Un programme de soutien à la parentalité validé par la recherche

par Marc-André Cotton

Résumé : Récemment publiée, une étude portant sur le cycle de soutien à la parentalité Vivre et Grandir ensemble^®, fait apparaître que ce programme favorise le sentiment de compétence des parents et la mise en œuvre de pratiques éducatives bienveillantes. Fondée sur les principes de la communication non-violente, sur les neurosciences cognitives et affectives, ou encore sur la théorie de l’attachement, cette formation offre aux parents et aux professionnels de la petite enfance des outils leur permettant d’accompagner l’évolution actuelle des pratiques éducatives.

Les attentes souvent contradictoires qui se bousculent dans la tête des parents d’aujourd’hui rendent leur tâche particulièrement difficile. Ils doivent être attentifs aux besoins de leurs enfants sans pour autant céder à toutes les fantaisies. On les invite à stimuler la créativité des plus jeunes tout en faisant respecter les règles du vivre ensemble. Il faut élever des enfants disciplinés sans brimer leur individualité, parmi d’autres injonctions. Et depuis l’adoption de la loi française de juillet 2019 interdisant les violences éducatives ordinaires (VEO), tout cela sans perdre leur calme.

Face à ce désarroi, certains professionnels de l’enfance n’hésitent pas à prôner le retour d’une éducation punitive en famille, dans laquelle le principe de réalité cher à Freud jouerait le premier rôle[1]. D’après un baromètre récemment publié par la Fondation pour l’Enfance, près de huit parents sur dix auraient ainsi recours à des VEO dans l’exercice de cette tâche difficile[2]. Dans ce contexte, la publication de l’étude menée par deux chercheuses en psychologie des Universités de Grenoble et Lyon 2 sur l’impact du programme de soutien à la parentalité Vivre et Grandir ensemble^® prend un sens particulier [3]. Jugez plutôt !

Mieux appréhender les comportements des enfants

Au cœur de cette étude, un cycle d’ateliers pour parents créé par Catherine Dumonteil-Kremer et animé par les consultantes du réseau Parentalité Créative^®. Pionnière dans l’accompagnement des parents depuis trente ans, son initiatrice s’est appuyée sur les principes de la communication non-violente et de la psychologie positive, sur les neurosciences cognitives et affectives, ou encore sur la théorie de l’attachement pour permettre aux parents et aux professionnels de la petite enfance d’acquérir des outils leur permettant de mieux appréhender les comportements des enfants, de gérer leurs propres émotions et de réduire ainsi le recours aux VEO.

Constitué de huit ateliers bimensuels de deux heures et demie, le cycle aborde des thématiques comme l’exploration des besoins physiologiques de l’enfant, l’accompagnement de ses pleurs et de ses colères, la pose respectueuse de limites, ou l’impact de nos blessures d’enfance sur la relation parent-enfant. L’hypothèse principale des chercheuses était que ce programme contribue à l’amélioration du sentiment de compétence des parents et l’engagement dans des pratiques parentales positive. Une seconde hypothèse présumait que Vivre et Grandir ensemble^® augmente les niveaux de bien-être, de bienveillance envers soi-même, et de cohérence entre les valeurs des parents et les comportements de ces derniers avec leurs enfants.

Parents confrontés à de nouvelles valeurs

Les chercheuses font valoir que le changement de paradigme qui s’impose aujourd’hui dans les pratiques éducatives implique des compétences innovantes de la part des parents. S’appuyant sur des recherches antérieures, elles soulignent le besoin d’un soutien spécifique leur permettant de faire face au stress engendré par la confrontation à de nouvelles valeurs. Grâce à ce programme, ils acquièrent des connaissances et des perspectives originales sur leur parentalité, et expérimentent des façons créatives de se comporter avec leurs enfants. L’acceptation des émotions y est encouragée, tout comme l’écoute active et la communication positive.

« En 2017, j’ai rencontré la chercheuse Rebecca Shankland, qui était déjà passionnée par le sujet, explique Catherine Dumonteil-Kremer. Nous avons décidé de lancer cette étude dont la réussite a reposé sur l’énergie des consultantes en parentalité qui ont largement diffusé le questionnaire[4]. » Recrutés pas les formatrices du réseau Parentalité Créative^®, une centaine de parents impliqués dans un cycle Vivre et Grandir ensemble^® furent donc interrogés anonymement avant et après leur formation. Comme la moitié d’entre eux ne purent suivre le programme immédiatement, ils constituèrent le groupe de contrôle. Des questions qualitatives additionnelles furent posées aux parents ayant complété la formation pour voir dans quelle mesure le programme leur permettait d’acquérir les compétences visées, à savoir : l’écoute active, la capacité à accepter et à réguler les émotions, l’utilisation du jeu dans les relations avec leurs enfants, et le recours à des solutions créatives comme alternatives aux VEO.

