Édito No 24 (janvier 2007)

La femme offensée

par Marc-André Cotton

À la demande du ministère de la jeunesse et des sports, les industriels italiens de la mode viennent de signer un code de bonne conduite par lequel ils s’engagent à ne plus faire appel à des mannequins trop maigres. Cette déclaration fait suite au décès d’une top-modèle brésilienne, morte de faim et d’épuisement, pour lequel le milieu de la mode a été montré du doigt. Les signataires promettent également de participer aux campagnes de communication visant à « modifier positivement les modèles esthétiques inspirateurs d’identité et de comportements sociaux » [1].

Nous sommes invités à nous en réjouir. Pourtant, la volonté de « modifier un modèle esthétique » relève de la manipulation parce qu’elle n’en nomme ni n’en résout la cause – à savoir le regard méprisant que les hommes posent quotidiennement sur les femmes. Pour éprouver une éphémère sensation de domination, ils réduisent le corps et le comportement de ces dernières à des supports d’humiliations (page 2). Dans la haute bourgeoisie où se fabriquent les courants de la mode, des hommes tirent parti de ce mépris collectif et imposent leur propre modèle de femme infantilisée, sexualisée et entièrement dévolue au maintien de leur hégémonie. Cette obsession révèle l’extrême souffrance de ne pas avoir été accueillis par une mère pleinement satisfaisante et confirmés par un père conscient de l’importance humaine de cette relation.

Dans leur immense majorité, les hommes refusent de reconnaître qu’ils sont porteurs de problématiques relationnelles ancestrales, préférant rendre les femmes responsables de leurs profondes souffrances (page 3). Déniées en tant qu’êtres humains conscients, celles-ci se retournent contre leurs enfants et adhérent aux politiques de la petite enfance qui visent à les séparer d’eux au profit d’un engagement professionnel (page 6). Sur le plan social, l’extrême mépris que les hommes infligent à la capacité d’écoute et d’accompagnement des femmes est manifeste dans leur volonté de réglementer l’exercice de la psychothérapie – une profession principalement féminine (page 2).

Aujourd’hui, les modèles de comportement que le patriarcat impose aux femmes impliquent la soumission quasi-totale à la médecine obstétricale, une discipline qui tend à systématiser la césarienne au détriment de l’accouchement (pages 4 et 5). Cette chirurgie est présentée comme un choix parmi d’autres, sans aucune considération pour le traumatisme qu’elle inflige à l’enfant. Les stars du « show business » y ont recours pour conserver leur « look » après une grossesse, valorisant ainsi l’intrusion du corps médical dans le processus de la naissance. Les fictions que nous propose l’industrie du divertissement confirment ces stéréotypes misogynes et participent au maintien de l’aveuglement collectif (page 7).

Face à ces constats, il est d’autant plus important que les femmes réalisent précisément ce qui se passe dans leur relation aux hommes (page 8). Elles doivent retrouver confiance en leur capacité de saisir le sens des évènements quotidiens et s’autoriser à nommer leur senti au-delà de la terreur d’être condamnées. Face à ce positionnement, il appartient aux hommes de se remettre en cause afin que nous puissions effectuer ensemble ce chemin de libération.

M.Co.

[1] Jean-Jacques Bozonnet, « L’Italie contre la maigreur des mannequins », Le Monde, 20.12.2006.


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