Le 11 septembre 1941, le Département américain de la guerre donnait officiellement le coup d’envoi à la construction d’un édifice gigantesque, appelé à devenir un symbole de la puissance militaire américaine : le Pentagone [1]. Soixante ans plus tard, jour pour jour, l’aile sud de ce bâtiment était frappée de plein fouet par un engin volant dont la nature fait, encore aujourd’hui, l’objet d’une violente controverse [2]. À notre connaissance, aucun commentateur n’a souhaité relever cette incroyable coïncidence, qui pose sur les évènements dramatiques du 11 septembre 2001 un point d’interrogation supplémentaire. En effet, l’attentat du Pentagone n’ayant été revendiqué par aucune organisation terroriste, faudrait-il attribuer ce synchronisme au seul fait du hasard? S’agirait-il au contraire d’une « signature » que quelques initiés sont à même de déchiffrer, mais qu’il serait cependant nécessaire de taire au grand public ?
Dans ce numéro de Regard conscient, vous pourrez lire pourquoi nos dynamiques inconscientes remettent en scène les traumatismes vécus, avec une précision parfois déconcertante (page 4). Lorsqu’une terreur est partagée par un groupe important de personnes, elle détermine une logique collective de revivance traumatique se traduisant au fil du temps par de nombreuses mises en actes successives, qui constituent finalement l’identité historique et culturelle de ce groupe (page 8). Ainsi, sous l’impulsion de leurs leaders, les Américains se sentent-ils mobilisés par une guerre totale contre « l’Axe du Mal » qui, de notre côté de l’Atlantique, nous paraît irrationnelle, voire suicidaire (page 6).
Dans cette perspective, l’attentat manqué contre le président Jacques Chirac revêt une signification particulière (page 2). Porté au pouvoir pour rassurer les peurs de la nation française, celui-ci semble incapable de soulager l’anxiété refoulée de ses concitoyens. Par son acte désespéré, le tireur du 14 juillet devient alors le porte-parole inconscient – et criminel – de la colère collective, parce que son histoire personnelle le prédispose à ce rôle. Dans l’enfance des terroristes, on trouve en effet un vécu quotidien de brimades et d’humiliations qui leur ôte le respect de leur vie et par conséquent de celle d’autrui (page 3).
Ainsi, au cur du revécu traumatique que constitue l’acte terroriste, on trouve le déni et la terreur intériorisés par l’enfant dans sa relation à ses parents et à ses éducateurs. L’origine de la violence humaine tient dans cet holocauste vécu par les enfants à travers l’histoire et réactivé sur la scène mondiale (page 7). Qu’il s’agisse du martyre d’un homme-bombe, des représailles militaires qui s’en suivent ou de toutes les situations ayant occasionné en nous des souffrances, le sentiment de légitimité qui accompagne le passage à l’acte justifie de rejouer sur l’autre ce qu’on a soi-même vécu (page 5). L’enjeu, c’est la possibilité qui nous est offerte de vivre enfin conscients, individuellement et collectivement. À l’évidence, aucune peine n’équivaut à l’exercice de cette pleine faculté.
M.Co.
[1] Site officiel du Pentagone.
[2] Lire Thierry Meyssan, Le Pentagate, éd. Carnot, 2002, ainsi que notre page 6.