La perception de l’autre est ancrée dans notre histoire. Nous la vivons, en tout premier lieu, dans la relation à nos parents. La claque sur le cul à la naissance, les gros yeux remplis de colère, les humiliations et les coups sont autant de situations qui rendent les parents menaçants aux yeux des enfants.
Les adultes ignorent les dynamiques qui les agissent. Et au lieu de se pencher avec compassion sur leur passé et de s’enrichir d’une expérience de vie menée jusqu’au terme de la conscience, ils s’unissent pour infliger aux nouvelles générations une éducation et des institutions qui justifient toutes sortes de violence.
Ils s’obstinent à croire qu’une éducation à la maîtrise et au refoulement de toutes les dimensions affectives, sensibles de l’être humain éliminera tous les problèmes. Mais cette éducation engendre la peur de soi et la terreur de l’autre. Elle nous fait perdre le sens de nos actes et de notre vie. Elle nous précipite dans une compulsion à s’instruire, à se former, à fabriquer et à compenser, qui amplifie notre désarroi intérieur.
Nous avons un besoin impératif de vivre sains et conscients. Nous ne pouvons pas accepter de maîtriser et de refouler notre infinie sensibilité. C’est pour cette raison que nous exhibons encore et encore sur les scènes familiale, sociale et historique un passé indigeste. Nous n’avons de cesse que de remettre en scène causes et conséquences afin de reconnaître ce qui s’est passé et de retrouver ainsi notre intégrité.
Mais nous sommes incapables de discerner le présent de nos rejouements (1) individuels et collectifs et d’en mesurer les conséquences. La confusion règne, les angoisses augmentent et la violence aussi. Les réponses que nous apportons à ce problème serrent le noeud qui nous étrangle.
Aucune civilisation n’a compris que les explosions de mépris, de haine et de destruction sont les démonstrations collectives du mépris, de la haine et de la destruction qu’a subi chaque adulte dans son enfance.
Nous ignorons notre véritable nature. Tant que les parents et les autorités qu’ils mettent en place, entretiendront la croyance du Mal en l’Homme en travestissant la vérité sur leurs passages à l’acte, il y aura des génocides
Sylvie Vermeulen
© S. Vermeulen 08.2001 / www.regardconscient.net
Note :
(1) Un rejouement est une mise en scène inconsciente dans laquelle les circonstances du présent sont créées ou utilisées pour permettre l’expression de sentiments anciens, refoulés dans la mémoire.