisme que dans d’autres contextes violents.

Dans la génération des persécuteurs eux-mêmes, la confrontation avec leur propre culpabilité n’a pas eu lieu. Cependant, pour certains membres de la deuxième et de la troisième génération, les enfants et les petits-enfants, des conséquences ont été constatées. Bien que la majorité des descendants évitent de penser à la culpabilité de leurs pères et de leurs grands-pères, ils sont inconsciemment influencés par celle-ci dans leur identité, leurs sentiments, leur comportement et même leurs rêves (Bar-On, 1989 ; Frie, 2017 ; Jakob, 2020).

À ce stade, je voudrais aborder un exemple de participation à un meurtre de masse et de son traitement psychologique immédiat, qui, comme je le sais, est extrême et cruel, mais pas atypique à l’époque de la persécution et de l’anéantissement des Juifs d’Europe par le national-socialisme. Néanmoins, je l’ai choisi parce que les mécanismes de défense sous forme d’identification projective et de dédoublement y sont très clairs. Éviter des exemples aussi effrayants ne peut que contribuer à notre tendance à banaliser le national-socialisme ou d’autres formes de brutalité.

Je cite une lettre écrite par le secrétaire de police autrichien et membre SS Walter Mattner, qui était également un antisémite fanatique. Dès son déploiement en Biélorussie, il a écrit des lettres à sa femme, faisant un récit détaillé de l’extermination de la population juive dans ce pays. Dans sa lettre du 5 octobre. 1941, il écrit :

« J’ai autre chose à vous signaler. J’étais en effet présent lors de la grande mort collective d’avant-hier. Dans les premiers wagons, ma main tremblait un peu quand je tirais, mais on s’y habitue. Au dixième wagon, je visais déjà calmement et je tirais en toute sécurité sur les nombreuses femmes, enfants et nourrissons. En me rappelant que j’ai aussi deux bébés à la maison, avec lesquels ces hordes feraient tout aussi bien, sinon dix fois pire. La mort que nous leur avons donnée était une belle et courte mort, comparée aux tortures infernales subies par des milliers et des milliers de personnes dans les cachots de la GPU [les prisons de la police secrète stalinienne]. Les enfants volaient dans les airs en décrivant de grands arcs, et nous les attrapions alors qu’ils volaient encore, avant qu’ils ne s’envolent dans la fosse et dans l’eau. Loin de la couvée qui a plongé toute l’Europe dans la guerre (…). » (Mallmann et al., 2003, pp. 27-28; trad. de l’allemand)

Une lettre antérieure de Mattner à sa femme, datant de février 1941, se termine par une déclaration remarquable : « Jusqu’à mon retour à la maison, je te dirai des choses agréables. Mais ça suffit pour aujourd’hui, sinon tu vas penser que je suis assoiffé de sang. » (Ibid.) Ces citations révèlent l’imbrication de divers mécanismes de défense tels que la dissociation, la projection et l’identification projective, ainsi que le déni et la banalisation, mais aussi les rationalisations – et ces défenses ne sont pas seulement spécifiques au membre SS Walter Mattner, mais sont utilisées par un grand nombre d’auteurs de crimes de manière similaire et sont à cet égard également une composante de la gestion de la culpabilité de l’auteur. Surtout, les sentiments de sympathie pour la souffrance d’autrui, qui se manifestent par des tremblements lors des premiers tirs sur des femmes et des enfants, sont dissociés. Le fait que ces sentiments ne l’agitent plus après le dixième chariot est perçu comme un triomphe sur sa propre faiblesse. Et c’est alors qu’apparaissent les projections antisémites, qui servent en même temps à justifier sa propre cruauté, puisque les victimes représentent soi-disant le même danger – ou « dix fois pire » – pour ses propres enfants, de sorte qu’elle peut sembler d’autant plus justifiée.

La déshumanisation complète des victimes se combine avec la soif de meurtre et une sorte de fièvre de la chasse – comme s’il s’agissait d’un exercice de tir. Pour cela, même les enfants sans défense doivent d’abord être transformés en monstres dans son esprit, une « couvée » qui allumera la guerre et le meurtre. Il semble  approprié de supposer que la crainte de subir une vengeance pour ses propres crimes résonne déjà inconsciemment dans l’esprit de Mattner au moment de les commettre, ce qui ne fait que nourrir ses projections. Mais auparavant, cet assassin avait le pressentiment que quelqu’un pourrait remarquer sa passion à abattre des gens et la prendre pour ce qu’elle est : une soif sanguinaire de meurtre.