Des résultats encourageants

À la fois quantitative et qualitative, l’étude démontre que le cycle Vivre et Grandir ensemble^®– actuellement l’un des programmes de soutien à la parentalité les plus répandus en France – renforce de manière significative le sentiment de compétence des parents et favorise les pratiques parentales positives. Cela se traduit concrètement par une augmentation des comportements empathiques envers l’enfant et une diminution des comportements violents ou abusifs, en comparaison du groupe de contrôle. Cette formation agit aussi favorablement sur le bien-être mental, la bienveillance envers soi-même, et la cohérence comportementale, comme le présumaient les chercheuses dans leur seconde hypothèse – toujours par rapport au groupe témoin.

Après leur formation, 87% des parents déclarèrent par exemple être plus capables d’écouter « souvent à très souvent » leur enfant. 84,4% d’entre eux estimèrent que c’était un moyen utile pour développer leur sentiment de compétence et un climat familial paisible. À la fin du programme, 62,3% des parents déclarèrent aussi trouver « souvent à très souvent » des solutions créatives et des alternatives aux VEO, la quasi-totalité estimant être désormais capables de prêter attention à leur enfant. Trois parents sur quatre jugèrent également être plus conscients de l’impact de leur rôle au sein de la société[5].

Soutien des pairs

Dans leurs conclusions, les chercheuses soulignent qu’un sentiment accru de compétence parentale, l’augmentation des pratiques parentales positives, les niveaux améliorés de bien-être, de bienveillance envers eux-mêmes, et de cohérence entre leurs valeurs et leurs comportements éducatifs étaient autant de variables indiquant que les effets du cycle Vivre et Grandir ensemble^® pourraient se prolonger après la fin du programme. Une majorité de parents ont clairement identifié ses bénéfices en termes de développement de leurs capacité d’écoute active, d’acceptation et de compréhension émotionnelles, de recours au jeu pour améliorer la qualité des relations au sein de la famille, et de recherche de solutions alternatives aux VEO.

Avec le soutien de leurs pairs, les parents réalisent également l’importance de l’équilibre émotionnel dans la gestion de leur quotidien. Une attention accrue aux ressentis de l’enfant peut les aider à répondre de manière plus flexible aux situations potentiellement problématiques. Ils comprennent qu’en prenant plus vite en compte les besoins de l’enfant, ou en ajustant leurs exigences à ses possibilités, ils éviteront une chaîne d’actions et de réactions, réduisant ainsi le recours éventuel à un contrôle coercitif de son comportement. Ces résultats peuvent offrir des perspectives de recherche sur les processus psychologiques favorisant l’évolution des pratiques parentales.

L’intérêt d’une formation de consultant·e en parentalité

Une précédente étude du cycle Vivre et Grandir ensemble^®, réalisée en 2017 sur la base d’entretiens qualitatifs, avait déjà montré que cette formation favorise une meilleure relation parent-enfant et un mieux-être global des adultes qui développent plus de flexibilité et de compassion, entraînant ainsi des pratiques parentales positives. Elle mettait en évidence l’importance du soutien social et d’une démarche volontaire des participant·es comme éléments primordiaux dans le processus de changement. En effet, le groupe a une fonction contenante qui protège, structure et s’ajuste pour créer une forte interdépendance et favoriser la construction de nouvelles représentations, elles-mêmes propices à une évolution des comportements éducatifs.

Dans cette perspective, les consultant·es en parentalité ont pour fonction de garantir le cadre permettant au groupe de mettre en œuvre ces nouvelles pratiques de manière progressive, en validant l’intérêt de la démarche expérientielle. Car c’est bien l’expérience vécue qui permet d’impulser le changement et de concrétiser de nouvelles valeurs. Leur propre parcours de formation au sein de Parentalité Créative^® leur garantit une posture professionnelle et l’épanouissement de qualités comme la cohérence, la présence, l’accueil, l’écoute, l’empathie et la bienveillance[6]. Ici aussi, la démarche expérientielle et la place centrale faite à l’observation de situations, aux exercices pratiques, à l’échange et l’éducation entre pairs sont au cœur de l’accompagnement au changement.

Dans un pays où les violences envers les enfants ont longtemps été perçue comme un droit légitime de correction, ces résultats offrent de nouvelles perspectives sur la manière dont les dynamiques de transformation sociale peuvent être encouragées.

Marc-André Cotton

© M.A. Cotton – 01.2024 / regardconscient.net