De hauts responsables du renseignement militaire israélien ont menti en affirmant que Yasser Arafat avait planifié la « destruction d’Israël », divulguait récemment le quotidien israélien Ha’aretz. Cette allégation aurait signé l’échec du sommet de Camp David, en juillet 2000, et justifierait l’intransigeance actuelle du gouvernement d’Ariel Sharon à l’égard de l’Autorité palestinienne. Pour soutenir leurs vues, des généraux auraient réécrit a posteriori leurs rapports de renseignements, avec la complicité d’autres membres de leur hiérarchie. Devant le scandale soulevé par ces révélations, un journaliste de Tel Aviv pose alors la question : « À quelle superstition avons-nous cédé quand nous avons bu cette thèse qui est à la base de notre politique et de nos opérations militaires depuis trois ans et demi ? » [1]
La redoutable structure de refoulement que les Juifs sionistes mettent en œuvre pour faire obstacle à la résolution de leurs souffrances les empêche de répondre par eux-mêmes à cette question. Ils s’aveuglent et s’enferment dans d’horribles passages à l’acte qui fondent une politique apocalyptique dans laquelle, par désespoir, ils se légitiment d’impliquer le monde entier. Cette escalade témoigne pourtant de problématiques qu’il est possible de mettre à jour. Ce processus implique de reconnaître que les adeptes du sionisme – un courant longtemps minoritaire au sein du judaïsme – projettent sur leurs voisins arabes des terreurs issues de leur passé collectif refoulé, notamment un profond sentiment d’insécurité et de dépossession. Leur compulsion à rejouer collectivement ces souffrances générationnelles en Palestine les pousse à choisir pour dirigeants des meneurs adaptés à ce scénario (pages 4 et 5).
L’attachement quasi viscéral au concept même de « Terre promise » prend racine dans la soumission dramatique que la hiérarchie rabbinique impose encore à ses fidèles, notamment à travers le rituel de la circoncision masculine au huitième jour. Cette mutilation serait la marque de l’alliance divine qui garantirait au Peuple élu ses prérogatives sur le pays de Canaan, l’actuelle Palestine (Gn 17 1-14). Encore aujourd’hui, l’inconscience des pères qui livrent leurs fils au traumatisme de la circoncision prive ces derniers de leur état naturel de jouissance et provoque chez eux terreur et insensibilité (page 6). Cette rupture nourrit le fantasme d’un accueil maternel perdu à jamais – symbolisé par l’existence de la Terre d’Israël – et légitime un nationalisme agressif. D’autres mythes mensongers transmettent aux enfants l’interdit de remettre en cause la violence du père, décidé à faire prévaloir son mode de refoulement en dépit des conséquences sur les générations futures (page 3).
Ainsi, tant que nous ne reconnaissons pas que les projections de nos souffrances sur un support extérieur à nous-mêmes émanent de notre propre histoire, nous nous interdisons l’accès à leur résolution et nous enfermons dans un statut de victime (page 8). En distribuant de la sorte les rôles, nous nous privons d’une responsabilité libératrice, nécessaire à la prise de conscience des dynamiques agissant l’homme.
M.Co.
[1] Ofer Shelan, « Un scandale qui éclabousse les renseignements israéliens », Courrier international No 711, 17-23.06.2004.