Nous savons des auteurs des crimes nazis convaincus, qu’ils pouvaient faire leur « sale boulot » pendant la journée, qu’ils justifiaient comme une nécessité avec exactement ces justifications projectives que nous trouvons dans les citations ci-dessus, tandis que le soir, ils jouaient avec leurs propres enfants, écoutaient de la musique classique ou lisaient Goethe et Schiller, et fêtaient joyeusement Noël ou les anniversaires avec leur famille.

En ce qui concerne la dynamique interactive de la transmission transgénérationnelle de la culpabilité, la première question est de savoir comment les auteurs de tels crimes gèrent ces parties séparées d’eux-mêmes – y compris leur culpabilité – dans leurs relations avec leurs enfants et toute leur famille. Des études systématiques du comportement des auteurs de crimes (Rosenthal, 1998) et de l’image qu’ils ont d’eux-mêmes après la guerre nous montrent les schémas suivants, avec des influences indirectes sur leurs descendants :

  • Une poursuite de la dissociation, qui ne s’accompagne plus de l’exercice de la destructivité, mais de dénis, de relativisations, de rationalisations et de transferts de culpabilité (« C’est Hitler qui l’a fait ! »).
  • Une inversion de la position auteur-victime.
  • Une occultation intime d’une partie plus ou moins importante de leurs convictions et de la fierté ressentie pour leurs actions, pour ce qu’ils ont osé accomplir, un processus que les psychanalystes juifs français, Nikolas Abraham et Maria Torok (1976) comparent à la dissimulation d’un objet dans une crypte (voir également Schwab, 2010, p. 78).
  • Une poursuite de leurs anciennes ambitions.
  • Une construction d’un récit auto-justificatif (par exemple d’avoir subi la pression du commandement, de n’avoir été qu’un exécutant, de ne jamais avoir cautionné de tels actes, comme le montra notamment la défense d’Adolf Eichmann lors du procès de Jérusalem, en 1961) et des efforts pour maintenir ou restaurer leur ancien prestige social.
  • Il s’agit avant tout de la consolidation du moi, qui a également connu une mortification narcissique : il faut « sauver la face » devant soi et autrui. C’est pourquoi les auteurs utilisent des formes de distorsion consciente, de dissimulation, de déni et de blanchiment, notamment vis-à-vis de leurs propres enfants.

 

Conséquences pour les seconde et troisième générations de survivants et d’agresseurs

Cela nous amène à la question centrale de savoir comment le passé chargé de culpabilité et le déni ou la répression ultérieurs de ce passé, « l’incapacité à faire son deuil » dont Alexander et Margarete Mitscherlich (1975) ont parlé à propos de la société allemande de l’après-guerre, ont affecté les enfants – et plus tard peut-être – les petits-enfants des auteurs des crimes.

Il n’existe pas de réponse unique à cette question car les réactions à ce que nous appelons l’héritage transgénérationnel sont très hétérogènes et contradictoires (voir par exemple les rencontres de Dan Bar-On (1989) avec les enfants adultes de nazis de haut rang). Il existe cependant de multiples preuves issues de la clinique et de la recherche montrant que les enfants – et à travers eux les petits-enfants – portent une partie de ce qui a été transmis et qui n’a pu être travaillé, intégré psychologiquement. Les descendants d’auteurs de crimes manifestent souvent un haut degré d’ambivalence envers leurs parents et souvent une distance intérieure qui s’accompagne d’un sentiment de honte. Ceci est souvent perçu comme un manque de loyauté qui génère à son tour des sentiments de culpabilité envers les parents (Bar-On, 1989 ; Schwab, 2010 ; Volkan et al., 2011 ; Jakob 2020). Dans ses études sur les héritages obsédants, Schwab (2010) souligne que les enfants d’auteurs de violences héritent également d’éléments traumatiques liés à l’agression destructrice des parents :

« Reconnaître la vie psychique de nos ancêtres dans notre propre vie psychique signifie mettre à jour leurs souffrances inexprimées et leurs histoires secrètes, ainsi que leur culpabilité et leur honte, leurs crimes – d’où l’importance des histoires « secrètes » d’une famille, d’une communauté ou d’une nation. Dans ce contexte, le secret ne signifie pas nécessairement qu’il n’existe aucune connaissance consciente du passé. Il peut également signifier que cette connaissance est réduite au silence et écartée de la vie publique. Dans ce cas, il devient une connaissance tacite, partagée par tous, mais traitée comme un sujet tabou. » (Ibid., p. 79; trad. de l’anglais)

Si l’on s’intéresse aux petits-enfants des auteurs des crimes, il semble que la réapparition de la culpabilité et de la honte niées, dissociées ou cryptées se produit principalement chez ceux dont les parents ont refusé d’affronter la culpabilité de leurs parents ou n’ont pas été capables de la supporter. Pour ces petits-enfants, les liens entre leur propre état et l’histoire des grands-parents sont souvent très diffus et flous – et de même ils se sentent souvent, selon leurs propres dires « comme dans un brouillard ». Il leur reste à rechercher et à traiter l’histoire et les récits afin de se faire une idée des influences qu’ils ont reçues par l’intermédiaire de leurs parents et des relations difficiles que ces derniers ont eues avec leurspropres parents (Ustorf, 2010 ; Jakob, 2020).

Un exemple frappant de cette situation est fourni par le livre, Not in My Family, du psychanalyste germano-canadien, Roger Frie (2017). Ses deux parents sont nés en 1935 dans la ville de Hanovre, dans le nord de l’Allemagne, et y ont vécu la période nazie, y compris les années de guerre au cours desquelles Hanovre a été lourdement bombardée. Ils ont également connu la première période d’après-guerre, avec ses tentatives de réorientation, mais aussi de dissimulation et de déni. En tant que jeune couple, les parents ont décidé d’émigrer au Canada, où l’auteur est né en 1965. Durant son enfance et son adolescence, il a appris beaucoup de choses sur les pertes subies par la famille de son père. Mais l’implication de la famille de sa mère dans le national-socialisme n’a pas été évoquée.  L’auteur ne l’a appris que des décennies plus tard. La découverte du passé nazi de son grand-père bien-aimé n’en a été que plus bouleversante pour Frie, qui a dû relever un défi douloureux. Il l’a fait non seulement en privé, mais aussi sur la base de ses propres recherches et d’une réévaluation, ce qui a donné naissance à son livre, lequel a entraîné des conflits dans la famille. Cependant, il a reçu une grande attention en Amérique du Nord ainsi qu’en Allemagne. L’appel central de Fries, en tant que petit-fils de nazi, est d’appeler lui-même et d’autres personnes à assumer la responsabilité de cette histoire afin d’éviter qu’elle soit niée ou même répétée. Compte tenu de la montée des mouvements conservateurs et radicaux de droite, notamment dans les démocraties occidentales, il s’agit d’un grand défi, qui implique nécessairement les héritages émotionnels transgénérationnels inconscients.

 

Le syndrome du survivant

En ce qui concerne les transmissions dans les familles des survivants, Nathan Kellermann (2008) note qu’il existe aujourd’hui plus de 500 études examinant la transmission du traumatisme de l’Holocauste aux descendants des survivants, dont certaines soulignent systématiquement les fortes conséquences, tandis que d’autres n’identifient aucune conséquence (Ibid, p. 263). Dans sa propre étude portant sur une variété de facteurs démographiques chez les enfants adultes ainsi que les parents survivants, Kellermann explore la question de savoir quels enfants de survivants étaient particulièrement vulnérables à l’héritage de ce legs indésirable. Son étude identifie un certain nombre de facteurs qui conduisent à la détresse psychologique chez les enfants. Ces facteurs comprennent le fait d’être le premier ou le deuxième enfant, d’être né peu de temps après la fin de la guerre, d’être une femme, d’être mariée et instruite, de travailler souvent dans l’enseignement ou dans des professions d’aide, et le fait que leurs parents n’aient pas partagé avec eux leurs expériences de l’Holocauste (Ibid., p. 268).

La transmission transgénérationnelle de la culpabilité mérite une attention particulière. Elle concerne non seulement les descendants des auteurs et des compagnons de route, mais aussi les descendants des survivants. Dans le cadre de son travail d’expert pour les dommages consécutifs au traumatisme de l’Holocauste, Niederland (1980) avait identifié le syndrome du survivant, qui se caractérise par des sentiments de culpabilité du survivant en plus de diverses autres réactions psychologiques. Ce syndrome résultait du fait, difficilement explicable rationnellement pour la plupart d’entre eux, qu’ils étaient les seuls survivants de leur famille, voire de leur communauté. Le chagrin immense et presque ingérable associé à cette situation a été clairement ressenti par les enfants des survivants, qui portaient souvent les noms des parents assassinés. Selon Wardi (1997), ces enfants avaient la fonction de « bougies commémoratives ». Ce que cela signifie pour les enfants d’apprendre que l’un de leurs parents ou les deux avaient déjà fondé leur propre famille avant la guerre, qui avait été assassinée pendant l’Holocauste, est évoqué dans plusieurs entretiens par Epstein (1979). À mon avis, ce qui est en jeu ici, contrairement au sentiment de culpabilité des survivants de leurs parents, c’est un sentiment élémentaire de culpabilité de vivre. Pour certains de ces enfants nés après la guerre, cette culpabilité s’accompagne du sentiment d’être de « mauvais » enfants et de ne pas pouvoir véritablement remplacer ceux qui ont été assassinés.

Afin de mieux rendre justice aux fardeaux très différents des enfants de survivants, le psychanalyste israélien Joshua Durban (2011) distingue trois degrés de gravité de la rencontre avec le passé sombre des parents. Dans sa forme la plus légère, qui pèse sur le moi, c’est une vie avec ces ombres. Dans sa deuxième forme, c’est une vie sous leurs ombres, qui permet aux fantômes du passé de devenir des fantômes vengeurs et persécuteurs. Dans sa troisième forme, le développement de soi est massivement entravé, c’est une vie en tant qu’ombre. Dans cette troisième forme, les parties destructrices de l’expérience traumatique parentale sont introjectées inconsciemment à un très jeune âge et sont vécues plus tard comme des corps étrangers hostiles dans le moi des enfants. Leurs tentatives pour éliminer ces fantômes intérieurs prennent inévitablement un caractère auto-agressif. C’est pourquoi Durban appelle cette troisième forme le « chimérisme », qui ne pourrait être surmonté que s’il devenait possible de développer un récit sur son propre héritage. Cela créerait un espace dans lequel les ombres peuvent prendre forme et les fantômes peuvent être contenus et enterrés. Il semble qu’avec la production d’un récit, Durban poursuive une symbolisation par le biais de la verbalisation. Ainsi, l’existence héritée jusqu’alors incompréhensible, mais ressentie de manière sombre, reçoit une forme et donc une limitation (historicisante), qui permet désormais une démarcation de son propre moi.

Outre les nombreux ouvrages savants, il existe un grand nombre de témoignages et de documents personnels. L’un des nombreux exemples est le récit de la vie de la musicienne et survivante d’Auschwitz, Anita Lasker-Wallfisch, qui a survécu en tant que jeune femme dans l’orchestre d’Auschwitz grâce à ses talents de violoncelliste. Le livre dédié à ses enfants et petits-enfants s’intitule Inherit the Truth (1996). Le livre du survivant de l’Holocauste, Shalom Weiss, est un autre document impressionnant d’un dialogue réussi entre trois générations. Le titre allemand du livre, Wie konntest du Mensch sein in Auschwitz ? (2017), reprend la question de ses descendants : comment peut-on rester humain à Auschwitz ? En préambule de cet échange avec ses filles et petits-enfants, Weiss confie qu’il a toujours vacillé entre un désir de refoulement et son contraire. Et pourtant, les proches des trois générations se rendent compte à quel point parler de la Shoah est utile et thérapeutique pour faire face au deuil et à la douleur.

Mais dans le cas d’un traumatisme extrême, la guérison par la parole (« talking cure »), comme Freud appelait autrefois la méthode psychanalytique, non seulement nécessite des personnes à l’écoute, compréhensives, compatissantes et en résonance, mais dure nécessairement trois générations ou plus. Il peut être surmonté émotionnellement à un moment donné, mais jamais effacé.

Angela Moré*

Adaptation française : Marc-André Cotton

© A. Moré – 12.2022

 

*Angela Moré est professeure de psychologie sociale à l’université Leibniz de Hanovre (Allemagne) et praticienne et formatrice en analyse de groupe (D3G). Ses recherches portent sur la psychologie sociale psychanalytique, la psychologie du développement et l’histoire de l’éducation, les développements de la théorie psychanalytique, l’analyse de groupe, la transmission transgénérationnelle du traumatisme, de la culpabilité et de la honte, les conséquences psychosociales de la perpétration du nazisme et de l’Holocauste. En 2018-2019, elle a été boursière au Centre de recherche interdisciplinaire (ZiF) de l’Université de Bielefeld dans le cadre du projet de recherche "Felix culpa ? La culpabilité comme force culturellement productive". Voir ses publications .

 


Bibliographie

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Lexique

(Définitions inspirées du Dictionnaire de la psychanalyse, Élisabeth Roudinesco et Michel Plon, Fayard, 1997.)

Ça : Dans la seconde topique de Freud, le ça est une partie de la psyché humaine conçue comme un ensemble de contenus de nature pulsionnelle et d’ordre inconscient.

Compulsion de répétition : C’est un processus inconscient qui contraint le sujet à reproduire des séquences qui furent à l’origine génératrices de souffrance et qui ont conservé ce caractère douloureux. La compulsion de répétition est l’une des dimensions constitutives de la notion d’inconscient dans la doctrine freudienne.

Contre-transfert : Dans la cure psychanalytique, ce terme désigne les réactions de l’analyste aux transferts que ses analysants font sur lui. Plus largement, le contre-transfert est une expérience émotionnelle vécue en réaction à un transfert, souvent inconsciemment.

Identification : Processus central par lequel le sujet se constitue et se transforme en assimilant ou en s’appropriant des aspects, attributs ou traits des êtres humains qui l’entourent.

Identification à l’agresseur : Concept introduit par Sándor Ferenczi, puis développé par Anna Freud pour désigner un mécanisme de défense par lequel l’ancienne victime imite des comportements de son ancien agresseur : agressions physiques, critiques, etc. Dans un premier temps, l’ensemble de la relation agressive est renversé, l’agressé devenant l’agresseur. Dans un deuxième temps, l’agression se tourne vers l’intérieur sous la forme d’un sentiment de culpabilité.

Identification projective : Concept introduit par Mélanie Klein pour désigner un mode spécifique de projection et d’identification consistant à introduire sa propre personne dans l’objet pour exercer sur lui un contrôle de nature inconsciente.

Introjection : Terme introduit par Sándor Ferenczi en 1909 pour désigner la manière dont le sujet fait entrer fantasmatiquement des objets du dehors au-dedans de sa sphère d’intérêt.

Mécanisme de défense : Freud désigne sous ce terme l’ensemble des manifestations de protection de ce qu’il appelle le moi, contre les agressions intérieures et extérieures.

Narcissique : Freud désigne à l’origine le narcissisme comme un stade primaire de l’évolution sexuelle du jeune enfant, au cours duquel ce dernier se prendrait lui-même comme objet de désir. Plus largement, les psychanalystes qualifient de narcissique toute blessure infligée à l’intégrité du sujet.

Moi : Dans la première topique de Freud, le moi était le siège de la conscience, par opposition au préconscient et à l’inconscient. Dès 1920, dans sa seconde topique, le terme désigne une instance psychique opposée au ça et au surmoi. Il donne naissance à plusieurs interprétations selon les disciples.

Position dépressive : Selon Mélanie Klein, la position dépressive résulterait de l’intégration par le petit enfant de la perte de la relation à sa mère. Elle suppose que celui-ci ait intériorisé un objet suffisamment bon pour surmonter cette perte, dépassant ainsi ce qu’elle désignait par la position paranoïde-schizoïde.

Position paranoïde-schizoïde : Concept introduit par Mélanie Klein pour désigner un état supposé du développement psychique du petit enfant dans lequel celui-ci n’a pas encore intégré la perte de la relation à sa mère. Cette position peut être réactivée à l’occasion de traumatismes ultérieurs, dans le deuil ou la séparation.

Projection : Mode de défense primaire par lequel le sujet projette sur un autre sujet ou sur un objet des désirs qui viennent de lui, mais dont il méconnait l’origine en les attribuant à autrui.

Relation d’objet : Terme employé dans la seconde partie du XXe siècle par les successeurs de Freud pour désigner les modalités fantasmatiques de la relation du sujet au mode extérieur, telles qu’elles se présentent dans les choix d’objets que ce sujet effectue. Il peut s’agir d’une personne ou d’un objet partiel, d’un objet réel ou d’un objet fantasmatique

Surmoi : L’une des trois instances de la seconde topique de Freud, avec le ça et le moi, le surmoi exerce les fonctions de juge et de censeur à l’égard du moi.

Transfert : Ce terme n’est pas propre à la psychanalyse et implique une idée de déplacement, de substitution d’une place à une autre. Dans le cadre d’une psychanalyse, le transfert est considéré comme essentiel à la prise de conscience des affects inconscients de l’analysant. Plus largement, le transfert implique le déplacement de contenus émotionnels inconscients sur des personnes ou des objets extérieurs.